Quand on évoque les prolongateurs de guidon on pense immédiatement au triathlon. Ces accessoires, à l’esthétique discutable sur un vélo, sont arrivés dans le tri en 1987. Ils sont devenus rapidement symboliques de la discipline. Pourtant les origines viendraient de la course d’endurance. C’est Richard Bryne (le fondateur de Speedplay) qui les a conçus en 1984 pour Jim Elliott qui les a utilisés cette année là dans Course Across America. Aujourd’hui, à l’instar du regretté Mike Hall (photo ci-dessus), les cyclistes au long cours ne peuvent plus s’en passer. Les prolongateurs, un peu délaissés par les tri-athlètes depuis que le “Drafting” est autorisé, reviennent en force dans leur milieu d’origine.
Compagnons des longues distances
Il suffit de regarder le teaser du film “Inspired to ride” pour constater que ces prolongateurs fleurissent sur les guidons des “ultra bikers”. Le grand Mike Hall nous montre dans cette image de début du film une position parfaite sur le vélo. Les coudes bien posés sur les supports et les mains relâchées serrant les parties inclinées de l’objet. Les freins restent rapidement accessibles. Le cycliste alternera différentes positions. Dans les passages urbains et délicats les mains reviennent naturellement sur les cocottes. Une bonne position sur les prolongateurs permettra de soulager les bras principalement au niveau des triceps. Le confort, apporté par la variété des points d’appuis, deviendra sur la distance un critère important de la performance.
L’usage des prolongateurs nécessite de maîtriser certains pré-requis. Les points d’appuis mains et coudes étant très rapprochés de l’axe de direction, cela rend les trajectoires moins précises. Les leviers de freins sont plus éloignés des mains ce qui imposera plus de vigilance et d’anticipation pour rouler en sécurité. C’est un point important, car sur la longue distance, la vigilance est émoussée par la fatigue.
Les réglages du vélo seront à revoir notamment au niveau du recul de la selle. On va devoir logiquement glisser vers l’avant sur la selle et comme effet collatéral, on va basculer le bassin vers l’avant et modifier la zone de pression qui va passer des ischions à la zone périnéale, composée de tissus « mous » et donc plus vulnérable. Pour le cycliste de longue distance, cela peut générer à terme des insensibilités, des douleurs et dans certains cas des blessures. Il faudra prendre le temps, lors des entraînements qui précéderont le grand jour, de s’adapter à ces nouvelles conditions de pilotage.
Les prolongateurs sont souvent vus comme un accessoire visant à gagner en aérodynamisme. Il a été mesuré que 90% de la résistance aérodynamique est imputable au corps du cycliste, et on peut imaginer que chez le cycliste d’ultra, avec le chargement, cela puisse tomber à 80%, voire moins. En longue distance cet argument sera intéressant bien évidemment, sur les longues lignes droites avec du vent, les prolongateurs permettront d’économiser quelques watts. C’est un avantage dont il faudra mesurer les risques en cas de rafales pouvant faire dévier la trajectoire d’un cycliste qui présente une prise au vent importante : bike packing, freins à disques, … Sur la BTR “Pleins phares” par exemple, qui longera la côte ouest, le vent risque d’être souvent de côté. En longue distance la recherche du CX optimum ne sera pas de mise. On pourra remonter les prolongateurs par des réhausseurs afin d’adopter une position plus suportable.
Courts, longs, angulaires ou pas ?
À chacun ses prolongateurs … Il existe différents modèles, le choix se fera en fonction de l’usage et de la morphologie du cycliste. Difficile de se décider …
Côté courts …
À cause de leur faible longueur, les repose-bras des modèles courts vont très souvent se trouver près des poignets. Le confort sera moins bon que sur les modèles classiques. Il ne faut donc pas en attendre un confort remarquable. Idéalement plus l’appui se fait près du coude meilleurs seront le soutien du corps et le relâchement au niveau des mains. Pour les amateurs de modèles courts cet élément de confort n’est pas toujours jugé comme crucial. L’appui principal du poids du corps se fait principalement sur la selle.
Les modèles longs ou classiques
Ces modèles plus longs sont généralement équipés de repose-bras plus confortables avec des coussinets plus généreux. Ils reposent sous les avant-bras ce qui rend l’appui plus solide et moins fatigant.
Ces modèles interagissent plus sur les réglages du vélo. Ils doivent être choisis en fonction du cadre et de la position recherchée. Le positionnement de l’avant-bras sur les repose-bras sera un élément essentiel. La position du cycliste sera plus avancée. Sur ces modèles plus longs la répartition des masses peut changer et les bras seront plus sollicités, d’où l’intérêt de placer l’appui le plus près du coude pour privilégier un appui squelettique.
La hauteur des repose-bras sera réglable avec des entretoises de rehausse. Il faudra tenir compte de la hauteur de la douille de direction pour trouver le meilleur compromis entre confort et aérodynamisme.
Le dégagement derrière les repose-bras est un critère qu’il conviendra d’examiner en fonction de la morphologie du cycliste et le dessin du cadre. Ceux qui ont un buste court risquent de toucher les repose-bras avec les genoux lorsqu’ils se mettront en danseuse. Dans ce cas un modèle court et une potence plus longue peuvent faciliter la chose.
Comme le précise Jean-Yves Couput “Pour que cette position soit tenable dans la durée, il est nécessaire d’avoir les bras (humerus) perpendiculaires ou presque, au sol. Si l’on adopte des prolongateurs sans changer la distance entre selle et guidon, la plupart du temps, les bras ne formeront plus cet angle à 90 degrés (ou moins, si les avant-bras remontent, ce qui est aussi une option intéressante), et cette ouverture d’angle, entre bras et avant-bras va occasionner une tension musculaire au niveau des triceps et de la région des épaules.“
Ils ont dit …
Jean-Yves Couput “Étant plutôt adepte d’une approche holistique de la bio mécanique, je n’ai pas abordé le sujet des prolongateurs en silo, mais plutôt en considérant l’ensemble de la position du cycliste. L’usage des prolongateurs répond généralement à deux considérations. L’adepte de la performance y trouvera des bénéfices aérodynamiques, et l’adepte des longues distances y verra une (ou deux) position(s) de plus lui permettant de varier les points d’appui, sources principales des problèmes que rencontrent les ultras cyclistes. J’ai opté pour un prolongateur court, et encore mieux, pour un chariot de selle qui autorise un changement rapide de position de selle (avancée, avec mains sur les prolongateurs et reculée en position mains aux cocottes ou en haut). Cela a été mon choix. Je suis en train de tester cette tige de selle avec mes prolongateurs courts, et cela semble être le bon choix.”
Emmanuel Dabernat “Ma première utilisation des “prolongos” c’était pour jouer au triathlète … j’étais jeune … J’utilisais un profil très angulé avec mousse confortable ! Plus sérieusement, après 3 éditions de 24 h en solo je considère que c’est un élément indispensable pour permettre de dérouler et « reposant le dos ». J’utilise un modèle Dedda. Je préfère les modèles angulés qui permettent de poser les mains si on veut ou de s’agripper sans « casser » le poignet ! … Sur mes deux premiers 24 h j’ai passé environ 50/50 sur les prolongateurs puis lors de la dernière édition plus de 70% du temps. Cela implique un vrai réglage de selle pour permettre d’être en mode relâché et pas à fond sur le bec comme en tri pour seulement quelques heures !“
Avec tout ce qu’il faut caser sur le guidon le cockpit d’un vélo longue distance commence à ressembler à celui d’un avion de chasse … Le guidon d’un vélo de course n’est pas des plus larges et il faudra tout caser …
Thierry Morgando : “Pour répondre aux questions sur le poste de pilotage : j’ai opté pour un cintre Profile Design avec des prolongateurs de la même marque disposant de repose-bras relevables (480 g). Ils sont très confortables je les ai testés sur la BTR 2017. Quand je prends le cintre en haut je peux relever les repose-bras pour dégager de la place. Le phare Supernova est monté sous les prolongateurs avec un support de cintre (site ROSE) et une petite patte “home made”. J’ai 2 supports GPS (made in China) pour mes 2 Garmin (800 et 1000 … on ne sait jamais) et dans la sacoche il y a le régulateur dynamo usb USB2BYK avec une batterie tampon 15000 ma.“
Nicolas Malet : “Personnellement j’ai un faible pour les prolongateurs “s-bend” dont la forme permet soit de tenir fermement les “prolos” soit de laisser reposer les mains dessus.“
Un risque de syndrome du canal carpien …
Thierry Mourlanne : “J’ai fini la TCR sans prolongateur avec Alain Puiseux qui, lui, en avait. J’ai eu le syndrome du canal carpien à un tel point que j’avais perdu la sensibilité et la force des quatre doigts de chaque main. J’ai passé presque deux mois avec seulement mes deux pouces fonctionnels. Aujourd’hui, je n’envisagerais pas de partir sans prolongateurs parce qu’ils peuvent vraiment vous sauver une longue rando et vous éviter les désagréments qui s’ensuivent et éventuellement l’opération … Les médecins ne connaissent pas ce syndrome et veulent vraiment opérer très vite car les symptômes sont très alarmants.“
Les prolongateurs sont interdits sur certaines épreuves. Ils le sont par exemple sur Paris – Brest – Paris … cf. article 8 du règlement : ” … Les guidons triathlètes, toutes formes de prolongateurs ainsi que les véhicules à assistance électrique sont interdits …“
Laurent Aucouturier : “J’ai dans l’optique de participer en 2019 au PBP, où les prolongateurs sont interdits, tout comme sur les BRM qualificatifs. Alors je pense m’en passer, sachant qu’il me faudra faire sans. J’ai utilisé jusque là les prolongateurs uniquement sur les CLM en compétition (et encore, ils ne sont pas autorisés sur tous), il me semble assez dangereux de les utiliser sur des routes ouvertes à la circulation et propice à la traversée d’animaux par exemple (je pense surtout à la nuit).“
Et les poignées Spirgrips ?
Ces poignées seront-elles autorisées sur les épreuves comme PBP qui interdisent les prolongateurs ? … Le concept est séduisant et la démonstration vidéo qui suit est intéressante. Nous en avons reçu pour test au Bike Café mais ils ne sont pas encore montés. En attendant notre retour je vous invite à consulter l’essai réalisé par Amaël Donnet sur le site Vélo de route
Le concepteur Pascal Badollet a déposé une demande d’homologation auprès de l’UCI. Ce type d’accessoires pourrait éviter les pathologies constatées sur le Paris-Brest-Paris sans présenter les dangers potentiels de l’usage de prolongateurs dans les pelotons. Affaire à suivre.
De nombreuses marques proposent des prolongateurs …
Vous n’avez que l’embarras du choix … Vous pouvez également en parler entre vous sur la page du groupe facebook de la Zéfal Born to Ride “Pleins Phares”
Bel article, bien complet. Bravo, une fois de plus Pat !
Merci Jean-Yves … grâce à ton apport et à quelques autres. J’ai été étonné de l’origine des prolongateurs … j’étais persuadé que c’étaient les tri-athlètes qui avaient été les premiers à les utiliser.
Grace à cet article, je viens de découvrir le concept des poignées Spirgrips.
Je vais rapidement m’en procurer.
Merci Patrick et à bientôt sur le “Grand Panorama Arles Gravel” 🙂
Je n’y serai pas … mariage de mon neveu sur Paris ce WE là …
Après quelques sorties effectuées avec les poignées “Spirgrips” sur mon vélo de route, je viens de passer commande d’une seconde paires pour mon Gravel. Ces poignées sont pour moi une véritable révélation, dès la première sortie je ne les ai plus lâchées (à peu près 95 % du temps de roulage). Attention pour le montage ces poignées nécessitent une partie centrale du cintre parfaitement cylindrique sur au moins 12 cm de large.
Bonjour,
Super article 🙂
Vous ne précisez pas les références du chariot de selle à plusieurs positions. Comment s’en procurer ?
Merci !
Article très complet ! C’est intéressant de lire le point du vue des coureurs d’endurance (moi qui viens du triathlon), il y a plein de subtilités sur lesquelles je ne m’étais jamais posé la question. Même question qu’au-dessus sur les chariots de selle multipositions, ca m’intéresse !
Bonjour,
Super article, très complet.
On se rend bien compte de l’importance de cet équipement.
Merci pour toutes les citations et les retours d’expérience, c’est très enrichissant.
Très bel article, informations très importantes.
Je suis impatient d’utiliser cet équipement, il ne me reste plus qu’à attendre que le temps s’améliore.
Même s’il n’est pas d’hier, il reste d’actualité ! Article plein de bonnes informations. Par contre j’apprends que les prolongateurs sont interdits sur les BRM… Dommage, n’ayant pas pour objectif de faire PBP, les BRM sont une préparation pour des projets perso sur lesquels je pensais tester les prolongateurs justement :-/
Pour le PBP ça a un peu évolué :
Article 8 : Qualification des cycles
Tous les cycles, possédant deux ou trois roues, conduits par un guidon et mus exclusivement par la force musculaire via un système de transmission formé d’un ou de plusieurs ensembles pédalier – chaîne, sont admis. Le cycle ne doit pas dépasser 1 mètre de large. Les cycles ne répondant pas à ces critères, devront être soumis à homologation par l’AUDAX CLUB PARISIEN. Pour des raisons de sécurité, l’utilisation des prolongateurs est vivement déconseillée en peloton.
Heureusement au regard des pathologies créées par la pression : syndrome du canal carpien. Merci de nous avoir faite remonter cette évolution. Les prolongateurs permettent de multiplier les positions de mains sur le guidon et de fait diminuent les risques.