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Comme un lundi : un peu trop assisté

L’édito de Bike Café

Récemment, nous avons expérimenté sur Bike Café plusieurs VAE et j’ai pu mesurer qu’avec de tels vélo nous pouvions facilement escalader les cols les plus difficiles. Autour de moi, lors d’ascensions dans les Hautes-Alpes et sur le Ventoux, j’ai vu des cyclistes, le sourire aux lèvres et le coup de pédale facile, se diriger sans faillir jusqu’au sommet. Ils prennent alors une photo souvenir devant le panneau, envoyée immédiatement sur les réseaux sociaux en temps réel. Ils repartent heureux de leur exploit, sans penser qu’il serait peut-être atteignable et peut-être même plus intense sans l’aide d’un moteur. L’assistance se banalise et autant je la trouve pertinente dans certains cas, autant je crains qu’elle pousse ceux qui pourraient s’en passer à céder à la facilité d’une performance basée sur une échelle de valeur dont l’étalon aura été faussé. N’est-on pas un peu trop assisté ?

En écartant effectivement tous ceux dont les capacités physiques les privent d’une pratique cycliste, il reste tous ceux qui ont le potentiel pour pratiquer le vélo sans assistance. J’ai peur que cette quête de facilité gagne même les plus jeunes. J’ai pris récemment conscience de ce risque en découvrant une approche commerciale faisant la promotion des VAE pour les enfants. Sur un site de vente d’équipements sportifs, je découvre des arguments qui m’ont fait bondir… La question était la suivante : « Pourquoi choisir un vélo électrique (ou vae : vélo à assistance électrique) pour enfant ? » Et l’argumentaire commercial faisant office de réponse était : « L’électrique peut permettre d’effacer les différences de niveau physique. Pas besoin d’être un champion olympique pour profiter des joies d’une balade en famille. Pour faire simple, l’électrique rend la pratique du vélo avec les parents plus accessible aux enfants ! » Ah bon !… Que vient faire ici cette comparaison avec un champion olympique qu’il faudrait être pour faire du vélo avec ses parents ? L’enfant peut très bien aborder le vélo sans avoir recours à l’assistance, non ?

trop assisté

N’est-ce pas là une façon de faire croire aux plus jeunes qu’on a besoin d’assistance pour faire du sport ? Le sport et le vélo notamment sont nécessaires pour développer chez les jeunes des qualités physiques qui seront utiles aux adultes qu’ils deviendront. J’imagine tristement un monde dans lequel la jeunesse sera biberonnée aux watts complémentaires, pour qu’ils puissent suivre papa à 25 de moyenne. Est-ce que papa ne pourrait pas simplement accompagner son enfant dans ses débuts, en adaptant sa propre vitesse, attendant gentiment le jour où ce sera l’inverse. C’est lui bientôt qui aura besoin d’assistance pour rouler avec son enfant, lequel sera devenu un sportif accompli et peut-être même un champion olympique. On appelle ça l’apprentissage de l’effort… qui sera également bien utile dans d’autres domaines de la vie de cet enfant.    

J’ai noté la réaction récente d’un coach sportif connu qui s’exprimait sur le sujet en disant « J’ai peur qu’on s’habitue à l’effort minimum. Qu’on nivelle par le bas. Qu’on troque le “je suis capable” contre le “je suis assisté” » … L’assistance n’est pas un instrument de capabilité, mais une aide si on en a besoin. N’est-on pas en train de faire croire aux plus jeunes qu’il n’existe que l’assistance pour atteindre des objectifs. Quelle valeur aura donc l’atteinte de ces objectifs ?

Mon expérience récente sur un VAE a été bonne “techniquement”. Ces vélos sont bien conçus et sont extrêmement utiles à ceux qui en ont besoin. J’ai déjà cité dans mes écrits précédents de nombreux cas qui me l’ont prouvé. Pour ma part, et peut-être parce que je fais du sport depuis longtemps, je constate que je ne ressens pas de plaisir sportif lors de mes expériences en VAE. Par contre, lorsque je rentre d’une sortie un peu appuyée avec mon single speed – sensiblement à la même moyenne qu’avec un VAE – je suis bien plus heureux. Sans être maso, il faut reconnaître que cette notion d’effort est gratifiante, c’est dommage que certains cèdent trop vite à la facilité. Après, on peut élargir la question à d’autres domaines en se demandant si nous ne sommes pas trop assistés ?

Patrick.

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Patrick
Patrick
Patrick Van Den Bossche a créé les blogs Running Café, Track & News, puis Bike Café. Curieux invétéré, dénicheur de tendances, il adore mettre en lumière les personnalités et les anonymes du petit monde du vélo. Il collabore régulièrement à la revue Cyclist France et affectionne les vieux vélos et la tendance "vintage". Depuis sa découverte du gravel bike en 2015, il s'adonne régulièrement à des sorties sur route et sur chemins autour de la Sainte-Victoire.

10 COMMENTAIRES

  1. Merci pour ce billet très juste !

    Je ne suis pas certain de la capacité à aller contre la loi du marché quand je vois que la majorité des touristes à l’île de Ré (point culminant : 19m !) louer des VAE !

    J’ajouterais que le VAE réduit aussi la capacité de chacun d’entretenir son véhicule : cest aussi une source de plaisir de réparer soi-même son vélo et c’est souvent beaucoup plus compliqué avec un VAE.

  2. Effectivement : des machines chères à l’achat et chères à maintenir en état. Pour certains, comme je l’explique dans cet édito, ce sera un moyen de continuer à faire du vélo. Pour d’autres la machine couteuse finira au fond du garage ou viendra s’additionner aux autres annonces de vente sur internet.

  3. Lorsque j’ai découvert hier qu’une station de recharge « trônait » au milieu de l’ascension du Parpaillon,cela m’a plongé dans une grande perplexité,la montagne étant pour moi une possibilité de dépassement de soi-même avec toute l’humilité nécessaire face aux éléments.Le recours à une aide électrique met-elle en péril ces valeurs ?

  4. Pour compléter la réflexion sur le sujet, j’ai eu une impression marquante lors de l’ascension du Ventoux cet été, le matin du passage du Tour de France : monter, c’est bien… mais descendre en sécurité, c’est mieux.

    J’y ai vu un nombre impressionnant de VAE dits “de ville” engagés dans l’ascension (pour certains accompagnés par un guide). Autant l’assistance électrique permet de grimper sans difficulté, autant la géométrie de ces vélos, la position et la maîtrise de leurs utilisateurs, et le dimensionnement de leurs freins ne me semblent pas du tout adaptés à une descente, même lente, sur de forts pourcentages.

    Peut-être que je me trompe, mais j’ai le sentiment que le développement du VAE amène en montagne certains cyclistes peu à l’aise, équipés de machines conçues pour un tout autre usage. Un peu comme si l’on partait randonner en claquettes : ça peut passer, mais ce n’est ni le plus sûr, ni le plus judicieux.

    • Effectivement cette banalisation que j’ai vu en montagne avec les risques pour les personnes et leurs sauveurs peut se répandre dans le vélo. Il est de la responsabilité des loueurs de les mettre en garde sur les limites d’usage des machines qu’ils proposent.

  5. Avant l’arrivée des VAE, j’entendais beaucoup de non-cyclistes dire “Moi ? Faire du vélo à Bordeaux, non, non, trop dangereux !!” et les VAE sont arrivés, et sont probablement devenus maintenant majoritaires à Bordeaux (où il y a eu une augmentation de 43% de la part modale du vélo depuis 2020 …). En fait, je vais dans le sens de cet édito, cette peur, ça ne serait pas plutôt une peur de l’effort ?

  6. Incroyable des VAE pour enfants ! J’en suis “baba”.

    Et pourtant je suis une cycliste assistée !
    Oui mes guimauves, pardon mes muscles, ne me permettent pas d’affronter des pourcentages supérieurs à 3 ou 4% (!!!) et encore faut pas que ce soit trop long, sinon j’enclenche l’assistance.
    Mais comme je viens de le dire, ou du moins de le sous-entendre, quand je roule c’est au bas mot 90% du temps avec le système électrique du VAE allumé mais l’assistance sur O, donc bien “sans assistance”. J’enclenche l’assistance uniquement quand mes guiboles n’ont pas assez de jus pour appuyer assez fort sur les pédales pour avancer.
    Mon but quand je fais du vélo, hormis les parcours utilitaires, est bien de faire de l’exercice physique (attention j’ai pas dit du “sport” c’est pas pareil).

    Du coup, quand je reviens d’une balade souvent je suis contente de moi car je n’ai utilisé l’assistance qu’à minima (là où justement elle m’assiste et non ne me remplace) et que du coup j’ai les cuissots un peu lourds des efforts produits.

    D’ailleurs c’est pas compliqué, dans les côtes malgré que je circule avec un VAE je suis aux alentours de 10 km/h (assistance niveau 2/5), je sue comme une dératée, j’ai le souffle accéléré (mais pas trop, vive l’assistance) et les muscles qui forcent (mais pas trop, vive l’assistance).

    Disons que pour moi l’effort c’est plusieurs couleurs :
    le vert c’est tranquille je peux continuer comme ça pendant des dizaines de kilomètres,
    le jaune ça tire mais je peux faire quelques km comme ça (moins de 10),
    le orange ça tire beaucoup c’est bon pour 100 ou 150 mètres à la suite et maxi 2 voir 3 fois dans une balade,
    et rouge c’est quand de toutes manières sans assistance je serais obligée de descendre du biclou,
    il y a aussi le noir, l’ultime, que j’ai expérimenté une fois ! J’ai cru crever ! Mes pulsations étaient à 151 (pire que l’Everest pour moi), j’ai failli faire une syncope et j’ai mis un bon moment à m’en remettre ! Une folie.

    En général je met l’assistance quand le orange arrive, ça me permet donc de continuer une balade qui serait sinon irrémédiablement écourtée,
    il peut m’arriver d’attendre le rouge si je sais que ce sera la seule difficulté du parcours dans ce cas j’essaie l’effort maximum mais c’est plus qu’exceptionnel,
    je suis ni maso ni suicidaire (ma meilleure amie est décédée d’un infarctus il y a juste deux ans…, elle avait 61 ans et était sportive, j’en ai 57 et n’ai jamais été sportive).

    Quand j’étais ado (j’ai appris à faire du vélo à 12 ans, problèmes d’équilibre tout ça quoi…) j’avais un demi-course avec des roues de 600 et 3 ridicules vitesses. Nous habitions à Saint Arnoult en Yvelines, (à 8 km de Dourdan et 15 km de Rambouillet), c’est vallonné dans ce coin-là. Certaines côtes m’étaient impossibles, j’étais toujours obligée de mettre pied à terre alors que mes 2 demi-frères (un 2 mois plus âgé que moi et l’autre 11 mois plus jeune) passaient ces “difficultés” comme des fleurs (alors que le plus âgé avait une randonneuse en 3 vitesses !), mais en fait à cette époque ce n’est pas une assistance électrique qu’il m’aurait fallu (c’était en 1980/1985) mais simplement 15 vitesses façon VTT (plateaux 24-34-44 et 14-28) et je pense que j’aurais probablement pu affronter la majorité des Everest qu’avec mes 3 vitesses je ne pouvais gravir, ça m’aurait permis assurément de renforcer ma musculature et d’y prendre du plaisir là où s’était une “punition”. Dommage.

    Donc en clair plutôt que de proposer une assistance aux marmots ou aux ados, donnez leur un vélo avec de bons développements, et faites les circuler autant que possible là où les dénivelés ne sont pas “punitifs” le temps de les habituer à un minimum d’effort et progressivement augmenter le rythme (en vitesse et en dénivelé) et tout ira bien.

    Évidemment il y aura toujours des enfants/ados chétifs/ves et pour iels un VAE pourrait s’envisager (encore que sur un parcours plat c’est sans intérêt), mais iels sont si peu nombreux qu’il n’y aurait pas de marché VAE enfants avec ces critères.

    De toutes manières il est impossible de faire entendre raison aux idiot-e-s et c’est ceux que ciblent ces vendeurs/constructeurs de VAE enfant, donc ça marchera (beaucoup j’en sais rien).

    Pour autant je pense que les idiots (à ce point du moins) ne sont qu’une minorité (heureusement) et donc que les enfants vont continuer à faire du vélo avec des biclous dit “musculaires”. CQFD

    • Oui tous les espoirs sont permis … Espérons que les VAE resteront exclus des J.O. pour commenter ce détail que je souligne dans cet édito.

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