
Notre petit vélo prend une place de choix dans le débat publique actuel et pourtant, c’est l’industrie automobile qui, à coup de campagnes publicitaires massives, occupe le terrain de la mobilité et continue de se développer, précise l’auteur. Les chiffres concernant les modes de déplacement nous ramènent à la réalité : 63,6 % pour la voiture et 2,6 % pour le vélo.
J’ai découvert le vélo dans les années 70 et 50 ans plus tard, il a, comme notre Monde, bien changé. Dans cette lecture, l’auteur m’entraine à revivre cette évolution de la société vue par le prisme du vélo. Lors de mes débuts à vélo, nos champions cyclistes étaient issus des milieux populaires, comme ceux qui l’utilisaient pour aller au boulot. Aujourd’hui, nos champions sont éduqués et entraînés scientifiquement et parlent plusieurs langues. Le vélo boulot s’appelle désormais le vélotaf. Dans le monde des affaires, le vélo est devenu le nouveau golf. Il est très chic de se retrouver pour rouler sur de belles machines autour de l’hippodrome de Longchamp. David Sayagh nous livre dans sa Sociologie du vélo une analyse très complète et riche de références bibliographiques qui détaillent cette évolution sociale mouvementée.
Après la période émergente du vélo lors de laquelle la bourgeoisie s’est entiché de la bicyclette, le vélo s’est démocratisé avec l’apparition de la compétition. Devenu entre les deux guerres un instrument de liberté du milieu ouvrier, les classes sociales élevées l’ont alors boudé au profit de la voiture. Par nécessité, lors de la guerre de 1940 et après, le vélo est devenu un moyen de transport utilitaire. Dans les années 60-70, période que j’ai connue, nous avons vu le développement sportif que l’on connait et qui alimente encore les nombreux ouvrages qui paraissent chaque année à la gloire des grands champions de cette période glorieuse : comme la “Poupou” nostagie ! À l’époque, aucun cadre d’entreprise n’aurait mis ses fesses sur une selle pour se rendre au bureau. La conscience écologique est venue plus tard dans les années 80 où l’on envisageait le vélo comme un moyen alternatif à notre mobilité. En 2000, le vélotaf est devenu populaire en milieu urbain auprès d’usagers soumis aux conséquences des grèves et aux affluences dans les transports en commun. On a vu naitre les expériences et enfin la généralisation dans les métropoles du vélo en libre-service. Pour finir et plus proche de nous, la période de confinement est venue amplifier un mouvement vers une appropriation plus large du vélo, faisant éclater les structures conventionnelles du vélo de l’ère avant Covid.

Le livre de de David Sayagh est la synthèse d’un travail de recherche basé sur de nombreuses publications citées en référence. Si l’on écarte les pages qui mentionnent ces références, il reste une centaine de pages pour lire le décryptage de cette sociologie du vélo. Je dois dire que je me suis perdu par moment dans cet imbroglio d’associations, de fédérations en essayant de comprendre ce puzzle dans lequel les pièces ont du mal à s’emboiter. L’auteur souligne effectivement une certaine complexification du système vélo en France depuis 2020. En fin observateur de notre monde actuel, David Sayagh pointe quelques absurdités sur le VAE, notamment sur l’usage qu’on en propose aux enfants : une dérive de plus dictée par une soumission déviante de la technologie que j’avais dénoncée dans un édito. Le mode de déplacement à vélo est valorisé, mais des freins se font jour : le vol, le danger, les conflits entre les modes de transports… Dans le monde sportif, la FFC affiche une perte de licence de 24% en 10 ans sur la route. L’image du champion s’effrite, mais d’autres disciplines progressent sur la même période comme le BMX ou le VTT Enduro.
Ce livre n’est pas un roman, même si le côté kafkaïen du monde de vélo pourrait être inspirant. Il s’agit d’un travail de sociologie pour mieux comprendre la place du vélo dans nos vies. Dans cette étude détaillée du système vélo, j’ai trouvé une source d’inspiration pour de futurs articles. Ce livre rejoint ma bibliothèque, je le resortirai souvent je pense.

Informations
| Titre | Sociologie du vélo | 
| Auteur(s) | David Sayagh | 
| Éditeur | Éditions La Découverte | 
| Site web éditeur | lien | 
| Nombre de pages | 128 | 
| ISBN | 9782348081804 | 
| Date de publication | 02/10/2025 | 
| Prix TTC | 11 € | 
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Pitch de l’éditeur
À la croisée de défis écologiques, sanitaires et économiques, le vélo occupe aujourd’hui une place centrale dans le débat public. Ses enjeux sociaux restent pourtant méconnus ou négligés. Comment les différentes pratiques et significations du vélo sont-elles reliées ? Dans quelle mesure sont-elles influencées par les inégalités qui traversent la société tout en contribuant à les façonner ?
Après avoir montré comment le vélo est à la fois révélateur et moteur des transformations sociales, cet ouvrage explore la complexité des imbrications entre les multiples formes de pratiques. Il explicite ensuite en quoi ces dernières sont socialement situées et influencées par la famille, les pairs, les objets, les sports, les médias, les institutions, les religions et les territoires. Tout en analysant comment les pratiques participent à (re)produire les rapports de pouvoir, il montre dans quelle mesure elles reposent et agissent sur les rapports au corps, au sport, à la santé, à l’espace, au temps, à la mobilité et à l’écologie.
À propos de l’auteur
David Sayagh est sociologue, maître de conférences à l’université Paris-Saclay et membre de l’équipe Corps, sport, genre et rapports de pouvoir du CIAMS (Complexité, Innovation, Activités Motrices et Sportives), . Depuis sa thèse sur les socialisations cyclistes durant l’adolescence, il mène des recherches sociologiques consacrées au vélo.




Nous vivons une époque formidable. Beaucoup se plaignent des “temps devenus difficiles”, et pourtant notre pays peut se permettre de payer des personnes à faire de telles études, à les publier pour entretenir notre compréhension de notre univers et, on l’espère, à faire que demain soit plus agréable à vivre.
C’est très bien. Super, même. J’adore comprendre mon environnement. Mais je pense qu’il faut quand même être conscient qu’une société qui permet cela est une société opulente, gâtée. Que l’argent permettant de payer tous ces chercheurs doit bien venir de quelque part, c’est à dire du travail d’autres personnes, de clients qui achètent ce qui est produit, d’une partie du revenu de ces personnes qui travaillent et des profits des entreprises qui les emploient prélevés sous forme d’impôt.
Mon Dieu, faites que l’évolution du monde nous permet de conserver cette capacité à produire, vendre et dégager assez de marge dans le secteur marchand pour que des auteurs comme David Sayagh puissent continuer à nous instruire et, au-delà, à aider à la construction d’une société équilibrée, apaisée et pérenne.
C’est pas gagné. Il n’y a qu’à regarder dans d’autres parties du monde pour se rendre compte que nous vivons en Europe dans un monde extraordinaire mais qui ne pourra pas perdurer sans une sérieuse prise de conscience sur ce qu’il y aura à faire pour que nous puissions faire perdurer notre système si généreux. Je doute que la prière soit suffisante…