Lorsque l’on parle de pignon fixe on pense immédiatement “fixie”, ces vélos urbains qui sillonnent nos villes pilotés par des cyclistes un peu cascadeurs. On pense également aux furieux « combattants » qui participent à des critériums organisés sur des circuits urbains comme le Red Hook Crit. On n’imagine pas que le pignon fixe, qui était autrefois l’unique transmission des vélos de course, retrouve actuellement une nouvelle jeunesse. Une petite communauté de cyclistes, amoureux des longues distances, a choisi ce type de vélo pour vivre intensément leurs périples à vélo.
L’acier : une valeur sûre
Certains de ces cyclistes remettent au goût du jour d’anciens vélos qu’ils adaptent pour en faire des machines à avaler les kilomètres. Cela passe par des transformations et des adaptations, car pour rouler longtemps sur un pignon fixe il faut penser confort et réfléchir au choix des braquets. Rien de tel que d’anciens vélos en acier qui ont les qualités requises et qui permettent de réaliser facilement des modifications structurelles.
Sur Bike Café nous vous avons déjà proposé quelques articles sur la “conversion” de cadres anciens pour en faire des vélos “fixies”. Cette fois, nous vous présentons une superbe transformation imaginée par le propriétaire du vélo : Dan de Rosilles, qui a été finalisée par l’atelier des cycles Caminade à l’Ille-sur-Têt.
“L’acier est un matériau intéressant pour un vélo destiné à la longue distance et une pratique “all-road”. C’est un matériau plus souple que l’aluminium ou le carbone, plus confortable. Certes, le vélo perd en rendement du fait de sa souplesse latérale mais il est vivant, conciliant ; il rend ce qu’on lui donne, il conserve la mémoire du cycliste.” nous précise Dan. Il poursuit en nous parlant de son vélo “J’ai trouvé ce vélo Raleigh Compétition GS de 1979 parmi un tas de cadres qui avaient été donnés à l’association Convibicy à Arles. Il est en acier mais ses tubes en Reynolds 531 sont fins et le cadre est très léger. Il me convenait parfaitement grâce à sa géométrie allongée, qui le rend très confortable “en ligne”, et au passage de la roue arrière qui laisse de la place entre le pneu et le tube vertical.“
Plusieurs étapes pour le projet
Un premier montage avec une roue arrière “à la carte” (moyeu BLB King “flip-flop” qui permet de monter un pignon fixe de taille différente de chaque côté de la roue) et une jante H Plus Son Archetype transforme cet ancien vélo de route en vélo à pignon fixe. Mais il y a encore du travail pour en faire une machine adaptée à la longue distance : il n’y a pas d’inserts sur le cadre pour fixer des porte-bidons, le câble de frein arrière qui court sur le top tube, perturbe l’installation de sacoches de cadre de type “bikepacking”, et l’entraxe de roue arrière de 125 mm oblige à ajouter des entretoises sur le moyeu arrière (l’entraxe des roues à pignon fixe étant de 120 mm) ce qui est gênant pour retourner la roue rapidement. Mais dans l’urgence Dan s’en sert en l’état, installe des prolongateurs sur le cintre et des colliers en caoutchouc pour fixer les porte-bidons.
Dès que l’occasion se présente, quelques mois plus tard, et après avoir bien pris la mesure des modifications à apporter, Dan confie le vélo à l’atelier des Cycles Caminade à Ille-Sur-Têt pour des modifications de la structure du cadre.
Le cahier des charges soumis à Caminade est le suivant :
- Passage de gaine de frein arrière dans le top tube.
- Inserts pour porte-bidons soudés sur le cadre, 2X2 à l’intérieur du cadre (tube de selle et tube diagonal) mais suffisamment bas pour laisser en haut du triangle la place pour des sacoches de bikepacking, 1X2 sous le tube diagonal pour un bidon porte-outils.
- Des pattes arrières de piste (ouvertes vers l’arrière) plus pratiques et plus sûres pour la tension de chaîne et le retournement de la roue, assez longues pour avoir le débattement nécessaire à l’écart de 5 dents qui existe entre le petit pignon et le gros pignon de l’autre côté de la roue.
- Peinture la plus solide possible.
Brice Épailly, co-fondateur et ingénieur-concepteur de Caminade Cycles a calculé le débattement nécessaire pour que la tension de chaîne soit possible avec les deux pignons.
Ce sont des pattes Surly à demi-coquilles qui ont été choisies pour leur longueur et leur forme, qui permettra de les souder au TIG sur la base des pattes d’origine. Ce montage aura l’avantage également de réduire l’entraxe de 125 mm à 120 mm et de donner un peu plus de rigidité latérale au vélo.
Les inserts sont réalisés sans difficulté et de magnifiques passages de gaines sont brasés avant peinture.
La peinture est réalisée dans la toute nouvelle cabine des ateliers Caminade. Elle est extrêmement solide grâce au procédé de “powder coating”. Sa couleur gris titane métallisé a été choisie par Dan pour sa résistance aux rayures et son côté intemporel, à la fois sévère, industriel, adaptée selon lui à un vélo conçu pour des épreuves dures. Il ajoute ” Elle n’est pas sans rappeler les couleurs des objets design du Bahaus dans les années 30” .
La preuve sur le terrain
Depuis la transformation le vélo a été mis à l’épreuve et a fait merveille sur la récente Pirinexus (cf. l’article de Dan), mais aussi plus récemment sur un éprouvant Tour de la Camargue avec Arles Gravel et une triple ascension du Mont Ventoux.
“Je sais maintenant que je peux avoir une confiance absolue en ce vélo et ses attributs, il pourrait m’amener au bout du monde …” nous confie Dan, très satisfait de ce projet extrêmement personnalisé.
Mais n’y a-t-il pas encore des choses qui pourraient être améliorées ? Oui nous dit Dan, “Un jeu de direction avec un roulement étanche, car en gravel c’est une zone qui se salit beaucoup“. C’est Pascal Colomb de Ultime Bike (https://www.ultimebike.com/) à Avignon qui lui a trouvé la perle rare, car les dimensions spéciales du tube de direction et de la tête de fourche n’acceptent pas n’importe quel jeu de direction.
Quelques mois et quelques milliers de kilomètres plus tard, Dan n’a qu’un seul regret : “Malheureusement il n’existe pas sur le marché de moyeux flip-flop proposant un système à cannelures des deux côtés. Avec le système traditionnel à vis, sur ces vélos qui font énormément de kilomètres et qui subissent des sollicitations extrêmes les transmissions sont mises à rude épreuve. Petit à petit le pignon “tape” au fond du pas de vis et le moyeu se détériore. Les cycles Victoire ont un système de moyeux sur cannelures, ce qui l’empêche de prendre du jeu, mais le moyeu n’est équipé que d’un seul côté. Il y a aussi un moyeu à cannelures flip-flop chez White Industry mais de l’autre côté il est à vis ! … Sans même chercher, dans mon réseau d’amis, nous sommes déjà une bonne dizaine de cyclistes à pignon fixe à rêver d’un tel moyeu. Nous avons sollicité les cycles Victoire mais nous avons essuyé un refus – non argumenté … C’est dommage, c’est sans doute une micro-niche mais il y aurait une place à prendre dans le cœur (et sur la roue arrière) des cyclistes longue distance à pignon fixe, et ce sont eux qui écrivent les pages les plus mythiques de l’aventure à vélo aujourd’hui… Et on sait bien que le rêve et l’aventure font vendre de nos jours.“
À bon entendeur salut … Un fabricant intéressé, les autres cyclistes ? … Sachant que des sociétés comme ACSE par exemple peuvent réaliser ces moyeux mais il faut du volume pour obtenir un prix décent. Si vous êtes intéressés par une commande groupée réagissez sur les commentaires et la rédaction transmettra à Dan votre message.