Chaque semaine, un billet d’humeur par un de nos rédacteurs. Aujourd’hui : Dan de Rosilles
Si vous avez cliqué récemment sur la page “événements” de Bike Café, où nous sélectionnons pour vous les meilleures aventures de route et gravel (et parfois plus encore : stages et formations, expositions, critériums de pignon fixe, festivals de films…) vous aurez remarqué que le planning des mois à venir est plutôt vide. C’est normal : Les organisateurs commencent à peine à poster les dates des événements de la saison prochaine, et nous nous mettons tranquillement en selle, pour prendre le temps de sélectionner, avec toute la circonspection et le recul nécessaire, ce qui sera le plus intéressant à rouler et à voir en 2025.
Il faut dire que, pour tout un chacun (traduisez : un·e cycliste qui n’est pas une star de l’ultra-distance et qui n’est pas invité·e par les organisateurs), s’inscrire à un événement n’est pas un geste anodin. Il y a, bien sûr, les frais d’inscription, qui peuvent être élevés pour un événement longue distance, surtout si un tracker GPS est fourni, encore plus si l’événement est “prestigieux”. Mais il faut rajouter à cela les frais d’approche et de retour en train ou pire, en avion (si si, certains le font encore !). On peut aussi mentionner l’achat des équipements les plus techniques (et donc les plus chers) pour moins souffrir de la distance, de la météo et de l’effort : pneus hors de prix, vêtements très techniques pour affronter les météos les plus diverses, sacoches de bikepacking ultra-légères… Tout cela a un coût, exorbitant la plupart du temps.
Je rajoute les frais de bouche (3 repas par jour au minimum dans des commerces de bord de route), et bien sûr, le coût de l’hébergement. Les nuits à la belle étoile c’est super, mais de temps en temps, une douche et un lit s’imposent, car l’harnachement sur le vélo peut éventuellement vous transformer en aventurier, mais les poches sous les yeux et l’odeur de vieux cuissard trahira, dans la file d’attente de la boulangerie, le traveller que vous êtes devenu.
Franchement, c’est à se demander pourquoi nous nous inscrivons à de tels événements. C’est loin, l’approche est compliquée, les heures qui précèdent le départ sont stressantes. Pendant, on ne dort pas bien, ou pas assez, ou pas du tout (quand on veut finir dans les premiers). On est poisseux de sueur, on a mal au cul, on mange trop gras ou trop sucré, on dépense un mois de salaire pour cinq jours de galère sur la route, où notre seul “chez soi” se résume à un GPS fixé entre deux prolongateurs. Payer autant pour se transformer en une sorte de clochard de la route qui dépenserait autant qu’un ministre, c’est, au mieux, un peu débile, au pire, une véritable folie…
Mais voilà. Une aventure à vélo, ça ne s’explique pas, ça ne peut que se vivre. Seuls, nous le sommes au moment de choisir à quel événement nous allons participer. Nous le sommes aussi devant la carte, au moment de tracer le meilleur itinéraire. Seuls, nous le sommes au départ, rongés de doutes au milieu de tous les autres solitaires qui partent eux aussi. Seuls, nous le sommes sur la route, face à l’effort, à la gestion du souffle, à la douleur. Seuls, nous le sommes dans le froid glacial du petit matin en plaine, dans un duvet gluant, pour une heure ou deux de sommeil agité.
Mais seuls, nous savons aussi l’exploit que nous venons de réaliser, lorsque nous arrivons enfin au but, exaltés comme des princes. Car autour de nous, les gens que nous croisons ne peuvent imaginer un instant ce que nous venons de vivre. Nous ne sommes pas des clochards : nous sommes des princes, sauf que nous sommes les seuls à le savoir.
C’est pour ces princes déguisés en clochards et qui mènent un train de vie de ministre, que Bike Café va prendre le temps, dans les semaines qui viennent, de sélectionner sur sa page événements, ce qui se fait de mieux comme aventures cyclistes en France et en Europe. Pour cette communauté de princes-clochards seuls sur la trace et dans leur tête et qui, tour à tour, à chaque tour de pédale, souffrent ou jubilent sur les routes et chemins de France et de Navarre.
C’est un peu vrai. Il est aussi possible de partir à l’aventure entre potes et ne se mesurer qu’à soi même. Et c’est selon moi le vrai sens de l’aventure.
Le vélo met la route sur le pas de la porte, et pour pas cher on peut se créer de vrais défis et des souvenirs à partager. Le Morvan en autonomie est rugueux et peu cher.
Pas de compétitions/événements, pas de sujets avec de jolies photos pour les médias, de “rêves” pour Kevin et son Rockrider gravelise, qui s’ennuie à rouler le long du canal tous les dimanches, de Youtubeurs avide d’images, de stories Instagram toutes les heures, de badges et de chiffres sur Strava et pas de motivation pour la R&D des marques, auquel le marketing va y inventer une nouvelle discipline nous la présenter comme “essentielle”. C’est comme ça pour tous les sports. Mais heureusement, le coeur de marché sera toujours présent à travers la “randonnée annuelle” de l’Amicale Cycliste de Pitizouille-Sur-Mauges et ses coureurs en jersey sponsorisés par le Super U local.