Dans le petit cercle des spécialistes du bikepacking, du gravel et de l’ultra-distance, les occasions de bivouaquer ne sont pas rares. Pendant une course par exemple, le moindre arrêt se paie comptant en terme de moyenne et il faut rationaliser les temps de repos. Dans cette situation, le bivouac est plus rapide à mettre en œuvre et plus opportuniste qu’une nuit à l’hôtel.
Pendant des vacances à vélo, on opte souvent, pour des raisons économiques et pratiques, d’alterner bivouac et camping pour ménager son budget tout en bénéficiant d’une douche chaude de temps en temps.
Mais loin du conte de fées d’Instagram, la réalité du bivouac n’est pas rose. Tributaires de la météo, en permanente recherche de l’emplacement idéal, les adeptes des nuits à la belle étoile sont également confrontés au difficile choix de l’équipement adapté et polyvalent sur lequel ils pourront compter en toute occasion, sans pour autant surcharger leur vélo.
En m’appuyant sur mon expérience personnelle et l’observation des cyclistes-bivouaqueurs chevronnés que j’ai eu l’occasion de côtoyer, voici donc une liste de matériel – et ses applications en conditions réelles – qui devraient vous permettre de vous lancer dans vos premiers bivouacs sans que vos nuits à la belle étoile ne se transforment en long et frileux cauchemar.
Un poids et un volume contenu
Avant que de rentrer plus en détail dans le vif du sujet, je souhaite avertir le lecteur qu’on parlera ici de bivouac minimaliste. J’entends par ce terme qu’il ne s’agira pas de transporter tente ou popote, ce qui transformerait un gravel ou un vélo de route en vélo de voyage, mais de rester dans l’idée qu’on souhaite privilégier la vitesse et l’agilité du vélo, au détriment du confort de couchage bien sûr. L’idée est donc de limiter le poids des bagages à 7 kg maximum, en essayant de rester dans la limite idéale des 5 kg… en comptant le couchage, mais aussi les vêtements et le petit matériel additionnel. Cela est possible, je peux en témoigner, mais à trois conditions :
1) Avoir suffisamment d’expérience pour n’emporter que le strict nécessaire, celui-ci se définissant au coup par coup en fonction de la saison et des conditions météo, du type de pratique, du terrain rencontré et de la durée du projet ;
2) Utiliser une gamme de vêtements minimaliste elle aussi très technique et adaptée. Ceci est un autre sujet, mais pour exemple vous pouvez vous référer à mon article “Comment s’habiller 4 saisons” ;
3) Utiliser du matériel de bivouac haut de gamme. Je sais, c’est cher, mais c’est compact, léger, polyvalent et durable. À vous de voir si l’investissement en vaut la chandelle. Mais au prix d’une nuit à l’hôtel, en location ou même en camping, ce matériel peut s’amortir très vite… si vous passez suffisamment de nuits à la belle étoile.
Au commencement était… la couverture de survie
Bon nombre de cyclistes d’ultra vous raconteront des anecdotes de nuits passées en grelottant, à peine roulé dans une couverture de survie, près du vélo et de la route, à même le fossé. Souvent, il s’agit de stratégies de compétiteurs, qui veulent se charger au minimum et usent de conditions spartiates pour limiter au maximum les arrêts, pour des micro-sommeils, voire ne pas dormir du tout.
Au-delà de ces méthodes extrêmes, la couverture de survie est un élément essentiel du bivouac minimaliste, car elle peut avoir plusieurs usages : comme tapis de sol par exemple, pour protéger le couchage en cas de pluie ou d’humidité. Mais son extrême compacité et légèreté ne masque pas ses défauts : elle est fragile, et presque à usage unique. On préfèrera donc des modèles réutilisables, plus chers mais plus solides. En ce qui me concerne, j’ai abandonné la couverture de survie, peu durable et surtout complètement hermétique, au profit d’un bivy léger et respirant, le SOL Escape Breathable Bivvy que j’utilise tour à tour comme tapis de sol, sur-sac quand il pleut et même comme sac de couchage minimaliste quand il fait chaud.
Le sol, cet ennemi qui est partout
Les conditions de bivouac ne sont pas toujours idylliques, loin s’en faut et les brindilles ont la désagréable habitude de se glisser avec nous dans les duvets, par transfert sous les pieds et les chaussettes. Si vous n’utilisez pas de couverture de survie (ou de bivy) comme tapis de sol, un tapis de sol est un accessoire compact et léger qui améliorera vos conditions de bivouac en vous isolant des végétaux et de l’humidité du sol. Ces tapis de sol sont très fins et résistants et peuvent aussi être utilisés sous une tente. Dans notre bivouac minimaliste, ils préserveront le matelas gonflable des crevaisons et rendront plus fluide les transferts entre le duvet et les chaussures au lever et au coucher.
Le matelas, le meilleur ami du dormeur
Même s’il m’arrive, pour des questions d’économie de poids et de volume, de partir en bivouac sans matelas gonflable (un bon tapis herbeux ou une dalle de béton me suffisent, pourvu que j’aie mon oreiller gonflable), cet équipement présente deux intérêts majeurs. Il améliore le confort bien sûr, ce qui garantit une meilleure récupération après l’effort et il crée une couche d’air isolante entre le corps et un sol froid ou humide. Le matelas gonflable pour un usage cycliste doit être le plus léger et le plus compact possible. C’est le cas de celui que j’utilise, le Sea To Summit Ether Light XT. Attention de ne pas trop gonfler votre matelas pour qu’il reste confortable et qu’il garde le corps au centre (sinon on glisse et on roule hors du matelas toute la nuit). Il existe aussi des demi-matelas, proposés pour être plus compacts et plus légers que les matelas complets, mais qui ne soutiennent pas les jambes, et difficile de lutter face aux 340 g du Ether Light XT…
Pour ceux qui bivouaquent l’hiver ou en demi-saison sur terrain froid (comme en altitude par exemple), il est conseillé d’opter pour un matelas isolé, un peu plus lourd certes, mais qui jouera son rôle isolant. Effectivement, la zone du corps du dormeur en contact avec le matelas n’est pas protégée du froid par le duvet, car celui-ci est écrasé par le dormeur et n’assure pas son rôle isolant dans cette zone.
L’art et la manière de gonfler un matelas
Même si un matelas ultralight, de faible volume, se gonfle rapidement, il est fortement déconseillé de le gonfler à la bouche, car la vapeur d’eau contenue dans l’expiration fera moisir à terme l’intérieur du matelas. C’est pour ça que les fabricants ont conçu des sacs de gonflage, qui permettent d’emprisonner de l’air ambiant pour le compresser dans le matelas. À cet effet, le sac de rangement du Ether Light XT se transforme astucieusement en sac de gonflage ; il existe aussi des systèmes plus ou moins perfectionnés chez les fabricants.
On peut aussi fabriquer un système de fortune à partir d’un sac poubelle de 30L et un petit bout de tuyau PVC, mais il faudra être précis sur le diamètre de l’embout car les diamètres des bouchons varient d’une marque à l’autre.
L’oreiller gonflable, ma passion à moi
Autant je peux me passer de matelas, le remplacer si besoin par un lit de fougères ou de feuilles mortes, autant je ne me sépare jamais de mon oreiller gonflable. Je le préfère avec un creux au milieu sinon il s’enfuit pendant mon sommeil. Attention de ne pas le gonfler au maximum pour qu’il reste confortable et stable. Dans cette intention, mon oreiller Aero Ultralight Sea to Summit comprend une face pelucheuse qui reste bien agrippée au matelas. Cet oreiller est tellement compact et pratique que je l’amène en voyage même lorsque je pars sans vélo. Une bonne sieste est toujours la bienvenue, un peu n’importe où pourvu que ma tête soit bien calée !
Le hamac : des fois oui, des fois non
Le hamac est un équipement très léger et compact, intéressant lorsqu’on roule dans des zones humides où les sols sont impropres au bivouac. Néanmoins, il présente plusieurs inconvénients : Certains le trouvent inconfortable et ont mal au dos, il ne protège pas le dos du froid et l’expose aux moustiques. Il peut être aussi parfois compliqué de trouver des points d’accroche convenables et au bon écartement.
Le couchage multi-couches
En matière de couchage à proprement parler, je suis adepte d’une méthode en une, deux ou trois couches, exactement comme pour les vêtements de vélo. Plusieurs sacs se combinent, en fonction des conditions météo et des températures. Voici les équipements que j’utilise, du plus près au plus loin du corps, du plus léger au plus chaud :
Couche 1 : Un drap de soie en été, un Thermolite Reactor en demi-saison ou un Thermolite Reactor Extreme en hiver
Le drap de soie peut être utilisé seul pour les nuits les plus chaudes et les petites siestes d’après-midi. Il se combine aussi avec juste un sur-sac, rajoute de la chaleur dans le duvet, qu’il protège également et permet de le tenir propre plus longtemps. Le drap de soie Stretch intègre deux bandes latérales élastiques qui permettent d’avoir plus d’amplitude lorsqu’on souhaite bouger les jambes et les bras sans se sentir emprisonné comme dans un sarcophage.
Les “Thermolites” sont des sacs en polaire plus ou moins épais, qui rajoutent de la chaleur dans le sac de couchage (de la douceur aussi !) ou peuvent être utilisés tels quels s’il fait très bon ou juste dans le bivy.
Couche 2 : Le duvet (sauf l’été, quand couche 1, couche 3 ou couches 1+3 peuvent suffire)
Personnellement j’utilise un sac en duvet très polyvalent, le Sea To SummitSpark II , adapté à l’été et à la demi saison.
Livré avec un sac de compression, ce duvet une fois compressé tient vraiment très peu de place dans le bike packing. Néanmoins, pour conserver ses propriétés isolantes, il faut le stocker décompressé pour ne pas abîmer le duvet.
Couche 3 : Le sursac ou bivy (voir plus haut) est non seulement un abri, mais il contribue aussi à tenir chaud (c’est un excellent coupe-vent), protège des insectes, des brindilles et de l’humidité. Comme dit plus haut, il m’arrive de ne dormir qu’avec le bivy comme unique couchage. N’oubliez pas que sur le vélo, on a aussi des vêtements qui peuvent servir de complément pour le couchage : j’utilise par exemple un bonnet en mérinos ou ma doudoune en duvet lorsqu’il fait trop froid pour le haut, un collant et un haut en mérinos, voire des chaussettes lorsque la température chute plus que de raison.
Le bivy est l’abri qui, d’une certaine façon, remplace la tente. Il doit être respirant pour éviter d’accumuler la condensation qui s’échappe de votre corps pendant votre sommeil, mais il doit aussi être suffisamment étanche face à la rosée ou une pluie légère. C’est un équipement très léger, compact et polyvalent. En absence de tout autre moyen de couchage, c’est le seul à emporter, un peu comme une couverture de survie qui serait en forme de sac et respirante !
Les abris contre la pluie
En cas de météo pluvieuse, il est vraisemblable que votre bivy ne suffise pas à vous protéger des précipitations. Seul un tarp (bâche équipée d’œillets) ou une tente ultra-légère pourront venir à votre secours. De mon point de vue, cet équipement conséquent sort du cadre de notre bivouac minimaliste. Un jour de pluie est la parfaite excuse pour prendre un hôtel ou un gîte et profiter d’une bonne douche chaude !
Quelques conseils pour plus de confort et de sécurité
- Plusieurs accessoires sont très utiles : lampe frontale, couteau et cuillère de poche, papier toilette, bandeau pour les yeux (comme dans les avions), bouchons de protection auditive, longue ficelle pour attacher le vélo à un arbre ou à un poteau ou à son poignet ;
- Pendant la nuit pensez à garder votre frontale et vos bidons à portée de la main ;
- Les objets de valeur (GPS, téléphone, portefeuille) peuvent se glisser dans le sursac ou le duvet. Le vélo peut être couché (pour plus de discrétion) à côté du dormeur ;
- Choisir si possible un endroit à couvert (végétal ou bâti) pour éviter la rosée du matin. Impossible de compresser un sac de couchage humide, au risque de le voir se détériorer rapidement ;
- Attacher ses chaussures à quelque chose (si il y a des lacets qui le permettent) : Le fait qu’un renard ou un chien vole une chaussure est rare, mais pas exceptionnel ;
- La nourriture sera si possible enfermée dans une musette, un sac en plastique ou sac étanche et accrochée en hauteur par une ficelle à une branche, pas trop loin mais pas trop près du dormeur, pour éviter que des animaux visitent vos provisions pendant la nuit.
Le bivouac minimaliste en résumé
Essayez toujours de privilégier légèreté et compacité, en emportant le minimum ; si les conditions météo (ou la fatigue) dépassent ce qui est prévu, prenez un gîte ou une chambre d’hôtel.
Lorsque je sais que je vais bivouaquer, voici ma liste d’équipement minimaliste :
- Un sursac SOL escape Breathable (toujours) ;
- Un oreiller gonflable (toujours) ;
- Ma doudoune, mon bonnet, mes chaussettes et mon haut en mérinos (toujours), un collant en merinos (parfois) ;
- Un drap de soie ou un Thermolite Reactor ou un Thermolite Extreme, selon la saison (presque toujours) ;
- Un duvet (souvent) ;
- Un matelas gonflable (parfois) ;
- Un tarp (rarement), un hamac (rarement) ;
- Une tente (très rarement).
Il serait intéressant de parler du choix de l’emplacement du bivouac, au moins aussi important que le matériel (et permettant de se passer du tarp/tente). Privilégier une dalle en béton avec un toit : pas de rosée ou de risque de pluie. Éviter les bords de cours d’eau ou les lieux infestés d’insectes. Idée pour un prochain article ?
Merci pour votre retour Nicolas.
Effectivement, le choix de l’emplacement est primordial (comme je l’évoque dans l’introduction de cet article) mais il s’agissait ici de traiter uniquement du matériel. Pour le lieu (votre résumé est excellent), je conseille vivement le guide pratique que nous avons publié avec Patrick Van Den Bossche aux éditions Vagnon : Week-end aventure vélo, dans lequel nous détaillons tous les ingrédients pour un bivouac réussi https://www.vagnon.fr/9791027106608-micro-aventure-week-end-aventure-a-velo.html
Excellent article !
Je ne connaissais pas ce type de matériel si spécifique .
Quel budget au total avez vous dépensé pour cela ?
Merci
Bonjour Samuel,
Difficile de vous donner exactement le montant de ma dépense car j’ai acquis mes équipements progressivement, sur plusieurs années. Pour connaître le prix exact des équipements cités, je vous renvoie aux liens qui ponctuent ce petit guide. Pour vous faire une idée du budget nécessaire pour un “kit” (Tapis de sol + Matelas + oreiller +bivy + drap + sac), je dirais qu’il faut compter entre 700 et 800€.
En tout cas merci pour votre question, l’évaluation du coût global d’un kit est intéressante car elle permet de se faire une idée du nombre de nuit nécessaires à “l’amortissement” du matériel, si on le met par exemple en balance face au coût d’une nuit d’hôtel ou de location en gîte.
Merci de nous lire,
Dan
Ns partons à 2 faire la TNR début Août, ns sommes habitués au Gravel et bikepacking néanmoins sur se trajet ns hésitons à prendre la tente vs Bivvy… ns n’avons rien réservé par avance sur l’itinéraire du fait de la distance, d+ et météo…. Un, des conseils ? Sportivement
Bonjour Christophe. Non, je ne peux pas choisir à votre place ! En ce qui me concerne, je préfère voyager léger, et si un déluge s’annonce, je cherche un abri naturel, ou au pire je loue une chambre ou un toit dans un camping.