L’édito de Bike Café
Lecteur assidu du magazine belge Zatopek, j’apprécie les éditos de Gilles Goetghebuer qui éclairent ma réflexion sur des sujets très variés. Le dernier évoque le psychologue suisse Jean Piaget qui a travaillé sur la construction de l’intelligence humaine qu’il envisageait comme un processus d’adaptation. Il faudrait donc avoir de bonnes raisons pour devenir intelligent et si celles-ci font défaut, les fonctions cognitives régressent. La pensée de ce psychologue a fait écho avec ce que je constate dans nos vies actuelles avec la progression incroyable du coaching, qui augmente annuellement de 7% à 15% selon les segments. Des conseilleurs s’expriment dans différents domaines, allant des hautes sphères de l’État jusqu’à notre petit domaine du vélo. Ces porteurs de solutions reçoivent le renfort concurrentiel des moyens digitaux, qui viennent à notre secours pour nous dire ce que l’on doit faire. Montres connectées, smartphones et maintenant lunettes connectées… nous sommes assistés dans toutes nos activités et le sport est de plus en plus ciblé par ce coaching dopé à l’IA.
Cette quête boulimique de conseils, qui aide sans doute à trouver la motivation nécessaire à nos pratiques sportives, m’intrigue. On ne peut plus dire que c’est marginal, car cette tendance s’immisce dans nos vies sous toutes les formes. Est-ce une amplification passagère, née de notre période d’isolement forcée lors de la pandémie, ou est-ce plus profond ? Doit-on être rassuré et conseillé pour mieux vivre ? Personnellement, je ne pense pas. Rien ne vaut l’expérience personnelle basée sur la réflexion que l’on peut faire sur soi et sur notre environnement qui correspond au fameux processus d’adaptation évoqué par Jean Piaget.
Du haut de leur position de « sachant » les conseilleurs ont trouvé le truc qui leur permet de prendre l’ascendant sur ceux qui les suivent. Le discours de ceux qui assènent leurs connaissances s’impose aux apprenants. Ces rôles respectifs sont inscrits dès l’enfance dans notre éducation scolaire descendante. Ce positionnement maitre / élève détériore le sens critique qui est un moyen puissant pour prendre des décisions éclairées, résoudre des problèmes complexes et éviter les pièges des raisonnements tout faits.
Dans notre monde vélo, qui réagit fortement aux fantasmes de la performance et des affirmations technologies, les conseils ne manquent pas. Certains médias en ont fait leur fonds de commerce. Il suffit de titrer « Quelles sont les 10 meilleures selles vélo ? », « Les 5 meilleurs vélos de gravel de l’année », « Comment progresser en gravel ? » … et c’est parti : tout le monde rapplique pour lire des conseils et des affirmations non vérifiables. Ça fait de l’audience, mais aussi des déçus qui n’oseront pas l’avouer, quitte à devenir eux-mêmes prescripteurs de leurs bévues.
Au Bike Café nous ne sommes ni coachs, ni conseilleurs. Nous savons que chaque cycliste est différent. Les tests que nous publions sont objectifs et relatifs à la personne qui les réalise. On se garde bien de dresser des tableaux d’honneur, au prix de nous priver d’une audience qui serait racolée de cette façon. Nous assumons les penchants subjectifs qui reflètent nos personnalités. Pour nous, dire ce que l’on aime est plus une déclaration qu’un conseil. Souvent, les conseilleurs ne sont pas ceux qui paient, mais ceux qui se font payer.
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Excellent billet qui doit nous rappeler que sur un vélo, et pas que, notre instinct est là pour nous guider. S’en affranchir, c’est aussi renoncer à notre libre arbitre et à notre liberté.