24, 26, 28, 32, 35 : il ne s’agit pas d’un étagement de cassette, encore moins du nombre de rayures sur les combinaisons des frères Dalton, mais de la subtile déclinaison de diamètres du Pirelli Cinturato Velo pour un usage “all roads”, c’est à dire entre route et gravel, sur tous types de vélos. Serait-ce le casse du siècle, Monsieur Pirelli ? Voudriez-vous dire qu’il suffit d’équiper sa monture du Cinturato adapté, pour sortir de nos itinéraires rituels du dimanche, pour pouvoir allonger les distances en gagnant en confort et en fiabilité ? Diantre, je suis bien curieux d’aller vérifier cette proposition malhonnête sur le terrain…
La famille
“Cinturato”… ça sonne comme le sobriquet d’un parrain de Cosa Nostra. On se laisse facilement aller à traduire par “ceinturé” en français, mais je lui préfère, après avoir testé le bandit, l’adjectif “gainé”, plus sportif, plus pertinent au sujet d’un pneu… qui n’a pas de bouée, mais qui au contraire possède des abdos hors du commun. Sur un vélo de route, on montera donc du 26 ou du 28, pour peu que les passages de roue nous le permette ; on pourra alors sortir du bitume pour aller jeter un œil de l’autre côté du fossé.
Sur un vélo de gravel, on posera du 32 ou du 35mm, pour réduire la bande de roulement, gagner en vitesse et aller se frotter à des terrains plus rapides que le gravier, dirt roads, routes de campagne ou de montagne, et pourquoi pas, allonger notablement les distances. Je décide donc d’équiper mon pignon fixe Raleigh Competition GS “route longue distance” du modèle en 28mm avec chambres à air, et mon Cinelli Tutto “mi-fixe mi-gravel” de la version en 32 montée en tubeless.
Pourquoi deux montages et deux vélos pour un seul test ? Parce que si ce pneu est polyvalent, il faut pouvoir le vérifier dans des configurations et des pratiques assez différentes. Pourquoi sur pignons fixes ? Parce que ça sollicite beaucoup plus les pneus que les roues libres, donc ça me permettra de pousser les frères Cinturato dans leurs derniers retranchements. Sur plus de mille kilomètres, comme pour tout bon test de pneus qui se respecte, allons traîner avec les Cinturato dans les bas-fonds, la fange et la luxure. Même pas peur…
Libérez Cinturato !
Au sortir de la boîte, le pneu brille et sa surface, à l’œil et au toucher, n’évoque pas vraiment le caoutchouc. Mais ce n’est pas du toc, c’est du sérieux, on a affaire à un matériau novateur, léger, qui me fait penser tout de suite à quelque chose de minéral et cristallin, entre silice et mica. Le pneu est fabriqué en France, et cela n’est pas pour nous déplaire.
Pendant que je monte les 28c (avec chambres) sur mon pignon fixe Raleigh, Frédéric Paulet de Cévènavélo s’occupe du montage tubeless des versions en 32mm pour un tout nouveau projet, un Cinelli Tutto que je consacre à l’usage – un peu particulier je l’avoue – de la pratique du gravel en pignon fixe.
Entre les mains expertes de Fred, le Cinturato en 32c n’oppose pas la moindre résistance lors du montage tubeless. Première surprise : Le pneu annoncé à 32c fait 28mm de large sur sa jante DT Swiss R460, exactement la même largeur que le 28c que je viens de monter sur mes jantes HplusSon Archetype ! Mais après quelques sorties sur des routes bien défoncées, le pneu de 32 se sera enfin détendu et affichera sa largeur nominale. Le 28mm lui, a gardé ses dimensions annoncées, du montage à la fin du test. Est-ce dû au montage avec chambre, à son diamètre inférieur ou aux jantes différentes ? Je ne saurais répondre à cette question.
Cinturato, le touche-à-tout
Très vite, dès les premiers essais, je comprends que j’ai affaire à un pneu qui adhère bien, quelque soient les conditions. Sur terrain sec et poussiéreux, dans les graviers sur route mouillée, sur terre battue ou grasse, il fait le job. Avec trois limitations tout de même : D’abord, ce n’est pas un pneu très rapide sur route lisse et sèche, mais il n’est pas vendu pour ça. Ensuite, il perd de l’adhérence dans le gras, mais sans aucun bourrage : normal, c’est un pneu lisse ! Enfin, il faut se méfier lors des virages serrés dans les graviers car il n’y a pas de crampons latéraux pour rattraper les dérapages.
Ces limitations sont tout à fait normales au vu des caractéristiques du pneu, rien qui ne décourage d’aller explorer les chemins de traverse, dès qu’une intersection se présente. En changeant constamment de surface, je m’amuse à teinter le pneu sur toute la palette de couleurs des sols qu’il est amené à rouler. Le blanc du calcaire de la piste entre les oliviers, le brun-rouge de la terre chargée de bauxite des Alpilles, le noir de l’eau sur le goudron de la route.
Un dur au cœur tendre
“Duro fuori, morbido dentro” (dur à l’extérieur, moelleux à l’intérieur) serait le slogan approprié pour ce pneu quasi-increvable et extrêmement confortable, pourvu qu’on le monte en tubeless. Avec chambre, on reste bien sûr exposé aux risque de pincements, que le Cinturato n’évite pas toujours, surtout si on le gonfle en dessous des pressions préconisées pour gagner en confort, comme je l’ai appris à mes dépends à l’occasion du test du Merida Silex au printemps dernier. Et pour être franc, avec chambre ce pneu est bon, mais pas plus intéressant que beaucoup d’autres excellents modèles proposés par la concurrence, chez Schwalbe notamment.
En tubeless par contre, on est proche, à mon avis, du pneu polyvalent idéal, tant on peut descendre en pression sans risque de décrochages intempestifs, même en virages serrés sur route. On pourrait penser que sa “ceinture” latérale rende le Cinturato rigide, mais au contraire, grâce à elle on peut descendre le pneu bien en dessous des gonflages préconisés. En posant dessus mes 64kg de cycliste, je me surprend à rouler le 32mm à 2,5 bars (au lieu de 3), le 28mm à 4 bars (au lieu de 5)… On est là très proche de la sensation d’extase que procure un bon boyau. Les très basses pressions permettrons aussi de faire accrocher ce pneu slick dans des conditions gravel plus perturbées : racines, pierres, terre meuble, le pneu se défend pas mal, même sans crampons. Attention toutefois aux virages serrés dans les graviers, ici le slick ne fera pas de miracle, même à basse pression.
Savoir durer
Après plus de mille kilomètres avec les deux vélos (et donc deux sections et montages différents), je ne constate pas de blessures inquiétantes sur les bandes de roulement ou sur les flancs des pneumatiques si bien ceinturés. Le 28mm, qui a roulé majoritairement sur le bitume, montre une bande de roulement peut-être un peu plus aplatie ; le 32 montre une surface plus poreuse. Dans les deux cas, ce sont les conséquences normales des outrages du temps et de la distance sur des pneus à la gomme relativement tendre.
Sûreté
Le terrain de prédilection du Cinturato reste les “dirt roads”, sèches ou mouillées, qui sont toujours désagréables pour les cyclistes sur route, et pas les plus empruntées en gravel. Sur ces itinéraires “entre-deux”, improbables et piégeux, je n’ai jamais senti de perte d’adhérence, même pendant ou après la pluie. Sur des freinages brutaux que le pignon fixe permet par la combinaison du freinage et de l’arrêt du pédalage, certes, le pneu glisse, mais le vélo reste parfaitement en ligne. Voilà le pneumatique idéal pour aller rouler là où ça ne se fait pas. De beaux et nouveaux itinéraires en perspective…
Le Cinturato, ce bandit hors-la-loi
Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce Cinturato Velo. Pirelli propose ici un pneu inclassable qui fait voler en éclat les conventions en permettant aux cyclistes de sauter de la route à la piste et de la piste à la route, en toute légèreté et en toute irresponsabilité. Un scandale pour les pisse-froid, les intégristes et les gardiens du temple, un bonheur pour les amoureux du vélo alternatif : gravel, voyage, endurance, vélotaf, allroad …
Le Cinturato est le parfait alibi pour chercher des itinéraires improbables ou imprévus, ce qui promet de joyeuses pérégrinations, proche des quêtes aventureuses qui ont marqué notre enfance. La déclinaison de diamètres très proches les uns des autres permettra des usages extrêmement variés, du 24 (qu’on réservera aux entraînements route d’hiver), en passant par le 26 et le 28 (pour encanailler son vélo de route), jusqu’aux 32 et 35 (pour booster son gravel). On peut aussi imaginer des montages avec des diamètres différents (plus fin à l’arrière pour la motricité et plus gros à l’avant pour le confort), voire en l’associant avec un autre type de pneu. Attention néanmoins, le pneu idéal n’existe pas, et ceux qui voudront un rendement optimum sur la route ou, à l’opposé, un pneu accrocheur en virage dans les graviers devront s’orienter vers des pneus plus spécialisés.
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J’utilise la version route que tu présentes et je l’ai choisie en 35c. Suite à des difficultés pour fiabiliser l’étanchéité de mes valves tubeless, j’ai monté ces pneus avec des chambres à air light de marque zip. Pour une utilisation Route, Gravel modéré et Bikepacking, je les gonfle à 40 psi AV et 45 psi AR (je pèse 79 kg). Après plus de 1000 km je n’ai subi aucune crevaison et aucune perte d’adhérence. Leur rendement est parfait, leur confort en montage tubetype est correct et l’usure est modérée. Ils sont vraiment taillés pour l’aventure, merci Dan de me les avoir conseillés.
Jolie test. Pneu intéressant en tant que pneu à tout faire. Néanmoins un chouilla cher comparativement à certains pneus comme les Hutchinson fusion 5 en 28 (pas de taille plus grande chez hutch … Dommage).
Dans une de vos phrases vous dites que le pneu est versatile mais versatile est un faux amis, il veut dire changeant. Polyvalent aurait été plus approprié je pense.
A+
Bonjour Rémyt,
Effectivement entre les sections de 28 et 32 on change clairement de catégorie, la différence de comportement et d’usage est énorme. Merci pour la précision sur l’adjectif versatile, je m’en vais corriger ça immédiatement.
Je pense me prendre pour cette été ce pneu, mais je ne sais pas quoi prendre entre le 32 et le 35.
À mon avis, si le poids du cycliste + packing < 80kg prenez 32, si plus prenez 35
Bonjour,
Joli test !
Juste pour savoir, après les 1000kms la largeur des pneus, si le 28mm fait toujours 28mm.
Merci !
Bonjour !
Malheureusement je n’ai plus les moyens de vérifier de façon formelle (le test date d’il y a deux ans). Même si je peux dire que ces pneus sont structurellement très solides et stables, je ne peux vous répondre plus précisément.
Salut,
Quand tu dis pas très rapide sur route sèche, tu entends quoi ?
Merci
J’ai ces pneus montés sur ma paire de roues de route pour mon gravel. Il me sert principalement pour le vélotaf et quelque sorties route. C’est un excellent pneu si on cherche avant tout un pneus fiable, par là j’entend une bonne resistance à la creuvaison, durable, avec du grip. Sans partir dans les extrêmes et garder un poids contenus et un rendement correcte. Très bon pneus pour les cyclotouristes et vélotafeurs.