On lit régulièrement dans la presse vélo des articles sur le retour du 26 pouces. Dans le jargon du journalisme, on nomme “serpents de mer” ce genre de thématiques récurrentes.
À Bike Café, nous ne considèrons pas du tout que les 26 pouces soient de retour, pour la bonne et simple raison qu’ils n’ont jamais disparu de nos rues et de nos garages !
Certes, les années 90 sont loin, quand les “petites roues” équipaient 100% des VTT. Les mountain bikes d’aujourd’hui et le diamètre de leurs roues ont beaucoup changé… mais les 26 pouces ont la peau dure et n’en finissent pas de faire parler d’eux. Pourquoi ? Comment ? Dans cette série de l’été, partons donc à la rencontre de quelques-uns de ces cyclistes qui délaissent les grandes roues et leurs itinéraires de route, de gravel ou de “Twenty Niner”, pour un détour et un tour de 26 pouces.
Le détour du 26 pouces (épisode 3) : Rencontres du troisième type
Certains cyclistes “intensifs” sur route ou de gravel adoptent parfois un 26 pouces pour une utilisation alternative, bien éloignée de leur pratique habituelle et hors d’un usage strictement utilitaire. Ils n’ont pourtant pas le profil de collectionneurs, ne sont pas forcément d’anciens vététistes. Qu’est ce qui peut donc motiver cette adhésion soudaine au 26” ? S’agit-il d’un élan de compassion, un choc esthétique, une prise de conscience écologique, un parti-pris technique ou sportif ? Il faut aller y voir de plus près et tirer cela au clair !
Anne, l’amateure
Gros cailloux, petites roues – Anne, qui contribue régulièrement à Bike Café, a elle aussi franchi le pas du 26 pouces. Elle en a essayé un, un peu par hasard, délaissant son gravel pour la sortie “Une tielle à Sète” organisée par Original Montpellier Gravel. L’’essayer, c’est l’adopter… Suite à cette belle rencontre, Anne s’est immédiatement mise en quête d’un 26 pouces tout rigide. Afin d’avoir un vélo “plus compact, plus maniable, plus sécurisant” pour des sorties courtes sur terrains caillouteux.
“C’est Akim de Granplato qui me l’a trouvé, et Frédéric (bicyclerepairman48) qui me l’a monté” précise-t-elle, pas peu fière.
“Avec les roues de 26 je maîtrise mieux la situation, je domine le vélo, alors qu’avec les grandes roues, je me fais parfois déborder.”
Ce Muddy Fox Seeker, aux couleurs girly, est épuré et rond en même temps. “Il est hyper beau, je peux frimer avec quand je vais boire un café en ville” dit-elle. Elle ajoute : “Un beau 26 pouces vintage, c’est un vélo de collec’, un vélo de frimeur, ça ferait rigoler les vététistes, mais ça peut aussi être sportif : il n’y a pas de fourche suspendue, pas de freins à disques… quelques graviers, un trottoir, et on a l’impression de faire du vrai tout-terrain”.
Brent, le gravelizeur
Un Américain à Montpellier – Cette fine lame, aussi à l’aise et rapide sur route ou sur chemins, est toujours souriant et tiré à quatre épingles. Il a choisi de concevoir son vélo de gravel à partir d’un 26 pouces Specialized de 1997 acheté 70 € sur Le Bon Coin, “just for fun”, dit-il en riant. Puis, il s’est pris au jeu… entretenant ainsi la tradition du club très fermé des “gravelizers”, ceux qui se lancent dans la transformation d’anciens VTT en vélos de gravel uniques et originaux.
Soucieux du moindre détail, Brent a fait repeindre le vélo qui était piqué de rouille par une société qui peint à la poudre les éoliennes géantes. Puis, il a patiemment assemblé les pièces du puzzle : la fourche rigide de son ancien vélo, un Rockhopper de 1998 qu’il avait ramené des U.S.A ; une potence montante pour adapter au mieux le vélo à sa taille…
Brent apprécie ce vélo, plutôt petit pour lui, pour son caractère vif, qui le rend joueur dans les descentes. Pour les montées, la recherche du juste équilibre devient une discipline proche des arts martiaux, mais le bagage technique de Brent facilite l’exercice. Même s’il utilise ce “Gravelised Specialized” pour des sorties courtes et rapides (un autre gravel, en 28 pouces, lui sert pour enchaîner les kilomètres), il voue à la machine une adoration sans fard, le bichonnant, lui offrant des cadeaux, comme cette sacoche de cintre originale, cousue à la main chez Wizard Works par un néo-zélandais de Londres. Brent n’est pas seulement un cycliste affûté, c’est aussi un esthète…
Timothé, le dessinateur
Architecture du voyage – Sur la route, dans la Drôme, Thimothé a acheté un Peugeot Explorer 200 pour 50€.
Il était en pleine rédaction d’un mémoire d’architecture sur le voyage à vélo, “pour mieux comprendre le monde et me comprendre moi-même” résume-t-il. Il lui fallait donc un vélo pour voyager confortable, simple, économique. “Quand tes parents t’offraient un vélo, c’était un 26 souvent” ajoute-t-il.
Et puis dans le contexte de la pandémie de COVID-19, il y avait pénurie de pièces…
Une raison supplémentaire d’opter pour un 26 pouces.
Tour de roue après tour de roue, Timothé s’est remis au dessin à la main, un peu oublié en école d’architecture, d’abord pour dessiner les paysages croisés en route, puis, un peu par hasard, dessiner des vélos.
“Dessiner l’architecture d’un vélo, c’est mieux le connaître ; dessiner un dérailleur, c’est comprendre comment il fonctionne” dit-il. C’est tout naturellement qu’est né Atlas du Cycle, son projet d’illustrateur vélo. Thimoté dessine pour son plaisir mais aussi à la commande, comme pour le Concours de Machines 2022 par exemple, pour lequel il a réalisé un abécédaire avec tous les vélos du concours.
C’est cet abécédaire qui lui a permis d’être remarqué par les journalistes du site américain Bikepacking.com, ce qui lui offre aujourd’hui une belle visibilité.
En fin d’entretien, Thimoté me confie : “Pour l’anecdote, un jour, je suis passé sur un 700, et ça l’a pas fait. J’ai acheté un Mercian, un cadre anglais. Moins de confort, plus de nervosité, ça ne me convenait pas.”
Nous finissons notre café, Thimothé enfourche son 26 pouces, déjà en route pour de nouveaux desseins et de nouveaux dessins…
Retrouvez les autres portraits de cyclistes et leurs vélos 26″ de cette série ici : épisode 1 (Rien ne se perd, tout se transforme) et épisode 2 (La madeleine de Proust)