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AccueilSur le zincBrèves de comptoirEt ton vélo : il est "Made in où ?" ...

Et ton vélo : il est « Made in où ? » …

Le « Made in France » est devenu un atout marketing puissant dont certaines marques usent et abusent. On en parle depuis 8 ans : souvenez-vous de la mise en scène de la fameuse marinière d’Arnaud Montebourg. Le Made in France possède même son salon : le MIF Expo. Il s’est même invité, en janvier dernier, dans les salons de l’Élysée : une véritable consécration pour les 3 couleurs de ce « cocorico » dans le « poulailler » présidentiel. Le coq gaulois aime pousser son cri favori, mais est-ce que ce label est réellement éco-responsable, social, éthique et surtout est-il le gage d’une réelle transparence sur la provenance du produit concerné ? J’ai essayé de comprendre.

Des vélos Made in France
Le Made in France possède même son salon : le MIF Expo

S’agissant de fabrications françaises on aura du mal avec le terme anglo-saxon « Made in »  qui, de fait, semble plus dédié à l’export qu’à notre territoire national. C’est une première ambiguïté que je note, car je me fais souvent agresser sur l’usage de ce type d’anglicismes dans nos articles par certains lecteurs qui, les mêmes, défendent le MIF. Le terme « Fabriqué en France », utilisé par l’expo du Palais de l’Elysée, me semble plus conforme à l’esprit.

Le Made in France à l'Élysée
Le Fabriqué en France à l’Élysée

Existe-t-il une définition du Made in France ?

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Les organismes de consommation dénoncent régulièrement des supercheries dans l’usage immodéré et abusif du « Made in France ». Il est vrai que les règles sont complexes et qu’il suffit parfois d’une transformation réalisée sur notre territoire, pour qu’un produit, dont les composants sont majoritairement « made in ailleurs », devienne français.

Made in France
Infographie issue du portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics

Le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, explique les choses ainsi :

Lorsqu’une ou plusieurs parties du produit est importé, il est possible d’obtenir l’origine made in France, à condition de respecter les règles d’une origine non préférentielle appliquée à l’importation par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Ces règles permettent d’établir la nationalité d’un produit notamment lorsque la production a été réalisée dans plusieurs pays.

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La DGDDI précise « Le produit fini made in France doit ainsi soit :

  • afficher une codification douanière différente de celles de ses matières premières et composants non français ;
  • respecter un seuil maximum de valeur de ses matières premières et composants non français par rapport à son prix ;
  • avoir fait l’objet en France de certaines opérations de transformation à partir des matières premières et composants non français. 

Sur le marché national, c’est la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui contrôle le marquage de l’origine figurant sur l’étiquetage des marchandises commercialisées.

Dans le domaine du sport et du vélo

Le vélo et le made in France
Cette cocarde sur mon vélo WishOne me fait plaisir mais elle n’a pas été le seul argument de mon choix – photo Philippe AIllaud

En essayant de comprendre les enjeux d’une industrie du sport qui serait éco-responsable et préservatrice d’emplois, j’ai cherché quelques témoignages d’entreprises qui affichent en toute transparence des positions pleines de bon sens qui nous forcent à réfléchir. Mais en est-on capable, tant la schizophrénie du phénomène, amplifiée par une médiatisation post confinement peut l’emporter sur la raison ?

Parlons d’abord du prix …

Prenons l’exemple de la marque française Picture : une marque d’équipements outdoor. Depuis sa création en 2008, elle a choisi de démocratiser l’achat responsable. Pour agir sur un mode de consommation, il faut s’aligner en termes de prix public, sur ce qui est déjà perçu comme étant « la norme ». Même si, dans l’infographie plus haut, venant de l’Économie des Finances, il est indiqué que 3 français sur 4 sont prêts à payer plus cher (et ce serait même plus depuis la crise sanitaire) un produit Made in France, ceci aura vous l’imaginez des limites liées à la valeur du produit. Cela reste à vérifier au niveau des habitudes de consommation des français. Je vous invite à lire ici l’intéressant manifeste de cette marque concernant le Made in France.

Une marque qui veut faire du Made in France, doit donc se livrer à un travail d’équilibriste entre le prix qui va lui permettre de vivre, de se développer, de payer ses impôts (plus élevés que dans d’autres pays) et ses employés, de financer sa R&D, de rester concurrentielle,… et en y ajoutant une attitude éco-responsable. L’équation est parfois difficile à résoudre.

Entre la préférence nationale et le respect de l’environnement

L’étiquette Made in France ou le drapeau tricolore apposé sur le produit ça fait joli, ça flatte un peu notre égo national, mais est-ce une réalité ? En fait c’est : plus ou moins … Nous l’avons vu : la loi permet d’utiliser la phrase « Made in France » de manière très souple et libre. Si le produit vendu est un vélo complet et qu’une part substantielle de sa valeur ajoutée est créée sur le territoire, alors c’est accessible à beaucoup de marques. Mais derrière ce sacro saint label est-on sûr de faire l’acquisition d’un produit véritablement éco-responsable ? Faire venir des 4 coins du monde des éléments destinés à la construction d’un vélo n’est peut-être pas toujours la meilleure solution pour l’environnement … Re-localiser certaines industries pourrait également poser des problèmes écologiques que l’on feint d’ignorer puisque aujourd’hui certaines productions polluent ailleurs et on ferme les yeux.

Le cas de 2-11 Cycles

Cette marque de vélo, créée par Jean-Philippe Ferreira, affiche avec clarté sur son site une vision différente. En toute légalité, 2-11 Cycles pourrait afficher « Made in France » sur ses vélos. La réglementation en vigueur le permet, du fait de la valeur ajoutée apportée au produit fini sur notre territoire. Jean-Philippe n’a pas souhaité exploiter cette possibilité. Premièrement, parce qu’il est fier d’avoir choisi Taiwan et d’utiliser l’un des savoirs-faire les plus pointus dans l’industrie du cycle mondiale, deuxièmement parce qu’il pense que cela ressemble de très près à une tromperie.

« Refuser de céder à cette tendance marketing, c’est assumer des choix et assumer le fait que l’industrie au sein de laquelle nous intervenons est quelque peu schizophrène sur le sujet. Un vélo complet c’est autre chose que 8 tubes. C’est un assemblage complexe de dizaines de composants dont l’immense majorité est produite hors de France, hors d’Europe ou pour lesquels à minima les matières premières sont souvent approvisionnées en Asie. Il en va de même pour une grande partie des outils spécialisés impliqués dans la soudure, l’assemblage ou le montage de nos vélos », précise Jean-Philippe.

Consultez la prise de parole sur ce sujet sur le site de 2.11 Cycles : c’est très intéressant.

Nos entreprises françaises

Symboles d’une réussite à la française les sociétés Moustache et Origine sont souvent la cible de critiques, concernant l’origine taïwanaise de la fabrication de leurs cadres. Moustache a démarré à 2 personnes et maintenant ils sont plus de 100. Sur son site Moustache se présente comme un « Fabricant français de vélos électriques ». L’entreprise, basée à Thaon-les-Vosges (88), au nord d’Epinal, est rentable depuis l’origine. Implantée dans les Vosges, terre de l’enfance des créateurs, elle continue son développement redonnant de l’espoir au tissu industriel local fortement touché par des fermetures d’entreprises.

Il en est de même pour Origine qui pousse sans arrêt les murs de son usine pour répondre à la demande croissante et qui embauche en permanence.

Des vélos Made in France
Sur son site Origine affiche clairement ce qui est fait en France : pas de surprise.

Ces deux entreprises ne crient pas haut et fort qu’ils font du « Made in France », elles disent qu’elles sont françaises et c’est incontestable. Origine opère la finition, réalise les peintures et fait le montage des vélos qu’elle a conçus dans son Bureau d’Études. Les cadres carbone sont fabriqués en Asie avec des moules appartenant à la marque nordiste. « On a essayé au début de faire fabriquer nos cadres en France, si tu viens dans le nord je t’en montrerais un qu’on a gardé : ça a été une catastrophe …», me déclare Rémi Lefèvre.

Ceux qui dénigrent ces entreprises sont beaucoup moins regardants et moins critiques envers les marques étrangères. J’entends souvent, et je lis sur les réseaux sociaux les superlatifs  « sublime », « magnifique », « Top », … s’agissant de simples photos de vélos de marques US la plupart du temps. Je constate que ceux qui distribuent à l’envie ce flot de louanges sont moins regardant sur les filières de production de ces vélos. Ils arrivent souvent tout montés directement d’Asie chez nous. En France on adore se tirer une balle dans le pied, en critiquant notre propre économie et on retrouve ce comportement dans d’autres domaines.

Ces deux entreprises, que je connais un peu, sont mal à l’aise dans leur communication car elles font plus en matière d’ingénierie, d’emploi et de valeur ajoutée en général que bon nombre d’entreprises qui sont aveuglément encensées. Pourtant elles paient des impôts en France et pendant cette période de crise elles ont courageusement fait face.

Les artisans cadreurs

Pour la plupart nos artisans du cycle, ceux qui par exemple participent au Concours des Machines, ne font pas étalage du « Made in France ». Pour eux l’argument majeur est la qualité de leur travail et c’est pour ça que nous allons chez eux lorsqu’on veut un beau vélo à la française qui correspond vraiment à l’usage que l’on souhaite.

Sur-mesure ou pas c’est du travail réalisé en France par des professionnels, qui pour certains mériteraient d’être appelés des artistes. La société Cyfac, qui a fièrement redressé la tête après la période « noire » du vélo français, est un bon exemple. Elle propose une production de qualité et travaille avec des marques qui choisissent de confier leurs productions aux ateliers de La Fuye situé dans le Val de Loire.

Et alors

Arborer un « Made in France » sans en afficher clairement les détails, me semble limite et frise la tromperie. On peut espérer que les clients, futurs acheteurs de vélos, se renseignent au-delà de ce simple label. Difficile de calculer à chaque fois l’empreinte carbone du vélo que vous souhaitez acheter. Néanmoins il n’est pas sûr qu’un vélo 2.11 Cycles, que j’ai pris pour exemple, pèse plus sur l’environnement malgré son cadre soudé ailleurs, qu’un autre vélo dont toutes les pièces arrivent du Monde entier. Alors soyez pragmatiques et clairvoyants, et surtout regardez ce qu’il y a derrière l’étiquette. Pas facile dans notre monde de passionnés où l’on nous vend du rêve. Ce n’est pas Bike Café qui prétendra le contraire.

Plutôt que de contempler béatement une cocarde tricolore il convient plutôt d’analyser  les process et les choix de l’entreprise. Si ces choix permettent à l’entreprise d’être à l’équilibre depuis son premier exercice et donc de payer des impôts, de donner de l’emploi et de créer de la valeur sur notre territoire, c’est aussi ça être une entreprise française.

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Patrick
Patrick
Aix-en-Provence - Après la création de Running Café, la co-fondation de Track & News Patrick remonte sur le vélo en créant Bike Café. Il adore rouler sur route et sur les chemins du côté de la Sainte-Victoire. Il collabore en freelance à la revue Cyclist France. Affectionne les vieux vélos et la tendance "vintage". Depuis sa découverte du gravel bike en 2015, il s'adonne régulièrement à des sorties "off road" dans sa belle région de Provence.

6 COMMENTAIRES

  1. Excellente et intelligente analyse, et félicitations pour votre qualité de rédaction, sur le fond comme sur la forme ! Sortir du prêt à penser et des dogmatismes, ça fait du bien ! Rationnaliser son achat d’un point de vue social et environnemental, ce n’est effectivement pas seulement regarder par la lorgnette du marketing mais bel et bien s’intéresser à la valeur intrinsèque du produit (durabilité, recyclabilité, qualité de fabrication et de finition…),à son impact sur l’emploi local, et pourquoi pas au lien humain qu’il crée et qui lui donnera son supplément d’ « âme ».

  2. Merci pour cet article intéressant. Une question : existe t il des analyses sérieuses d empreinte environnementale de la production et distribution de vélos ?

    • Je n’ai pas trouvé d’études dans le domaine du vélo. Il faudrait que ces études soient commandées par un organisme indépendant et déjà ce point me me semble déjà délicat : qui pourrait piloter ces sujets ?

  3. Je n’avais pas lu cet article, mais je le trouve vraiment parfaitement dosé. Félicitations. J’apprécie qu’on fasse confiance aux lecteurs en leur expliquant clairement la situation mais en acceptant de dire que c’est compliqué. A l’heure de la comm qui vise souvent le « toujours plus simple » dasn un monde où tout ne l’est pas (euphémisme), ça fait du bien.
    Même si je ne suis pas toujours d’accord avec les auteurs de Bike Café, ce genre d’article fait honneur au site et au journalisme sérieux, qui sait aussi être léger, informatif.
    En tant que lecteur, on se sent respecté et ça fait du bien.

  4. article et analyse passionnants , lucides , permettant de se rendre compte que l’on ne se pose pas toujours les bonnes questions mais aussi que l’on mélange tout , noyés que nous sommes dans les communications des fabricants , mais aussi de revues spécialisées . Prendre du recul mais laisser aussi aller ses envies ( ca fait du bien !! )

    encore bravo pour cet article

    amitiés cycliste

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