AccueilDécouvertesRencontresBikingman : Denis Morino, du commando au vélo

Bikingman : Denis Morino, du commando au vélo

J’ai eu la possibilité de participer à la dernière édition du Bikingman Portugal qui a eu lieu du 2 au 6 mai à Faro, Portugal. Au gré de la course, j’ai rencontré des athlètes, participant comme moi à leur premier Bikingman ou des habitués du circuit ultra-distance créé par Axel Carion. De belles rencontres approfondies à chaque coup de pédale. Sur Bike Café, je publie une série de trois portraits. Aujourd’hui, Denis Morino.

Denis Morino « Du commando au vélo »

78h47’ (32e)

À la base, Denis devait être mon compagnon de chambre pendant une nuitée seulement. Mais la course en a décidé autrement et j’ai pu sympathiser avec ce grand gaillard de 42 ans pendant près de quatre jours. Près de 80 heures, faites de hauts et de bas propres à l’ultra et d’un sport qui, inévitablement, vous recentre sur l’essentiel : vous-même mais aussi l’autre.

Bikingman Portugal ultra-cyclisme
Finisher ! Denis a bouclé la course en un peu plus de 80 heures. Photo : David Saintyves

Originaire de Nice, Denis Morino commence à être connu dans le milieu de la longue distance. Déjà, vous êtes certain de le repérer de loin avec sa silhouette longiligne mais vous avez peut-être aussi entendu parler de son Tour de France (6000 km avalés en 30 jours), réalisé l’an passé sur un parcours tracé par Luc Royer. Rien ne prédestinait ce Niçois d’origine à faire autant de sport, et notamment de vélo, dans sa vie. Au départ parti de chez lui pour réaliser un bac hôtellerie, Denis change le fusil d’épaule (je n’ai pas pu résister) pour plus d’action.

A Lorient, après une sélection drastique, il parvient à devenir commando marine. Son béret vert et son badge de « Para » en poche, il intègre les Forces Spéciales, avec une forte partie opérationnelle et des missions terrain.

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L’accident : un mal pour un bien

L’entraînement physique est intense pour être au top sur le terrain, où la moindre erreur peut coûter une vie, la sienne ou celle d’un de ses compagnons d’armes. Sa spécialité : la reconnaissance et renseignement à fin d’action. Malgré le danger permanent, Denis apprécie son travail. Au niveau sportif, il est au top de sa condition. Malheureusement, la vie va le forcer à prendre un virage assez brutal. Comme 60 % de la population, Denis possède un foramen ovale perméable au niveau du coeur : une membrane entre le ventricule droit et gauche laisse passer de l’air. Il ne l’apprendra que par la suite, comme bon nombre de Français. Durant une plongée à Djibouti, une bulle d’azote s’infiltre pour monter au cerveau. Denis tombe, pour ne se réveiller que dans une chambre d’hôpital.

Bikingman Portugal ultra-cyclisme
Denis lors du check-in, le regard déterminé à avaler le plus rapidement possibles les 1000 km du parcours portugais. Son vélo – l’Origine GTR Evo Ultra – est le modèle dédié à la longue distance du fabricant nordiste. Photo : David Saintyves

« J’ai été traité comme si j’avais subi un coup de chaud et au début, j’ai été hémiplégique. La bulle d’air était localisée sur les terminaisons nerveuses de la vue, de l’odorat et de l’équilibre. Finalement, c’est ce dernier sens qui a ramassé », explique t-il.

Le militaire ne baisse pas la tête et attaque une rééducation difficile mais qui lui permettra de guérir. « Le corps est une belle machine qui trouve toujours des adaptations », commente t-il.

Après l’accident, Denis décide de changer de voie. « Je suis devenu moniteur en entraînement militaire et sportif. Je prépare un vaste panel de militaires à la guerre, avec des stages de préparation et d’aguerrissement dans l’Arsenal de Toulon. » explique t-il. Un job dans lequel il peut faire mariner des militaires dans une eau à 14°C, par exemple. Des exercices qu’il n’hésite pas à faire lui-même pour donner l’exemple. Denis réalise également de la préparation mentale car il est moniteur en techniques d’optimisation du potentiel. Un travail-passion dans lequel il se sent utile.

La découverte de l’ultra-cycling

« J’ai eu besoin de pousser mon corps de plus en plus loin parce qu’il m’avait trahi », explique t-il. En guise d’occupation sportive, ça sera donc le triathlon longue distance avec 2 Ironman de Nice et 3 Embrunman, puis la compétition vélo Ufolep mais le jeune militaire ne s’y retrouve pas. Trop de clinquant sur le tri longue distance, pas beaucoup d’échanges ou alors houleux sur les courses du vélo, sur lesquelles il glane tout de même quelques bouquets. Il découvre l’ultra-cyclisme avec le Raid Provence Extrême, une épreuve sans GPS de 600 km en vélo de route, à laquelle il participera deux fois. “C’était un départ au pied du Ventoux puis direction les Alpilles, le Luberon, le lac du Verdon sur les 2 rives, demi-tour et une arrivée à Saint-Rémy-de-Provence ; une belle balade” se rappelle t-il.

En 2017, il participe au Born to Ride “Les Monts”, organisée par un nouveau venu, Luc Royer. Ca sera le début d’une nouvelle ère sportive pour Denis qui accroche immédiatement avec le créateur de Chilkoot. « En 2017 et 2018, j’ai participé à l’intégralité des épreuves Chilkoot, soit 18 épreuves au calendrier : Tour du Vaucluse, Tour du Gard, Pavés, Confluences, Born to Ride (BTR). Chaque année, j’emmène un copain pour qu’il découvre la BTR », ajoute t-il.

Bikingman Portugal ultra-cyclisme
La joie de retrouver ses proches à l’arrivée. La compagne de Denis et sa fille l’attendaient avec impatience au centre ville de Faro – photo : David Saintyves

Une stratégie de course : rouler fort mais aussi s’écouter

Denis roule à l’envie. Certaines semaines, Denis va très peu monter sur son Origine GTR Evo Ultra (il est ambassadeur de la marque depuis cette année, NDLR). « Parfois, je peux sortir et partir faire 200 km sous la pluie. Je ne fais que très rarement de très longues sorties », précise t-il. Sauf cette dernière de 500 km tout de même pour rallier Saint Sauveur le Montagut en Ardèche depuis San Remo, en compagnie de Patrick Gilles. Denis s’est présenté au Bikingman Portugal avec presque 5000 km au compteur. Sa stratégie est de rouler longtemps et de s’arrêter dormir, en bivouac ou à l’hôtel, selon la situation. « J’emmène toujours un duvet et un tapis de sol car j’ai besoin de pouvoir m’endormir en moins d’une minute quand je décide de m’arrêter ». Dans tous les cas, Denis a appris à écouter son corps et ce depuis plusieurs années maintenant. Le dernier jour, Denis m’a annoncé qu’il souhaitait partir très tôt (3 heures du matin), pour rejoindre l’arrivée le plus vite possible et retrouver sa compagne Cécile et sa fille Sam, âgée de 4 ans.

Une compagne avec laquelle il s’est marié et qui le soutient, moralement mais aussi au niveau de la logistique lorsqu’il entreprend ses épopées. “Lors de mon Tour de France, Cécile s’est occupée de réserver toutes mes nuitées d’hôtels, de me pointer les supérettes, les restaurants. Je n’avais plus qu’à pédaler, c’était (presque) le plus facile. Mon programme de course est toujours décidé avec elle. Nous formons une équipe” explique t-il.

Souhaitons à ce jeune couple de continuer à rouler sur la route du bonheur.

Le matériel de Denis

  • Vélo : Origine GTR Evo Ultra
  • Roues : Origine Prymahl
  • Transmission : Shimano GRX/Ultegra 11 vitesses
  • Pneumatiques : Goodyear F1 Eagle 32 mm (chambre à air)
  • Bagagerie (sacoche de cintre, latérales [fourche] et de selle) : Ortlieb
  • Selle : Infinity
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Matthieu
Matthieu
Matthieu Amielh a rejoint l’équipe Bike Café en 2020. Journaliste salarié puis pigiste depuis plus de 10 ans dans l’édition, il est spécialisé dans l'industrie du cycle (marques, distributeurs et magasins) et pratique le vélo de route, le gravel ainsi que le bikepacking. Il collabore aujourd'hui avec différents journaux et magazines (Cyclist, BIKEéco, Geo, Vélo Magazine, Le Figaro,...)

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