C’est une jeune société française qui est aujourd’hui à l’honneur sur Bike Café : les Cycles Cadence, basés à La Chapelle St-Luc, à proximité de Troyes. Cette marque a été créée par Maël Jambou qui n’a pas hésité à me confier sa dernière création : un vélo Gravel baptisé l’Orée. Vous allez le découvrir dans cet article au travers d’un essai totalisant très exactement 670 km, réalisés cet hiver en Lorraine.
La vision gravel des cycles Cadence
C’est Maël en personne, qui a fait les deux heures de route pour venir me présenter chez moi, à Verdun, l’Orée. C’est un privilège assez rare, de pouvoir écouter la présentation d’un vélo, faite par son concepteur en personne. Maël a découvert la pratique cycliste avec le cyclotourisme en Savoie, où il habitait autrefois. Une fois arrivé à Troyes, il s’est essayé au triathlon et a effectué quelques voyages itinérants en France en vélo.
Humble et peu expansif sur sa carrière sportive, Maël m’explique la démarche qu’il a suivie et appliquée pour réaliser ce vélo de Gravel. L’idée centrale était de sortir des sentiers battus de l’artisanat acier en proposant une approche sportive et résolument “européenne”. Sportive, car Maël souhaite réussir le challenge de proposer un vélo en acier, fait uniquement sur-mesure, léger et suffisamment performant pour s’aventurer à vive allure aussi bien sur les pistes que sur les routes. La géométrie et la conception générale de ce vélo parlent pour lui, comme nous allons le voir plus précisément dans cet article.
À ma question sur : pourquoi avoir nommé ce vélo l’Orée ? La réponse de Maël est claire et sans ambiguïté :
L’Orée, car la pratique du Gravel oscille entre chemin en forêt et en plaine, l’orée représentant la limite entre ces deux univers. Enfin, il s’agit là du commencement d’une nouvelle aventure, l’orée d’une nouvelle ère. Maël Jambou, Cycles CADENCE.
La finition est de haute volée. Soudo brasé, le cadre est constitué de tubes Columbus HSS, pour les 2 tubes oblique et supérieur, en Columbus Zona pour le tube de selle et en Columbus Life pour les bases. Les haubans viennent de chez Dedacciai. Le boîtier de pédalier est au standard T.47, fabriqué par la firme anglaise Bear Frame Supply.
Ce sont des roulements HOPE, qui assurent l’interface avec le très beau pédalier français Spécialités TA, armé d’un plateau de 40 dents. Le groupe associé à ce pédalier est la version électronique Di2 du Shimano GRX. Un montage résolument haut de gamme, visuellement très qualitatif.
Maël souhaitait privilégier autant que possible une production européenne, en équipant l’Orée d’un groupe italien Campagnolo Ekar. Pour des motifs calendaires, ce ne fut malheureusement pas possible pour ce vélo. La fourche provient d’une belle production de la firme italienne WR Compositi. Ce modèle FK4 Disk est conçu et fabriqué dans la province de Bergame, en Italie, et affiche une clearance maximale de 45 mm.
Les haubans, faits d’un acier Dedaccia, affichent un dessin singulier, traduisant une certaine robustesse, non dénuée d’élégance. Grâce à leurs formes particulières, le cadre de l’Orée se permet d’accueillir à l’arrière une monte pneumatique généreuse, tout en affichant un dessin singulier et exclusif.
Une démarcation amplifiée par une peinture d’un effet saisissant. Même si cela reste très subjectif, la personnalisation de ce vélo passe également par cette peinture réalisée non loin des ateliers de Maël, plus précisément dans l’atelier des cycles LE VACON, dans la Marne.
Ramassé, le triangle arrière affiche des bases particulièrement courtes de 404mm. Si ce sont des valeurs finalement classiques sur des vélos de route, il est bien plus rare de rencontrer un arrière aussi court, sur des vélos de type Gravel. Une valeur faible, qui laisse plus de dégagement pour le pneumatique arrière, obtenue entre autres grâce à la courbure du tube de selle.
Nous verrons plus loin que cela aura une influence importante sur le comportement de l’Orée, contribuant ainsi à établir sa carte de visite. Les plus avertis d’entre vous remarqueront également, sur les données de la géométrie ci-dessous, la valeur intéressante de l’angle de direction : 70°. Même si on rencontre de plus en plus de vélos (toutes disciplines confondues) avec un angle de direction ouvert, c’est une caractéristique forte de l’Orée, avec là également une conséquence immédiatement perceptible sur son comportement.
Pour la réalisation de son premier vélo de Gravel, Maël n’a donc pas fait dans la simplicité. Il a su d’emblée imposer sa signature, aussi bien dans le dessin, que dans le choix de l’acier, ou encore en affirmant sa géométrie. Une démarche audacieuse, à l’image du projet dans sa globalité : Maël souhaite proposer une image dépoussiérée du vélo de Gravel en acier. Entendez par là, qu’il souhaite démontrer que son usage dans la conception et la fabrication d’un cadre de vélo, n’est pas seulement dédié à la recherche du confort. Il a souhaité au contraire, faire la démonstration que ce matériau peut être la base d’un projet bien plus sportif.
700 km au guidon du gravel l’Orée
Après presque 700 km à son guidon, j’ai pu appréhender les traits de caractère et l’esprit de cet Orée.
Une fois en selle, on apprécie immédiatement l’excellente ergonomie du poste de pilotage, équipé des leviers Shimano GRX Di2. La dimension parfaite du cintre Discover Pro, la potence Syntace MegaForce et la très belle tresse de guidon Vélox, rendent l’ensemble visuellement très gratifiant. À l’usage, j’ai cependant remarqué que ce cintre manquait de flex, tout comme la guidoline, finalement trop dure pour un usage off-road. Mais passons sur ces détails, très personnels, pour nous attarder sur le comportement de ce vélo, décidément étonnant à plus d’un titre.
Comme je l’ai évoqué plus haut, les bases sont très courtes. Elles sont associées à un boîtier de pédalier parfaitement intégré, qui affiche une excellente rigidité. Le résultat est un comportement dynamique des plus efficaces en terme de rendement. Véloce en relance, l’Orée surprend par son aisance dans les ascensions. D’une rigidité maîtrisée, le vélo conserve bien l’énergie investie. Sur cet aspect, ce cadre fait jeu égal avec certains des meilleurs cadres en carbone que j’ai pu tester auparavant.
Une véritable arme dans les cols routiers, où malgré une monte pneumatique généreuse, et des roues pas forcément des plus légères (mais dont la robustesse est largement éprouvée), ce vélo égalera ou surpassera beaucoup de modèles en matériaux composites plus réputés dans ce domaine. Le poids largement maîtrisé lui aussi (9,4 kg avec les pédales) est évidemment un atout pour cet usage sportif…
L’angle de direction de 70° degré, associé à un déport de 47 mm et une chasse de 80 mm, apporte une stabilité impériale sur les pistes, et notamment dans les descentes rapides. La roue se détachant bien en avant du poste de pilotage, je suis très vite en confiance pour lâcher les freins sur de rapides pistes que je connais bien. La fourche affiche un excellent compromis entre rigidité et filtration des aspérités, parfaitement en adéquation avec le cadre qu’elle équipe.
Quelques excès d’optimisme en courbes me rappellent cependant que l’arrière du vélo, très court, n’est évidemment pas des plus stables si le revêtement se détériore. Un triangle arrière qui malgré tout, grâce aux qualités intrinsèques de l’acier utilisé, conserve des caractéristiques de filtration verticales acceptables au regard de la dimension des bases, rappelons-le encore, très courtes. La très belle tige de selle en carbone de chez Hope, n’est évidemment pas étrangère à cette filtration. Une production européenne là aussi, puisque ce modèle est fabriqué à Barnoldswick en Angleterre. L’ADN de l’Orée commence à se dévoiler : nous ne sommes décidément pas en présence d’un cadre acier classique…
Si l’angle de direction, comparable à un VTT de XC, laisse la place à une grande stabilité, il est à l’inverse responsable d’une maniabilité en baisse. Cet angle et ce déport ne permettent pas d’enrouler rapidement des épingles étroites. Comprenez par là que l’Orée est pensé pour les larges pistes rapides, et non pas pour s’aligner au départ d’un cyclo-cross au tracé exigeant. En cela, l’Orée me rappelle dans son comportement les premiers VTT de XC en roues de 29 pouces : efficaces à vive allure, mais un peu patauds dans le sinueux.
Ce n’est pas réellement un défaut dans le cas présent, puisque le client de l’Orée déterminera avec Maël les angles et côtes les plus adaptés à son propre usage. C’est bien là l’extraordinaire plus-value d’une création sur-mesure ! Ma remarque sur ce point n’est donc finalement valable que pour ce vélo d’essai, avec ses cotes et angles qui forgent son propre et unique caractère. À titre personnel, je n’ai pas du tout apprécié les pneus qui équipaient cet exemplaire de test : les Challenge Grinder se sont révélés finalement agréables que sur la route, bien loin de leur vocation originelle. Trop imprécis, ils m’ont finalement bridé pour exploiter pleinement l’Orée dans les descentes, dont le potentiel aurait été bien supérieur avec une monte pneumatique plus performante !
Pour conclure, j’ai pris beaucoup de plaisir à piloter ce vélo de gravel décidément unique à bien des égards. Tout d’abord parce que Maël des Cycles Cadence a réussi son pari de proposer un vélo en acier qui dépoussière le genre. Bien loin de l’esprit de la randonneuse en acier, l’Orée est un gravel performant, taillé pour avaler de grandes pistes à vive allure, tout comme les cols routiers.
Remarquablement fini, il se détache sans peine des productions mainstream
Remarquablement fini, il se détache sans peine des productions mainstream qui ornent uniformément les catalogues habituels. les quelques “défauts” que vous avez pu lire plus haut, n’en sont pas vraiment puisque le client définira avec l’artisan ses réels besoins, de façon à obtenir le comportement attendu sur le terrain. Vous aurez alors en main une machine unique, au caractère propre, à l’image de sa peinture. On ne peut qu’encourager son créateur Maël à persévérer dans cette voie noble qu’est l’artisanat du cycle français, aussi bien pour rouler que nous faire rêver.
Caractéristiques :
- Cadre : acier Columbus Zona, Life et HSS, haubans Dedacciai. Conforme aux normes ISO MTB
- Géométrie : consultable ici
- Boitier de pédalier : format T47, acier Bear Frame Supply, avec roulements HOPE T47
- Fourche : WR Compositi FK4 Disk en carbone, avec axe 12x100mm
- Jeu de direction : HOPE
- Pédalier : Spécialité TA Arrow
- Plateau : Spécialité TA ONE DM3 de 40 dents
- Freinage et transmission : Shimano GRX Di2
- Cassette : Shimano M8000 11-42 dents
- Disques : Shimano Ultegra 160mm (avant) et 140mm (arrière)
- Roues : MAVIC ALLROAD PRO
- Pneus : Challenge Gravel Grinder en 700x42mm
- Cintre : Discover Pro de 440mm, flare de 12° degré
- Guidoline : Velox
- Tige de selle : HOPE, en carbone, diamètre 27,2mm
- Selle : San Marco Aspide
- Poids du cadre testé : 1,96 kg (peinture incluse)
- Poids de la fourche : 420 gr
- Poids du vélo de test : 9,4 kg (avec pédales)
- Prix du kit cadre+fourche carbone WR Compositi:2460€ TTC, peinture incluse
- Prix du kit cadre+fourche acier:2260€ TTC, peinture incluse
- Prix du vélo présenté : 5400 € TTC
- Site fabriquant : https://www.cycles-cadence.fr/