Les événements Gravel se multiplient en France. Le concept “All road” séduit de plus en plus de cyclistes désireux de pratiquer un vélo différent. Les fondateurs des cycles Caminade sont jeunes, et pourtant ils font figure d’anciens dans cette pratique nouvelle. Ils ont créé il y a 3 ans la Gravel66 pour rouler avec ces vélos plaisir dans leur montagne, aux pieds du Canigou. Lors de la première édition en 2015, il n’y avait qu’une poignée de vélos de Gravel les autres étaient des VTT. Cette fois la proportion était complètement inversée car sur 70 participants on ne trouvait que 2 ou 3 MTB.
La Gravel66 c’est quoi ?
Deux jours de “ride” au coeur des Pyrénées Orientales organisés par Caminade, le fabricant de vélos dont l’atelier est installé à Ille-sur-Têt, près de Perpignan. L’épreuve est gratuite et ouverte à tous, quel que soit le vélo utilisé. L’idée étant de découvrir la pratique du vélo de Gravel, de pouvoir rouler et échanger avec d’autres passionnés et de se découvrir les possibilités offertes par ce type de vélo.
Le samedi grand parcours de 85 km, avec des spéciales sous Strava pour ceux qui voulaient en découdre. Le parcours réunissait tous les types de terrains : petites routes bitumées, pistes larges, sentiers lisses où plus techniques. Il a été pensé pour garder toujours en vue le somment enneigé du Canigou avec un démarrage au nord vers le début des Corbières puis un descente au sud sur les versants de la montagne symbolique des catalans.
Suivons la piste des participants comme celle de Dan de Rosilles qui nous livre le “journal numérologique” de sa participation … qui rime avec 66.
Journal numérologique d’un week-end de vélo chez Caminade à Ille-sur-Têt.
1 – Les chaussettes noires
Quitter Arles et l’odeur aigrelette des cigarillos du voisin. Je charge deux vélos, le pied d’atelier, une caisse de camping avec le réchaud à gaz, du riz, mon duvet et la petite tente canadienne. J’ai choisi une tenue sobre, jersey et cuissard noirs, short gris, lunettes jaunes, casque blanc. J’hésite un peu sur la couleur des chaussettes, faut-il les assortir au jersey ou au casque ? J’opte pour des chaussettes noires. Je ne sais pas si c’est le bon choix : Les Chaussettes Noires, en 66, ils s’étaient déjà séparés.
2 – Au camping municipal
Le camping municipal de Ille-sur-Têt est ouvert 365 jours par an, les sexagénaires perpignanais y prennent leurs quartiers dès que le soleil brille. On me concède la place numéro 39. Tout en dépliant ma tente deux places, je repère une dizaine de types longilignes en shorts, claquettes et doudounes qui font les cent pas entre les mobil homes : Nul doute qu’ils seront avec moi demain sur les pistes de la Gravel 66.
3 – Demandez le programme
Brice et Sylvain ont prévu un week end en trois étapes : Il y aura bien sûr la course du samedi avec six secteurs chronométrés, une balade deux fois plus courte le dimanche, mais dès vendredi après-midi, nous visitons l’atelier Caminade. Dans cet espace de 80 m2, lumineux, ordonné et accueillant, on peut admirer la dernière création des deux compères, le Allroad, un vélo en acier inoxydable Columbus XCR qui surprend par sa géométrie stricte, aux tubes droits, dérogeant ainsi au culte de la courbe qui prévalait jusqu’alors chez la marque pyrénéenne. La nitescence de l’engin (que le soleil couchant avive au travers des larges baies vitrées de l’atelier) attire invariablement les esthètes cyclistes et les photographes.
4 – Fantômes
Un sacré paquet de types au départ quand même, et plein de beaux vélos. Il semble que l’événement attire les excités du gravel, qui viennent aussi bien pour en découdre que pour faire l’étal de leur belle monture. Soixante-dix participants m’annonce fièrement Sylvain, mais la photographie panoramique que j’ai prise à ce moment-là révèle la présence de fantômes qui se font passer pour des humains. J’en ai la confirmation un peu plus tard pendant la course, lorsque je suis doublé par des êtres irréels dont les roues des vélos ne touchent même pas le sol. Combien sont ils ? Difficile à dire, tant ils ont l’art de se faire passer pour des cyclistes de chair et d’os auprès d’un œil peu exercé à les démasquer. Je dirais au moins trois ou quatre, ce qui ramène le nombre de participants réels à soixante-six.
5 – Le Pic du Canigou
Plusieurs phrases-cultes auront fleuri ce week-end : “Chez Caminade, on boit pas que de la limonade” (sur l’air d’il est des nôtres, entendu à la buvette après le concert punk du samedi soir) et aussi “Le Canigou, c’est pas du Ron-Ron”.
En fait, c’est peut-être moi qui a inventé ce slogan, tellement les montées de la Gravel 66 ont été longues et raides. Sur des pentes à 10-12%, le pouls pointe à 180, la fréquence de pédalage tombe à 60, et toujours, en toile de fond, comme si de rien n’était, ce magnifique pic aux sommets blancs de neige ignore notre effort, superbe, impassible, indifférent, dominateur.
6 – Le canal de Bohère
Moment d’intimité sous les chênes. Je suis seul, ceux de devant sont partis irrémédiablement et personne ne reviendra plus de l’arrière. Solitaire pour aller au bout, je le sais, je le sens désormais sur ce single, le plus long et le plus beau du parcours, construit par l’ingénieur Teyssonnières en 1866. Chants d’oiseaux printaniers, murmure de l’eau, et l’étrange sensation de descendre alors que courant s’en va dans l’autre sens.
7 – 666
Kilomètre 66. Le DFCI est jaune, lisse, sableux, un concasseur l’aura rénové il y a sans doute peu de temps. Dans mon dos l’angle du soleil, quasiment parallèle à la pente, allonge démesurément mon ombre.
1 belle image à faire ; en 2 temps 3 mouvements, je saisis mon appareil photo de la main droite.
1+2+3=6. Le six qui manquait. Freinage de la main gauche – le frein avant – la roue rencontre une pierre, le vélo monte à la verticale, je suis projeté en l’air, roule dans la poussière.
Le diable est dans les détails.
8 – Fraîcheur de vivre
Aux Prats de Roma, un petit gué, un filet d’eau qui recouvre le chemin caillouteux. Je prend plaisir à traverser un peu vite, pour le faire gicler sous les roues et sentir les gouttelettes sur mes mollets. Dans cette zone en cuvette où c’est presque l’été, cette micro incartade à la course me fait sourire. Est-ce bien raisonnable ? Je vérifie par dessus mon épaule qu’aucun autre concurrent n’arrive, je fais demi-tour et, une, deux, trois fois, je repasse pour ressentir encore et encore l’agréable frisson : Une toute petite extravagance, dérisoire et ironique, une parenthèse de lâcher-prise au cœur de la lutte. Je suis né en 1966 et lorsque j’étais enfant on voyait à la la première chaîne les publicités Hollywood Chewing Gum. En 1972 j’avais 6 ans, des éphèbes californiens étaient tout simplement en train d’inventer le VTT à la télé en traversant à vélo des ruisseaux dans des gerbes d’eau claire étincelantes. Le VTT bien sûr on ne savait pas ce que c’était, la chanson-slogan disait “fraîcheur de vivre”.
9 – En finir
Six heures pour boucler le périple et ses six segments chronométrés. Six heures de cyclisme engagé, de paysages splendides, d’air pur et de bonheur. Puis on passe sous la douche, on en ressort propre et neuf, mais plus du tout innocent de l’affaire. Le vélo aussi a droit à sa toilette, il s’étire sur le pied d’atelier, avec ses roues de 700, ses pneus de 32 gonflés à 4 bars. il ne faut pas oublier de passer la brosse dans les étriers de freins, là où se loge les amalgames de boue et de graviers. Pour la bière, j’ai choisi 50cl d’Indian Pale Ale de la BrewDog Scottish Craft Beer Company.
10 – Les figures
Autant le samedi fut peloton – un peloton étiré, éclaté certes, mais peloton en ceci qu’il était un groupe de coureurs rendus anonymes par la vitesse et classés par les segments Strava – autant le dimanche fut figures. Les figures sont uniques, et toujours solitaires, puisque personne ne peut leur être identique. Mais entre elles un pacte est possible, et c’est toute la magie de cette randonnée du dimanche, qu’un équilibre soit né d’êtres si dissemblables. Ici j’en retiendrai cinq : Serge, bacchantes blanches et short tyrolien, Jean-Yves tout de noir-rose-Rapha vêtu, distillant ses souvenirs de Finlande, ce couple indivisible en tandem VTT aux pneus usés jusqu’à la corde, Nicolas et son gravel à pignon fixe qui a tiré 36 X 19 sans mettre une seule fois pied à terre dans les montées, et puis il y a Marie, l’artiste peintre qui les croque tous, en les suivant sur son vélo électrique de 200 watts.
11 – Pyrénées Orientales
La randonnée de ce dimanche, c’est “gravel en mode décontracté” annonce le programme. Nous sommes 22, le tiers de 66. Bien sûr Sylvain dit 25, mais les fantômes, vous êtes déjà au courant de l’affaire.
Brice avait prévu un décrassage de 45km, nous n’en faisons que 31. Il faut dire que le groupe prend son temps, tout heureux de profiter encore un peu du paysage. Puisque qu’il est déjà onze heure passées, Brice retranche le parcours de plusieurs péripéties : “On aura même pas monté à la Rivière des Chèvres”. Il fallait couper court, car vous savez, le dimanche après-midi, dans le 66, il y a le match. Quel match ? Et bien, le match de XIII. Et un match de XIII, les amis, ça ne se rate pas.
Ils ont aimé …
Environ 70 de participants étaient au rdv avec déjà beaucoup de vélo typés Gravel et de moins en moins de VTT à petits pneus. Ils venaient de toute la France mais aussi d’Espagne. La navigation se faisait au GPS afin de ne pas baliser et marquer la nature. De toute manière des groupes par niveau se sont formés, renforçant encore l’aspect convivial et tout le monde a pris de larges pauses photos pour apprécier les panoramas.
“J’ai vraiment trouvé cet événement sympa par sa convivialité. On sent immédiatement autour de soi la passion du vélo qui s’exprime sous une autre forme. Il n’y a pas d’uniformité, aucun vélo pareil, des “look” très différents : c’est frais. J’ai eu l’impression de retrouver l’ambiance des débuts du VTT que j’ai connu. C’était une première pour moi … En ce début de saison j’ai juste 2 sorties route au compteur et heureusement quelques sorties en ski de rando qui m’ont sauvé la mise. Brice est resté avec moi, nous avons pris des photos, nous nous sommes arrêtés pour le ravito … c’était super sympa et le paysage était magnifique.” témoigne Michel Lethenet PR Manager de Mavic.
Organisation “light” et convivialité
Le concept de la gratuité est intéressant et il rend l’organisation plus légère et conviviale. Les marques qui suivent le développement du Gravel ne sont pas insensibles à ces organisations qui accompagnent le développement du Gravel Bike.
La marque SRAM était présente pour assurer l’assistance technique au départ et à l’arrivée mais aussi tout le long du parcours, à vélo au milieu des riders, quoi de mieux !
Asterion, avait également fait le déplacement pour venir présenter ses roues spéciales gravel qui ont fait leurs preuves sur les vélos Caminade.
Tout était localisé au camping d’Ille-sur-Têt : restauration, boissons et même groupe de Rock le samedi en fin d’après-midi, de quoi prolonger l’ambiance festive.
Le Dimanche une trentaine de “graveleux” se sont retrouvés pour une sortie groupée de 35 km sur les collines de la partie Sud-Est de Ille-sur-Têt avec des vues sur le mer et la plaine du Roussillon. Le réservoir de pistes pour le Gravel a impressionné les participants, beaucoup reviendront.
La trace est disponible sur Openrunner, partenaire de l’évènement.