Comme dans d’autres domaines, le marché du vélo n’échappe pas aux bouleversements économiques. Les causes de ces transformations, liées à la mondialisation de notre monde devenu numérique et connecté, sont nombreuses. L’usage du vélo a évolué dans le temps et, aujourd’hui, il part à la reconquête d’une nouvelle place dans nos moyens de transport. Au départ, c’était un moyen pratique pour se déplacer. Puis, au moment de l’apparition des “congés payés”, le vélo est devenu un moyen pour voyager, faire du sport, mais aussi pour paraître et se singulariser.
L’utilisation du vélo connaît actuellement une certaine reprise en France, où l’on “remet en selle” ce moyen de transport alternatif à la voiture … On est encore loin des chiffres d’utilisation de nos amis allemands et, pour éviter de nous faire mal, on ne parlera pas de ceux des Pays-Bas. La France autrefois “terre de vélo” et berceau de nombreuses marques de cycles, a baissé les bras dans les années 70 – 80 face à l’automobile reine.
“Aujourd’hui 1,5 millions de vélos partent chaque année en déchetterie … 7 sur 10 sont réparables … “
Autrefois il existait un réseau de vélocistes réparateurs, même dans nos campagnes les plus reculées. Ils savaient faire à peu près tout, du simple changement de câble de frein, à la remise en état d’une roue voilée. Aujourd’hui, la vente de vélos se fait dans la grande “distrib”, dans de belles boutiques, ou encore sur le web … mais qui les répare ensuite ? Qui également se chargera de nos vénérables ancêtres condamnés par l’obsolescence de leurs pièces détachées ? Qui pourra réparer le vélo “chinois” acheté chez Carrefour ? La réponse sera souvent l’oubli de votre bécane dans un recoin de cave ou de garage, avant un futur exil dans un convoi d’encombrants, le jour où vous aurez besoin de faire le ménage.
L’évolution du marché à tué les derniers “survivants” de la grande époque. Ils ont un à un fermé boutique, bradé leur stock de pièces, revendu l’outillage pour tarauder, monter les roues, monter et démonter tous les standards créés alors par pléthore de marques.
Lorsque vous entrez aujourd’hui dans un magasin “moderne” pour faire réparer votre vélo, vous ne serez pas le bienvenu si vous ne l’avez pas acheté là. Et, si on daigne le prendre en réparation, il vous faudra casser votre tirelire pour faire remettre en état un vieux clou, qui souvent coûte moins cher que le montant du devis de la réparation … La plupart du temps votre tentative de dépannage se transformera en vente car on vous dira que votre roue est foutue, que votre pédalier n’existe plus, … bref qu’il faut acheter du neuf. “Aujourd’hui 1,5 millions de vélos partent chaque année en déchetterie … 7 sur 10 sont facilement réparables … ” déclare Céline Noël, la Directrice de la Bécane à Jules, le célèbre atelier participatif de Dijon.
Heureusement il existe des solutions alternatives à cette tendance du “tout jetable” et de l’obsolescence plus ou moins programmée. Nous en avons trouvé 3 pour illustrer ce sujet qui devrait vous inciter à ne pas jeter vos vieux “biclous”. Il y en a certainement plein d’autres, mais celles-cileur éviteront à coup sûr de prendre le chemin de la déchetterie.
- Le vélociste à l’ancienne … Il n’est pas loin de chez vous. Directement menacé par le marché de masse, il “jongle” pour payer son “pas de porte” et les taxes … C’est une race en voie de disparition, et si vous en avez un près de chez vous faites-le travailler pour qu’il puisse survivre.
- Le mécano qui vient à vous … Auto-entreprise ou micro société … Certains n’hésitent pas à venir à vous ou à vous proposer un point de rendez-vous pour prendre en charge votre vélo à réparer.
- L’atelier participatif … On en dénombre près de 150 en France qui reçoivent environ 50 000 adhérents. Ils vous accueillent, vous encadrent et vous pouvez sur place trouver les outils et les conseils. Ils sont également créateurs d’emplois grâce aux bénéfices perçus par la revente de vélos “recyclés”.
Voir le site https://www.heureux-cyclage.org/ pour découvrir ce mouvement qui prend de l’ampleur.
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À vous de jouer !
Le vélociste “à l’ancienne”
Si vous cherchez bien il reste encore par ci par là quelques vélocistes qui résistent face aux grandes surfaces. Ce sont les derniers “grognards”, rescapés de la guerre inégale du “petit commerce” face à la “grande distribution” … Certains ont courbé l’échine pendant la crise du vélo et aujourd’hui ils reprennent un peu d’oxygène avec un usage du vélo qui se développe. Ils peuvent réparer “toutes marques et tous âges” pour remettre sur le bitume de nos villes des vélos révisés.
Des “boutiques tendances” sont nées sur ce concept d’opposition et fonctionnent plutôt bien dans les grandes villes. C’est plus difficile dans les villes moins importante où la voiture reste le moyen de transport privilégié.
Nous avons rencontré à Aix-en-Provence Arnaud, qui tient boutique à deux pas du centre ville. Son enseigne s’appelle “Aixprit Vélo” … Il faut bien lire : “Aixprit” et pas “Aixprix” … car en effet, les réparations sont faites dans les règles de l’art, et à des prix abordables.
Si vous entrez dans la boutique avec un vieux “clou”, Arnaud ne vous regardera pas de travers, et il vous dira si votre vieux vélo peut encore rouler. Son activité principale est la réparation, mais il fait également de la vente de pièces neuves et d’accessoires pour ceux qui veulent bricoler eux-mêmes. Il propose également de la location, et anime des promenades à vélos sur des circuits pittoresques des vignobles autour de la Sainte-Victoire.
L’homme est jovial et compétent, cela fait 10 ans qu’il développe cette activité qui progresse gentiment portée par l’air du temps et le retour de la mode du vélo. Dans son magasin trône une belle contrebasse car Arnaud est musicien de Jazz et lorsqu’il ne joue pas de la clé à molette il fait bouger ses doigts sur les 4 grosses cordes d’acier de son instrument.
Son prochain projet est d’exploiter le sous-sol total de son magasin pour y stocker ses vélos de location et pour y aménager un studio de répet pour jouer avec son groupe. Voilà une bonne adresse à retenir, et si vous passez à Aix venez louer un vélo et allez vous balader avec Arnaud … Et si vous voulez faire réparer votre vélo venez le voir vous passerez un moment moins impersonnel que dans un magasin de concessionnaire.
Voir infos sur le site d’Aixprit Vélo
Un mécano qui vient à vous …
Après une prise de rendez-vous par téléphone ces “Ghost busters” de l’arrache moyeu viendront à vous pour chasser les démons qui hantent votre vieille bécane. Nous en avons rencontré deux et si le principe est le même leurs moyens sont sensiblement différents …
L’atelier volant
Il vole à votre secours … Enfin … il vole, façon de parler, car son “vélo cargo” limite à la fois son rayon d’action et sa vitesse de déplacement. Cet ancien infographiste, qui autrefois travaillait dans le domaine de l’automobile, s’est construit un “métier passion”. Il a découvert la réparation itinérante lors de ses voyages à vélo aux USA mais également en Nouvelle-Zélande dans les pays scandinaves et en Belgique. En 2014 il se lance et créé l’Atelier Volant. Son moyen d’intervention : un vélo cargo, limite son activité à un périmètre raisonnable d’une quinzaine de kilomètres autour de chez lui à Maisons Laffite.
En se déplaçant ainsi chez ses “clients” Philippe devient souvent leur confident et une simple réparation peut devenir un échange passionnant sur le vélo.
La réparation n’est pas la seule activité de ce passionné qui aime également y associer son goût artistique. Il créé des vélos “à la carte” pour des passionnés en récupérant de belles pièces anciennes et en décorant des cadres grâce à ses talents d’infographiste. C’est d’ailleurs cette activité passionnante qui est devenue son axe de développement. Il va à la rencontre d’une nouvelle clientèle qui recherche le vélo “pas comme tout le monde”. En fouinant il découvre par ci par là des vélos singuliers auxquels il redonne une seconde vie avec parfois plus de caractère qu’ils n’en avaient à leur naissance.
Voir également l’article consacré à l’atelier volant sur le site de Vélo Vert …
Le Triporteur
Il vous donne “rencart” le matin à la gare du RER … ou sur un marché. Nous avons rencontré Charles le créateur de cette entreprise sur le marché de Versailles où il accueille régulièrement les possesseurs de vieux vélos.
Son fonctionnement est simple : un atelier mobile avec un stock de pièces pour tous types de vélos. Il effectue sa tournée régulière dans les gares, mais aussi vers les collectivités, les CE, les campings, les parcs de locations de vélos, … Son rayon d’action se limite à l’Ile-de-France (sauf cas exceptionnel avec une étude de dossier préliminaire).
Il arrive très tôt le matin pour prendre en charge les bécanes à réparer et pendant que vous vaquez à vos occupations, il répare à l’aide du stock de pièces qu’il possède dans sa remorque. Le principe est simple et efficace … une fois notre marché terminé, ou le soir au retour du boulot, vous récupérez votre vélo. Les tarifs sont très abordables : changement d’une chambre à air avec fourniture de la chambre : 12 €. Pas de “pas de porte” pour ce commerce mais une redevance au mètre carré auprès du placier sur le marché. Un service d’ultra proximité qui est très malin …
En savoir plus : http://www.letriporteur.org/
Les “ateliers participatifs”
À Aix-en-Provence
L’ADVA Pays d’Aix s’est installée dans un local du quartier populaire d’Encagnane. François Kermarc le responsable de l’association nous y accueille. Ce breton venu s’installer à Aix-en-Provence depuis de nombreuses années anime avec conviction au sein de l’ADVA de nombreuses initiatives pour que le vélo retrouve sa place dans la cité. Ce n’est pas chose simple en PACA, “royaume de la voiture” … Il encourage par une “école du vélo” la pratique du vélo en milieu urbain. Ces cours sont destinés à certains adultes qui n’ont pas fait de vélo depuis longtemps, ou même à ceux qui n’en ont jamais fait. Par son action militante l’ADVA a obtenu de la ville d’Aix, la mise à disposition d’un local permettant aux usagers SNCF de garer leurs vélos près de la gare.
Avec ses moustaches dignes de celles d’un coureur cycliste des années 1900, et son oeil bleu océan, il me dit être très confiant sur le développement de ce mode de transport alternatif malgré un contexte local difficile … Ici ce n’est pas plat, les automobilistes sont nombreux et ils ont le “sang chaud”, l’urbanisme n’a pas pris en compte la circulation des vélos … Il faut donc se faire une place. L’atelier participatif visant à la réhabilitation d’un parc de vélos “abandonnés” va aider le vélo à reprendre son droit de cité. François imagine notamment instaurer un comptage des vélos en ville, pour en mesurer la progression et agir ainsi vers les institutions en charge de l’aménagement des équipements publics.
À Dijon
“La Bécane à Jules” est avant tout un atelier d’auto-réparation de vélos : un endroit où les vélos viennent se faire bichonner, panser leurs plaies ou chercher une seconde jeunesse. Mais, au-delà de la simple réparation de vélos, les objectifs de l’atelier sont multiples : le réemploi des vélos abandonnés, la promotion et l’aide à l’utilisation du vélo en ville. Un seul mot d’ordre résume ses activités : accroître, améliorer et faciliter l’accès au vélo pour tous.
Pour illustrer le sujet voici l’interview réalisée à Dijon par Laurent Berthault pour RFI (Accents d’Europe) en septembre 2015.
Pour conclure
Les solutions alternatives existent … Si vous voulez sauver de la ruine votre vieux vélo, à vous de les trouver dans vos villes ou dans vos quartiers. Autre avantage par rapport aux dépannages réalisés en “grande distrib” vous aurez affaire à de “vraies personnalités”. Des gens qui ne vous regarderont pas de travers si votre vélo n’est pas le top du top. Ils prendront le temps de parler et d’échanger avec vous tout en assurant au mieux vos réparations pour un coût raisonnable. Par ailleurs le réseau des ateliers participatifs, qui se développe formidablement, est une excellente solution pour vous rendre autonome afin d’assurer l’entretien usuel de votre vélo. Le prêt des outils spéciaux et les conseils sur place feront de vous un mécano pour qui le remplacement des patins de frein, le changement d’une chaîne, la réparation d’un pneu crevé, … n’auront plus de secret.
Si vous voulez quand même vous débarrasser d’un vieux vélo, renseignez-vous ces ateliers les récupèrent, les réparent, les mettent en vente, … cela finance le coût des locaux et les salaires des mécanos permanents.
super vos articles ,continuer à ne pas etre trop interresse par l’argent .Le velo c’est mieux .
Rendez visite à Lyon à Didier Poujade 16 Rue du Manteau Jaune, 69005 Lyon (ex Cycles Millot). Un vélociste “à l’ancienne”. J’ai autant de plaisir à lui rendre visite qu’à lui faire réparer ou réviser mes modestes vélos.
Une belle initiative à Parthenay (79): un ancien vélociste à la retraite récupère les vieux vélos, les bricole et les revend à bas prix au profit d’une association pour le don d’organes (asso re-cycles).
Très bel article. Merci de l’avoir ressorti !
Super article Patrick !!!
Bonjour Patrick, A Orléans c est 1Ter action, à Perpignan la Casa Bicicleta mais la philosophie est identique. Bravo pour ces articles …..bravo aussi pour le Nouveau velo, il est sympa ton père Noel. Bonnes fêtes à toute l’équipe.