Chaque année, je me pose la question « Est-ce que le Père Noël existe vraiment ? » Mon côté rationnel me dit que non : c’est une blague inventée par les commerçants. Comment un mec plutôt gras, habillé tout en rouge peut se glisser dans les conduits de cheminée avec sa hotte sur le dos ? On me la fait pas ! … Et puis on en voit partout dans les magasins, trônant dans une mise en scène à deux balles, devant un appareil photo numérique pour prendre la pose avec des enfants sur ses genoux, devant le regard adorateur des parents. Mais comme on a toujours envie de croire en quelque chose, moi je crois par contre beaucoup au gravel, et certains du coup me disent « Tu crois au Père Noël avec ton gravel : le gravel ça n’existe pas c’est une invention marketing …»
Nous étions l’autre jour dans un centre commercial avec ma petite fille Margot (5 ans) … Elle voit un de ces “copycat” de Père Noël habillé de rouge. C’était un imitateur “haut de gamme”, habillé classe, une vraie barbe blanche des petites lunettes métalliques ; on se serait cru sur le tournage d’un téléfilm américain, avec un Santa Clauss venu tout droit d’Hollywood. Elle se dirige vers lui … Il lui décoche un gros sourire en voyant s’approcher une future “cliente”, et commence à dérouler son discours à propos de la lettre au Père Noël qu’elle lui aurait soi disant adressée … Il doit répéter la formule des centaines de fois par jour. Margot lui touche la main, le regarde bizarrement et subitement se retourne vers nous faisant une volte-face effrontée, en s’écriant « C’est un faux ! …» … Laissant au passage supposer, qu’il en existe un vrai. Alors moi, qui ramène tout au vélo, comme le dit souvent ma femme, je me dis en gravel c’est pareil il y a certainement du faux. D’autant que maintenant la mode est là et que certains seront tentés de tout appeler gravel, simplement en collant une étiquette sur un vélo ou un équipement ou en baptisant une organisation vélo “La gravel tartempion”.
Oui j’y crois …
Ce n’est pas parce que je viens de passer une année à tester des vélos de gravel avec mes petits camarades du Bike Café, ce n’est pas parce que je vois naître des centaines d’organisations, petites ou grandes, baptisées “gravel”, ce n’est pas parce que je suis branché tendance, ce n’est pas non plus parce que le grand méchant loup du marketing américain me l’a dit … que je me suis mis à croire au gravel. On s’est moqué de moi lorsque j’avais évoqué dans un billet précédent “L’esprit gravel” … mais je persiste à croire que ce vélo c’est autre chose que de la techno et de l’habillage commercial, il fait souffler un autre vent que celui du business même si forcément il y en a sans doute.
Cette croyance que je me suis forgée sur cette nouvelle façon de rouler à vélo, échappe encore à certains. Le négationnisme existe. Il est moins grave en matière de vélo qu’en histoire politique. Évidemment ce vélo peut déstabiliser les plus rationnels d’entre-nous, ceux qui aiment ranger les choses dans des cases bien précises. C’est pourtant facile d’expliquer ce phénomène que l’on pourrait résumer en 3 mots, qui seraient ceux de la république du gravel : “liberté – plaisir – découverte”.
Liberté : se sentir libre d’aller où bon nous semble. Emprunter un chemin ou rouler sur une nationale (pourquoi pas si on veut). Traverser une friche industrielle, rouler sur une piste. Rien n’est interdit (ou presque) à ce vélo liberté. Se coller 2 ou 3 sacoches pour partir en virée quelques jours. Liberté toujours car il n’y a pas de “fédé” du gravel et notre famille, pour l’instant, reste bordélique et indisciplinée. Cette liberté implique néanmoins le respect de l’autre, qui va avec les valeurs de ce mot. Ce n’est pas toujours évident sur les groupes facebook, mais globalement c’est quand même plus vrai chez nous qu’ailleurs.
Plaisir : de concevoir son vélo en choisissant des équipements en fonction de leur usage et non pas parce qu’il faut avoir tel guidon ou telles roues pour faire partie de la “chapelle”. Plaisir de partir sans être sûr que l’on suivra le chemin prévu, sachant qu’en cours de route tout est possible et qu’on pourra bifurquer à tout moment. Plaisir de préparer des tracés sur un fond IGN sans se poser de questions existentielles sur la nature des terrains. Plaisir tout simplement de rouler sans contrainte.
Découverte : ce vélo rend curieux. Il nous pousse même à chercher des prétextes pour aller rouler dans des lieux du passé qui ont été abandonnés comme les anciennes pistes de transhumance, des petits villages perdus, d’emprunter le sentier oublié qui menait au moulin qui ne tourne plus, de grimper en haut de la colline que l’on a toujours regardée d’en bas.
Une envie d’évasion
Alors va-t-on, comme avec ces faux Père-Noël, bousiller notre croyance en se disant que cette avalanche de produits gravel qui nous tombe dessus c’est du commerce ? Je réponds non ! … Personne me fera croire que l’esprit et notre façon de rouler sont comme les autres. Notre vision du vélo est différente, elle nous vient principalement de l’évolution de notre société. Peut-être que les plus jeunes n’ont pas en mémoire l’engouement pour le vélo, né à l’époque où les congés payés ont été accordés aux français. Des hordes de cyclistes sont partis alors sur les routes vers la campagne, la mer, la montagne pour les pédaleurs les plus courageux. Tandems, sacoches, bivouac, randonneuses, … sont apparus à cette époque dans un marché dopé par ce mouvement social. La bagnole a balayé tout ça reléguant le vélo à un simple sport. À part quelques cyclostouristes convaincus, l’aventure à vélo et la liberté qui l’accompagnait a progressivement disparu.
La voiture n’a plus aujourd’hui les mêmes attraits, l’hyper connexion de notre monde stressant est devenue pesante, la centralisation du travail et des modes de vie nous fait vivre les uns sur les autres, les organismes en tous genres sont devenus des carcans réglementaires … On en a marre : on a envie d’évasion.
C’est ce que commence à penser les cyclistes routiers stimulés par le mimétisme avec les champions, entretenu par les marques et motivés par les grammes qu’ils vont gagner sur leurs vélos. Tout cela devient “has been” … On n’a plus envie de se glisser dans un Lycra moulant conçu pour les sylphides coureurs et maculés de logos, on n’a plus envie de se dépouiller sur la route au milieu des voitures pour afficher des Kom sur Strava, on n’a plus envie de s’acharner à faire avancer un vélo carbone ultra light, que seuls les watts d’un champion sont capables de propulser. Les VTTistes sont eux même en pleine réflexion. L’hyper technologie de leurs montures rend la compréhension de cette pratique difficile. Au départ l’idée était quand même pure : il s’agissait de conquête de la nature. C’est devenu au fil du temps un arsenal de technos qui gâchent un peu le plaisir. D’ailleurs certains VTTistes, reconvertis au gravel, me disent y retrouver le plaisir qu’ils avaient connu au début de la discipline sur leurs vélos non suspendus. Ils reviennent à l’esprit d’origine qui les avait attiré.
C’est toujours bon de croire
Sans devenir un bisounours, il est toujours bon de croire, surtout lorsque cette croyance s’articule autour des mots liberté, plaisir et découverte. La liberté est un droit fondamental, le plaisir est hédoniste et constitue un des buts de notre existence et enfin la découverte est la sublime récompense de notre curiosité. Dans le gravel, je retrouve tout ça, ce qui me fait croire d’une certaine façon un peu utopique que le Père Noël existe pour ceux qui comme moi ont découvert les joies qu’apportent ce vélo.
Si vous voyez passer un mec en rouge portant une barbe blanche sur un vélo harnaché de sacoches de Bike Packing remplies de cadeaux, faites lui un signe d’amitié et demandez lui pour moi sa trace gpx, elle me permettra peut-être de remonter le chemin de l’enfance.
Bonne fêtes à tous …
Joli texte et belles idées
Salut Patrick ,
Si vous aviez un top 5 à donner sur les graves depuis que vous les essayez . Merci ☺️