Arnaud Manzanini n’est pas un inconnu dans le milieu cycliste. C’est un adepte de l’ultra distance à vélo, qui a déjà démontré sa valeur sur différentes épreuves, dont la fameuse RAAM. Mais voilà, Arnaud après avoir affronté des hautes températures lors de la Race Across America, voulait savoir si son corps pouvait résister au grand froid. Il s’est donc lancé, en plein hiver polaire, dans un projet qu’il a baptisé “North Calling Project”. Il a parcouru à vélo 800 km sur des routes glacées, en traversant la Laponie suédoise de la frontière finlandaise à la frontière norvégienne.
Un départ en mode urgence
« Nous avons préparé l’aventure en accéléré, n’ayant aucune perspective sur le futur et j’ai un peu la sensation de me sauver avant un 3ème confinement, qui semblait annoncé dès le mercredi suivant », explique Arnaud qui avait initialement prévu de faire la course du record autour de Monde en bikepacking en mars 2021. Après avoir été dans le déni, comme beaucoup de sportifs, il a dû revoir tous ses projets et tout remettre à plat.
Alors fallait t-il tout arrêter ou tout repousser ? « J’ai décidé de saisir les occasions, de me Jeter dans le vide de la falaise pour y construire un pont au fur et à mesure », répond Arnaud qui décide en juin 2020 de partir avec Jean-Lin Spriet faire le Tour de France randonneur pendant 3 semaines non stop, sur les superbes routes françaises. C’est lors de ce tour, dans le froid de la montée de la Bonette, que Arnaud mesure ses limites face aux basses températures. Pour un cycliste de sa trempe, il fallait exorciser cette crainte… À force de rencontrer tous les héros qu’il interviewe pour son fil de podcasts Ultra talk, Arnaud réalise qu’il doit aller plus loin dans l’inconfort. La peur du froid ayant toujours été très présente chez lui : il décide de l’affronter. Inspiré par le récit de Vanessa (Ultra talk #99) qui court en Laponie et après avoir vu le film qu’elle avait réalisé, il décide d’aller poser ses roues là-haut et en plein hiver.
Une équipe
Arnaud a pris contact avec Stéphane Michel, spécialiste de la vie dans le grand froid. Il sera le guide de l’aventure et veillera à sa faisabilité. Il accepte mais en précisant « Si on passe en dessous des -30°C je te préviens je t’arrête…». Ça a failli arriver, puisque à un moment le thermomètre atteindra les -33°, mais Arnaud bien protégé a insisté pour continuer.
Dans le Van, avec Stéphane, il y a Keryan pour la vidéo et Quentin pour les photos, car bien sûr cette traversée de la Laponie suédoise donnera lieu à la réalisation d’un documentaire. La route tracée par Stéphane a été ponctuée d’étapes dans des gites ou chez l’habitant. Couvre feu oblige, la progression devait s’arrêter à 20h30 pour respecter les règles sanitaires locales.
« Je mesure la chance qui est la mienne d’avoir à mes côtés une famille aimante et compréhensive, un partenaire financier de longue date qui me fait confiance. Et puis, je bénéficie de la dotation de matériels de grande qualité, venant de plusieurs partenaires qui ont adhéré à cette aventure. J’y vais mais j’ai peur…», dira Arnaud avant le départ.
L’aventure
Première inspiration glaciale se fera à -20, dès que les portes de l’aéroport s’ouvrent. Mardi sera une journée d’acclimatation, avant le grand départ pour s’habituer au pilotage du vélo sur ce tapis de glace. Elle permettra de revoir le choix pneumatique pour les changer par des modèles équipé de plusieurs rangées de clous. « Je ne savais pas comment j’allais réagir. Stéphane m’avait prévenu : à moins 30°C, je t’arrêtai, personne ne fait du vélo à ces températures là …», précise Arnaud qui avait un peu d’appréhension car, entre ce qu’on imagine et ce qui se passe sur le terrain, il peut y avoir parfois des surprises.
Les routes étant totalement recouvertes de glace il a fallu procéder au changement des pneus en s’adressant à un magasin local. En passant à des 48 de large, avec 4 rangs de clous, le vélo a récupéré de l’adhérence. Malgré ça me dit Arnaud « Tu sens que ton vélo flotte et que tu n’es pas totalement collé à la route, mais ça accroche. C’est assez plaisant de ressentir cette sensation de glisse. » Les moyennes vont s’en ressentir et il faudra 9 heures à Arnaud pour boucler l’étape de 170 km qui sera la plus longue du périple.
La Suède subit également la Covid et les contraintes locales ont rythmées les étapes. Le dîner doit se faire entre 18h30 et 20h30, heure du couvre-feu. Le trajet s’est effectué sur des routes secondaires où l’on ne trouve pratiquement rien pour se restaurer. Le logement du soir était prévu dans des gites ou chez l’habitant « Une fois nous étions en retard sur l’horaire, et le véhicule était parti devant pour prévenir notre hôte que nous arrivions. Stéphane, s’est excusé de notre arrivée tardive en disant notre ami arrive bientôt : il est en vélo. Énorme rire du suédois, qui nous dit : oui c’est ça par -25°C il fait du vélo !…. Il a réalisé que c’était vrai lorsqu’il m’a vu entrer chez lui avec ma barbe couverte de glace », raconte Arnaud.
Le meilleur moment pour Arnaud a été de passer le cercle polaire, instant particulièrement marquant pour quelqu’un qui a peur du froid. Il se souviendra aussi de la pire journée, pendant laquelle la température est descendue à -33°C, ce qui faisait en ressenti avec le vent et la vitesse du vélo, du -45°C. « Ton corps se met alors comme dans un tunnel, ton champ de vision se rétréci c’est comme si tu avais des œillères, tu restes très concentré sur tes gestes, c’est instinctif… », explique Arnaud qui se mettra ainsi en mode survie, dès que la température baissera en dessous de -28°C. Le guide a voulu stopper là l’aventure, mais Arnaud n’avait pas froid au point d’arrêter. Équipé d’un capteur, Arnaud a pu analyser la température qui, à la surface de ma peau, est descendue à 32°, alors que celle de l’intérieur de son corps augmentait jusqu’à 38.3°. C’est la preuve de la formidable capacité d’adaptation de l’être humain, en milieu hostile, avec une dépense calorique journalière à 9000 calories.
Les paysages tout blancs sont déstabilisants. La nuit est d’un noir écrasant provoquant des visions phatasmagoriques. En approchant de la frontières norvégienne, l’horizon plat bordé de sapins laisse apparaître le repère des sommets et des blocs de rochers. Là bas, le jour se lève à 9h et la nuit arrive à 14h30. Elle tombe comme un gros brouillard noir violet venant de l’horizon, qui happe progressivement la silhouette du cycliste. On est dans le pays du Père Noël ; avec des rennes au milieu de la route. Arnaud, habillé de rouge, avec sa barbe glacée, a peut-être semé le doute dans l’esprit de ces animaux paisibles. J’imagine l’un disant : « Tiens il est retard cette année ! …» Et l’autre de répondre « C’est normal il fait sa tournée en vélo … ». Une critique coopérative absurde, j’en conviens.
Le matos
Parmi le matériel choisi, Arnaud se tari pas d’éloges pour les manchons posés sur son guidon, qui ont protégé ses mains de façon extraordinaire. Il a ainsi gagné 6 à 7°C avec ces accessoires et son guide était même étonné qu’il puisse rouler avec 2 paires de modestes gants enfilés les uns sur les autres, plutôt que des gants de montagne en duvet.
Plutôt qu’un long descriptif je laisse Arnaud vous présenter sur cette vidéo le matériel qu’il a utilisé.
Le podcast Bla Bla avec Arnaud
Bien sûr derrière tout ça il y aura un album de photos et un documentaire, soyez patients.
Liens
- CYCLISTE : Arnaud Manzanini – https://arnaudmanzanini.cc/ – INSTAGRAM – FACEBOOK
- GUIDE : Stéphane Michel – Nord Exploration www.nordexploration.com/ – INSTAGRAM – FACEBOOK
- VIDÉASTE : Keryan Sorton https://kryn.myportfolio.com/ – INSTAGRAM – FACEBOOK
- PHOTOGRAPHE : Quentin Iglésis www.quentin-iglesis.com/ – INSTAGRAM – FACEBOOK
Arnaud MANZANINI : Athlète Ultra-Distance / Auteur / Entrepreneur / Podcasteur
https://www.youtube.com/watch?v=3vxhdsMQWrg&t=24s
Les Podcast “By Arnaud Manzanini”
ULTRA TALK & DANS LA TÊTE D’UN COUREUR
Les Talks
Les documentaires
Le Livre Rêves Across America”
https://cyclemagazine.bigcartel.com/product/reves-across-america
La course
Intéressante expérience extrême ! Bravo à Arnaud pour ce voyage particulier. De mon côté j’ai fait l’expérience du froid à des degrés moindres avec un Paris – Rennes le week-end dernier et des températures négatives (de -1° à -10°) tout au long des 2 jours. Sensation de froid relativement bien supporté grâce à un choix textile judicieux (vive le mérinos) mais un point à revoir concernant l’hydratation car double peine en la matière : 1) le gel des bidons sur cadre 2) la fermeture des bars ! (sans doute le pire !) et sans doute aurais-je du prévoir le réchaud !