Quokka Cycles est une jeune marque créée par l’artisan cadreur Brivaël Laurendeau. Il a installé son atelier à La Ponsonnière, petit village du bord de Loire situé entre Ancenis et Angers. Il s’est fait remarquer lors du concours de machine 2023 présentant une superbe randonneuse construite pour le Paris-Brest-Paris. Son talent ne se limite pas à un type de vélo particulier : il enchaîne les créations de magnifiques machines, avec un certain penchant pour une esthétique minimaliste.
Pierre Corneille fait dire à Rodrigue dans Le Cid : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Par cette réplique, il exprime que le talent et les dons innés, n’ont pas besoin de mûrir longtemps pour se révéler. C’est précisément le cas de Brivaël, immergé dans l’univers du vélo depuis une décennie. Aujourd’hui âgé de 24 ans, il a pris conscience de la voie qu’il souhaitait suivre à 14 ans. C’est en construisant et repeignant son premier pignon fixe qu’il a compris que ces objets à deux roues et ce sport feraient partie intégrante de son identité et qu’il deviendrait cadreur.
Après son bac scientifique, Brivaël a choisi la voie de sa passion. “Lorsque j’ai obtenu mon bac, il s’offrait à moi plusieurs options. Si j’écoutais mes parents, je partais faire une école de commerce ou une école d’ingénieur et si je m’écoutais moi, je me lançais dans le vélo artisanal“. Vous l’avez compris, il a choisi de suivre la voie de l’artisanat.
Comme il n’existe pas de formation pour devenir cadreur, il est passé par la filière de l’apprentissage, via les compagnons du devoir. Pour apprendre le travail du métal, il alternait la fabrication de vélos chez Cyfac (c’est peut-être lui qui a fabriqué le cadre de mon WishOne) et celle de toutes sortes de ferronneries, dans les ateliers des compagnons. Après ces 2 ans d’apprentissage, Cyfac lui propose un CDI et il se consacre alors totalement à la fabrication de cadres pour la marque tourangelle. En 2023, il décide de créer son propre atelier pour fabriquer des vélos qui lui ressemblent. À 24 ans, Brivaël est un des plus jeunes, sinon le plus jeune, des artisans cadreurs indépendants. Lors du concours de machines 2023, il a obtenu le prix du jeune talent, au concours de machines. Il adore le pignon fixe et propose quelques superbes modèles minimalistes, mais son talent s’exprime également sur la fabrication de gravel ou de randonneuses en acier.
Une reconnaissance qui s’est confirmée lors de l’événement Bespoked, la plus grande exposition européenne de vélos faits à la main, qui s’est tenue sur l’aéroport de Dresde du 18 au 20 octobre où 130 exposants présentaient leurs créations.
Fougue et sagesse
Lorsque j’ai appelé Brivaël pour réaliser ce podcast, il me prévient : “Quand je suis lancé sur le sujet vélo, c’est difficile de m’arrêter…“. Effectivement je constate rapidement que, contrairement à d’autres cadreurs que je connais, il est intarissable. Cette fougue, qui s’exprime en parole, n’est pas l’expression de sa jeunesse, car la teneur du discours est celle d’un artisan déjà mûr et conscient de sa maitrise professionnelle. L’alchimie de sa passion combinée à ses années passées dans l’atelier de Cyfac a produit un excellent résultat, entre fougue et sagesse.
Sa sagesse s’exprime également dans son choix de vie. Il aurait pu, en quittant Cyfac, partir à Bordeaux, à Paris ou à Bruxelles pour répondre à des sollicitations intéressantes. Il a préféré revenir au bercail et s’installer dans son village de la Ponsonnière, proche du parc animalier des Kangourous que tiennent ses parents. Je comprend maintenant d’où vient le nom de la marque Quokka, petit marsupial cousin du Kangourou, qui a la réputation d’être l’animal le plus heureux du monde. C’est la mascotte de l’Australie, qui affiche un sourire permanent et irrésistible, un peu comme celui de Brivaël. Pour rester dans cette thématique bondissante, son insta est : @kangtheframebuilder 😉 : trop fort !
Donc, au milieu des champs, le “sage” artisan de 24 ans fabrique ses vélos en toute tranquillité. Pour le rencontrer, il est nécessaire de prendre rendez-vous. Le premier contact se fait généralement par internet ou par téléphone. Ensuite, une rencontre est indispensable pour discuter du projet et définir les mesures du cadre, en cas de besoins spécifiques. Sur ce point, Brivaël est franc, et je partage son avis : « Pour moi, l’étude posturale est une science inexacte. J’en ai fait quelques-unes et je connais des personnes qui en ont fait et selon le prestataire le résultat est très variable. Certains sont restés sur des critères des années 1990-2000, avec des positions très couchées sur le vélo. Ce type de réglage ne correspond plus à la demande actuelle de confort et l’allongement des distances. Je n’ai pas envie de leur construire des vélos qui vont leur faire mal au dos. » La plupart des clients qui viennent commander un vélo possèdent déjà un modèle sur lequel ils se sentent à l’aise. Brivaël reprend alors les cotes de ce vélo et les complète grâce à un logiciel où il enregistre les mensurations de chaque client·e.
Simple et complexe
Un célèbre constructeur aéronautique disait “Pour qu’un avion vole bien, il faut qu’il soit beau“, je pense qu’il en est de même pour le vélo. Lorsqu’on scroll son feed sur Insta ou qu’on explore la galerie de photos de son site, on constate que cet adage peut coller à sa quête alliant esthétisme et performance. La simplicité et la pureté des formes n’est pas la voie la plus facile dans le processus de fabrication d’un cadre.
Pour simplifier l’approche commerciale, Brivaël propose plusieurs modèles qui constituent un standard. “Aujourd’hui le métier de cadreur est très demandeur en ressources personnelles et consommateur en temps. L’idée de cette gamme est de donner des idées à ceux qui cherchent un vélo. Tout le monde n’a pas besoin d’un vélo sur-mesure. Le but de ces standards est de gagner un peu plus de temps sur ma production“, précise Bravaël. Après, le dialogue s’installe et sur la base de ces modèles standard il peut y avoir des adaptations. “C’est souvent comme ça que ça se passe…“
Le retour du fixe
“Moi, tout me plait, je suis né avec le pignon fixe dans mon interprétation du vélo et aujourd’hui je m’ouvre aussi à d’autres pratiques, mes envies changent aussi, mais j’aime toujours le pignon fixe et ça ne changera jamais“, me dit Brivaël. Cette pratique a été à la mode à la grande époque des coursiers à New-York, qui zigzaguaient entre les voitures. Aujourd’hui, ces vélos sortent des villes pour partir faire de la route et même de la longue distance. La communauté est en train de grossir, se diversifier, en allant même sur les sentiers du gravel. Des événements se créent et on espère voir renaître en France les critériums, qui n’ont pas survécu à la crise Covid.
Contacts
- Le site web de Quokka : https://quokkacycles.com/fr/