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Un vélo avec une fourche sans déport … ça roule, ça roule …

J’ai rencontré Jean-Lin au départ de la Blue Train Historic Race à Golfe Juan. Dans le parc hétéroclite des vélos des participants qui s’installait chez Golden Cycles, le sien affichait une sacrée personnalité. Son cadre a été façonné par le magicien cadreur occitan Matthieu Chollet, dont l’atelier est installé à Bruniquel, dans le Tarn et Garonne. Matthieu est loin d’être un inconnu des spécialistes du vélo et sa valeur de cadreur a été largement récompensée lors des différents Concours de Machines. En voyant le vélo de Jean-Lin, j’ai immédiatement reconnu la signature de Pechtregon grâce à cette fameuse fourche Truss qui équipe les vélos produits par Matthieu.

Mais laissons la parole à Jean-Lin qui va nous raconter pourquoi et comment il a choisi ce vélo pour réaliser les chevauchées d’Ultra Cycling dans lesquelles il s’est engagé.

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Laissons la parole à Jean-Lin Spriet qui nous parle de son vélo Pechtregon – photo Philippe Aillaud

« Je suis un amoureux du vélo et du matos donc je cherche ce qui se fait en matière de technique un peu avancée. Je suis tombé sur les travaux de François Kérautret (FKC François Kérautret Conception) mais les budgets n’étant pas à la hauteur de mes moyens j’ai cherché un artisan cadreur en France qui soit capable et suffisamment curieux pour réaliser une fourche sans déport (no offset) », m’explique Jean-Lin. Je le laisse poursuivre le récit de son cheminement pour mener à bien son projet.

En juin l’année dernier j’ai appelé Matthieu de PechTregon Cycles pour lui parler de mon projet consistant à équiper un vélo d’une fourche Truss sans déport. L’objectif étant de faire de la longue distance, et notamment de me lancer dans la Trans American Bike Race, que j’ai prévue de faire en juin. Bingo, c’est ce qu’avait préparé Matthieu avec un vélo type randonneuse, qu’il comptait présenter au Concours de Machines 2019, à Rambouillet dans le cadre du Paris-Brest-Paris ! Belle rencontre et une belle coïncidence !

François Kérautret avait lancé ce principe de fourche sans déport il y a quelques années. Il l’avait baptisée RZ, pour Rake Zero ou, en français, « déport nul ». Il a pris sa retraite depuis l’année dernière, me semble-t-il. Son expérience en moto de GP l’avait convaincu du bienfait du sans déport et il l’a adapté au monde du vélo. C’est devenu une des spécificités de ses vélos.

Je vais essayer de vous résumer ce que je connais sur le fonctionnement de ce type de fourche et des sensations que j’ai eu en roulant sur ce vélo durant la Blue Train Historic Race. Si vous avez des infos complémentaires, n’hésitez pas à partager votre expérience et si vous avez des questions, j’essaierai d’y répondre aussi clairement que possible avec l’expérience que j’ai pu acquérir dans ce domaine après ces 750 km de la BTHR écourtée pour les raisons sanitaires que tout le monde connait.

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Le vélo Pechtregon de Jean-Lin devant le magasin Golden Cycles – photo Philippe Aillaud

Avant la Blue Train Race je n’avais jamais roulé sur ce vélo. J’avais uniquement essayé le vélo de Matthieu, lorsque je suis allé le voir en octobre l’an dernier à Bruniquel pour concrétiser ma commande. J’ai reçu mon vélo début mars, 10 jours avant le départ de la course, et j’ai eu juste de temps de faire quelques tours du pâté de maisons pour vérifier que tout fonctionnait bien. Un grand merci au passage aux Cycles Victor : Frankie le chef d’atelier et Fred qui ont fait le maximum pour que le vélo soit prêt pour le 13 mars pour me rendre au départ de la BTHR.

Côté fonctionnement

L’apport du « no offset » est intéressant au niveau du fonctionnent du vélo. Une force physique s’exerce sur tous les points de contacts du vélo avec le sol, en passant par les axes de roues. Plus le poids du cycliste est réparti de façon équilibrée entre ces 2 points, plus on retentira une sensation de facilité à pédaler. Dans le monde des motos de Grand Prix, par exemple chez Ducati on cherche à mettre le poids du pilote en avant, pour alléger l’arrière et ainsi favoriser la motricité, la stabilité et la performance.

Plus le poids du cycliste en action sera positionné de façon à suivre au mieux ces forces d’appui, plus l’énergie dépensée pour avancer sera transmise efficacement au vélo. Essayez de faire du vélo face au vent ou dos au vent et vous comprendrez que plus on s’appuie sur les forces en présence, plus c’est facile de rouler.

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Un schéma pour comprendre

Le déport d’une fourche de vélo est l’écart entre la projection d’une ligne imaginaire passant par l’axe de direction et le centre de l’essieu de la roue. Pour définir une géométrie, la référence cette fameuse ligne qui va également permettre de mesurer la chasse qui est l’écart entre la projection de cet axe avec le point de contact de la roue au sol. La variation de l’angle de direction et du déport vont impacter la chasse. La suppression du déport aura pour effet d’augmenter la chasse. Sur le vélo de Jean-Lin : l’angle de direction est de 70° et la chasse est de 115 mm pour un déport de zéro.

Sur un vélo de route le déport est généralement situé entre 43 et 45 mm. La fourche Truss installée sur mon vélo n’en a pas. Lorsque je repose une partie de mon poids sur l’avant du vélo, il s’appuie directement sur l’axe de roue pour transmettre l’énergie à la roue. D’autre part la masse est mieux répartie entre les deux axes de roues car mes mains sont légèrement en avant de l’axe de la roue avant. Avec une fourche à déport mon corps s’appuierait davantage sur l’arrière du vélo. Il est courant d’entendre que 65-70% du poids du cycliste est placé sur l’arrière. Cette remarque vaut également pour le bagage. La fourche Truss accepte un chargement avant sans problème et on pourra alléger l’arrière au profit de l’avant pour ces mêmes raisons.

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Le vélo Pechtregon géométrie – photo JL Spriet

Le fait d’avoir une fourche sans déport modifie la géométrie d’un vélo. En supprimant le déport, la roue avant va être reculée. Pour compenser ce recul, la dimension de tube horizontal sera augmentée et la taille de la potence diminuée. La seconde conséquence est que l’angle de direction sera légèrement plus ouvert (70° sur mon vélo), pour éviter que votre pied ne touche la roue quand vous tournez (phénomène d’overlap).

Côté sensation

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Le groupe de tête avec Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon lancé dans la nuit dans la roue d’Arnaud Manzanini – photo Stéphanie Didier

Sur le plat, le vélo roule comme sur un rail. Il va tout droit. Sur cette BTHR, j’avais l’impression d’avoir un vélo très facile à emmener et à relancer (les plateaux O’symetric y sont aussi pour quelque chose ! Je les utilise depuis un moment déjà – merci Jean-louis Talo ). Sur ce parcours le vélo en demandait sans cesse, j’étais en 11-34 et 52/38 et sincèrement sur le plat, j’aurais pu mettre plus petit derrière. Ce vélo en redemande et il aime travailler plus en fréquence de pédalage.

En descente, je suis plutôt un piètre descendeur et je me retrouve généralement derrière. Dans la descente du col de l’Estérel, je ne suis jamais senti aussi en sécurité et je prenais des angles et de la vitesse que je ne m’étais jamais autorisé auparavant. En virage, inutile de contrebraquer : plus besoin de virer à gauche pour tourner ensuite à droite. Vous allez à droite un point c’est tout. La chasse au sol de 115 mm (c’est la chasse d’un VTT de descente) est remarquable de stabilité même à haute vitesse. Matthieu de Pechtregon me l’avait confirmé après Paris Brest Paris.

En montée : au début j’ai essayé de passer en force. Je viens du pignon fixe donc ma méthode de pédalage c’est : tu appuies et ça passe. Ça fonctionne bien sur de petites bosses, mais quand ça grimpe il faut mouliner. Je crois que cela vient plus de l’acier, du poids du vélo chargé et de la puissance que je suis capable de délivrer, que de la fourche. Les bases arrières font 415mm, donc ça relance bien. C’est vraisemblablement un poil plus long qu’un vélo de course aujourd’hui. L’avantage est que le cadre peut recevoir des garde boues, il faut laisse pour cela suffisamment d’espace entre le boîtier de pédalier et la roue pour se glisser entre les deux.

La maniabilité : le vélo tourne « sur place ». Il est très maniable, j’en aurais besoin pour me faufiler entre les voitures à Paris. Je suis bluffé ! Il a un temps de réaction un peu plus long du fait de la chasse au sol et peut être aussi de la potence courte de 60 mm.

Le rendement : le cadre est en acier donc pas de soucis côté rendement. Il profite de l’inertie qui facilite l’enchainement des bosses en aidant beaucoup par l’élan à grimper la suivante. Les plateaux Osymetric participent à ce bénéfice. Les roues en alu de Franck Le Renard, montées avec une bonne tension des rayons permettent d’avoir une belle homogénéité avec le vélo. Elles compensent, avec leur rigidité, la souplesse de l’acier quand vous mettez les watts.

Le confort : il vient de cette sensation de facilité de rouler avec ce vélo, des pneus tubeless et du cadre en acier. Comme la fourche est en connexion directe avec la route, les trous et autres dos d’âne méritent très peu d’attention pour s’en préserver sur de longues sorties.

Je suis, (si vraiment ce compte-rendu n’était pas clair  😉 ), convaincu de ce principe de fourche droite. Elles sont à mon sens très efficaces côté sécurité/stabilité, rendement et avec un ressenti de facilité à pédaler. Si vous voulez l’essayer après le Corona, ce sera avec plaisir à Longchamp ou là où vous êtes si je suis de passage ! …

Mon bilan après cette course écourtée me permet de dire que comparativement ces 750 km m’ont moins entamé que l’aller simple du Paris-Brest-Paris. Au niveau physiologique j’ai moins sollicité la pompe cardiaque car au cardio j’ai fonctionné à 10 pulsations en moyenne plus bas qu’au PBP. Au niveau de la dépense énergétique ce vélo m’a aidé par sa stabilité à économiser tous les efforts que l’on doit faire (sans en être parfois conscient) pour maintenir les trajectoires. Routes en mauvais état, maintien en ligne de la machine, … toutes ces petites manoeuvres impactent les réserves physiques. Dans ce cas elles ont été minimes, grâce au comportement extrêmement sain de la machine. C’est simple au bout de 750 km je n’ai eu aucune des fameuses douleurs dorsales souvent induites par le maintien en ligne du vélo.

Jean-Lin Spriet

L’équipement

Un vélo c’est également des équipements et Jean-Lin, très pointu sur ses choix, les a choisi un par un pour la réalisation de ses projets longue distance.

Les roues

Pièces essentielles sur un vélo. Jean-Lin en a confié le montage à Frank Le Renard installé à Laval en Mayenne. Frank a un véritable feeling pour le montage de roues à la carte en fonction du cycliste et de l’usage qui sera fait des roues. Les jantes sont des DUKE World runner de largeur 20 mm interne montées en Continental GT5000 tubeless de 28.

La transmission

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Jean-Lin Spriet a pensé à la pompe, celle-ci est sérieuse – photo Philippe Aillaud

Au départ Jean-Lin pensait Ultegra et finalement il a opté pour du 105 qui fonctionne très bien, l’écart de poids n’étant pas pertinent sur un vélo de voyage.

Les freins

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
Freins Hope avec double pistons – photo Philippe Aillaud

Ce sont des Hope à 4 pistons demande un certain temps de réglage. Frankie et Fred ont dû faire preuve de patience pour y arriver, mais quelle efficacité

La selle

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
La fameuse selle Infinity – photo Philippe Aillaud

C’est le modèle fétiche de tous les meilleurs rouleurs de la RAAM (Race Across AMerica). C’est Arnaud Manzanini qui en a rapporté 2 l’an passé et qui a prêté celle-ci à Jean-Lin qui apprécié. La selle Infinity a été inventée par un chiropracteur américain, le Dr Vince Marcel, elle élimine le frottement des ishios sur la selle.

L’installation électrique

Jean-Lin Spriet et son vélo Pechtregon
photo Philippe Aillaud

Une lampe Sinewave alimentée par un moyeu dynamo Son. Quelques 5 à 6 watts de perdus, mais un grand confort pour disposer d’un éclairage efficace gage de sécurité sur les routes.

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Rédaction Bike Café
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10 COMMENTAIRES

  1. @Blondeau, ça c’est valable pour les 4 (et plus) roues,
    mais à moto et à vélo, il est justifié d’utiliser cette expression, le contre-braquage sert à tourner en 2 roues 🙂

  2. Je suis étonné de la stabilité en descente, normalement une chasse trop importante provoque l’effet shimy, des oscillations du guidon difficiles à contrôler. Couple de rappel trop important du à la distance trop grande entre le point d’appui du pneu au sol et le prolongement de l’axe de direction.

  3. Il me semble que, les pistons dans les freins hydrauliques étant toujours par paire, on compte le nombre de paire et par abus de langage on dit deux pistons s’il y a 2 paires (du moins c’est comme cela en vtt et moto).

  4. Sympa l’article
    Très intéressant

    Côté transmission, dérailleurs et manettes sont des shimano 105 mais le pédalier lui est un beau dura ace
    Et les pneus doivent être des GP5000 et non GT

  5. je ne comprend pas pourquoi d’autres constructeurs n’ont’il pas adopté cette géométrie façon Kérautret, si ça doit rendre le vélo plus sécurisant surtout dans les descentes, ça serait presque plus simple de faire une fourche sans déport et une chasse bien plus importante

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