La marque catalane Caminade, déjà connue pour les formes arrondies et audacieuses de son gravel en acier, fait valser à nouveau les codes esthétiques et techniques avec un vélo innovant, tout en tubes titane et raccords carbone… Pari risqué ou coup de maître ?
Raccords : d’accord, ou pas d’accord.
Il y a quelques mois, lors d’une visite à l’atelier Caminade d’Ille-sur-Têt (prononcez “iye”), j’avais pu voir de près un prototype de ce nouveau vélo, développé dans le plus grand secret. J’avoue que, dans un premier temps, j’étais resté dubitatif et circonspect devant cette machine déroutante qui ne ressemblait pas à un “vrai” vélo : son poids plume, ses tubes de grosses sections et ses raccords composites m’avaient fait penser aux kits d’assemblage du mobilier d’extérieur et des barbecues à bas prix qu’on installe dans le jardin les beaux jours venus.
Lorsque j’ai appris que j’allais tester un modèle pré-série de cet AllRoad à l’occasion d’un press camp Mavic, j’ai réalisé qu’il faudrait sans doute que je reconsidère mes premières impressions. Ce que j’avais vu à l’atelier n’était pas un “concept-bike” ou une simple lubie, mais un vélo sérieux. Comment imaginer que Brice Épailly et Sylvain Renouf se lancent dans cette nouvelle aventure sans être sûrs de leur coup ?
Un procédé technique original, ingénieux et innovant
On connait déjà les vélos sans soudures, assemblés par insertion de tubes dans des manchons. Mais les célèbres Vitus étaient en aluminium, d’autres, plus récents, sont des vélos en carbone assemblés avec des raccords en métal.
Ici, ce qui est complètement nouveau, c’est qu’il s’agit de tubes de titane grade 9 dans des manchons de carbone. Pour réussir cette prouesse technique et mettre au point un procédé de collage structural à toute épreuve, l’équipe de Caminade a bataillé pendant plusieurs semaines.
« Au début, les collages ne tenaient pas », confie Brice Épailly. Depuis, le vélo a passé sans encombre les sévères tests d’homologation relatifs aux exigences de sécurité et de performance ISO 4210.
Autre caractéristique étonnante du procédé mis au point par Caminade, c’est que les manchons moulés, pourtant tous identiques, conviennent pour tous les montages sur mesure, même si les dimensions de tubes et les angles d’assemblage changent pour chaque plan.
Le secret réside en partie dans la tolérance d’angle des manchons et leur design adapté, sans doute aussi dans le procédé de collage, qui s’effectue en plusieurs phases… tout est affaire d’ingéniosité et de savoir-faire, mais Caminade peut couvrir toutes les géométries, que le cycliste soit petit ou grand.
La matière et l’esprit
Je découvre avec curiosité le vélo qu’on m’a préparé pour le test : fourche TRP, roues Mavic Allroad 650B montées avec des pneus WTB en 47 mm, selle noire Caminade rails titane, cintre Ritchey Venture Max, groupe Sram Apex. Le vélo, gris et noir, sans passages de câbles visibles, est sobre, minimaliste, ce qui n’est pas pour me déplaire.
À 9,5 kg le vélo n’est pas le plus léger que j’aie pu soupeser, mais en gravel c’est un poids bien inférieur à beaucoup de vélos du marché. Bien sûr, en l’équipant de roues plus chères, de pneus plus légers et d’un groupe Sram de gamme supérieure, on pourrait gagner quelques centaines de grammes ; mais le prix total du vélo s’en ressentirait nettement. Le montage que je vais essayer “sort” à 2790 €, monté, livré à la maison, il n’y a plus qu’à rajouter des pédales et partir rouler en gravel sur un vélo titane…
Let’s go biking !
Avec les journalistes internationaux conviés par Mavic à un press camp, nous allons rouler 150 km de petites routes plus ou moins dégradées, de pistes forestières, bords de canaux, chemins agricoles et “single tracks” pendant deux jours de gravel intensif sur les flancs du Mont Canigou : le contexte idéal pour tester ce Caminade AllRoad.
Pour cette première journée, tracée par Brice Épailly sur un terrain particulièrement sec et pierreux, j’ai des roues en 650B montées avec des WTB en 47 mm. Le vélo est joueur, fluide, il vire quasiment sur place, avec la faible pression des pneus et les tubes titane, les aspérités du terrain sont avalées dans le plus grand confort, ce qui permet d’aller vite, avec un sentiment de sécurité et l’envie de passer partout. En piètre technicien que je suis, je descends sans souci des monotraces rugueuses que j’aurais peut-être faites à pied avec mon vélo habituel. Les montées sèches et pierreuses à plus de 12% sont avalées facilement ; la géométrie très “sloop” du vélo donne une bonne rigidité latérale lorsqu’il faut pousser fort dans les montées. Quasiment couché sur le cadre, je sens le pneu avant “chasser” les cailloux, tandis que l’arrière reste en ligne et s’agrippe à la forte pente.
Les premières sensations sont excellentes. Le vélo est fluide, vif, silencieux, il n’y a pas de bruits parasites ou de mauvaise vibration. L’équipement, qui brille par sa simplicité, a été judicieusement choisi : la fourche TRP, pas la plus élégante à mon goût, est finalement assez sobre et se fait oublier, elle filtre parfaitement le terrain et ne se défausse pas quand il faut une trajectoire précise ou freiner fort dans une descente rapide. La selle est confortable, le cintre particulièrement ergonomique et adapté au gravel, offre de multiples et confortables positions pour les mains.
650B ou 700 ?
Le second jour tout est mouillé, il a beaucoup plu dans la nuit. Bien que les pentes du Canigou ne soient pas particulièrement boueuses, j’en profite pour tester le vélo avec des roues Mavic AllRoad de 700 avec les pneux Yksion XL en 40 mm. Le changement de roues s’effectue en un tour de main : une simple substitution à l’arrière, un très léger réglage de l’étrier de frein à l’avant pour éviter que le disque grince contre les plaquettes. Temps total d’intervention mécanique : moins de cinq minutes ! Changer le comportement du vélo en changeant simplement de roues devient un jeu d’enfant. Dans cette configuration, le vélo est plus en ligne, va manifestement plus vite, on prend plus de plaisir sur les portions asphaltées et les voies forestières larges et gravillonnées.
C’est aussi avec les roues de 700 aux pneus moins gros et donc plus gonflés, que je comprends tout l’intérêt des tubes titanes et des manchons. Sans aucune soudure qui viendrait créer un point d’arrêt dans le travail du tube, le vélo filtre le terrain. Le tube vertical par exemple, d’une seule pièce de la selle au boîtier de pédalier, n’annule pas les bosses et les trous comme le ferait un vélo suspendu mais il restitue les aspérités avec douceur. En fait, on continue à profiter des particularités du terrain sous la forme d’une “relecture” distanciée. Je pense aux platines vinyle dont l’aiguille tressaute dans le sillon du 33T pendant qu’on écoute la musique du tube de l’été dans les enceintes. Le AllRoad n’élimine pas la vibration du sol, il la retransmet de façon audible, pour un pilotage tout en groove et en sensualité.
Gravel situationniste
Pour ma part, le vélo de pré-série que l’on m’a confié s’est révélé infaillible. Sortant de l’ordinaire, il est joueur, léger, polyvalent et solide. Précis à vive allure dans les descentes, accrocheur en diable dans les montées les plus raides, aussi bien à l’aise sur route que sur des monotraces relativement techniques, à la fois confortable et rigide, sa sobriété et son équipement pragmatique (même dans sa configuration de base) peuvent répondre à toutes les situations que la pratique du gravel permet de rencontrer.
Mon seul regret : l’absence d’implantations sous le cadre pour un troisième porte-bidon, qui permettrait de transporter par exemple un bidon porte-outil contenant le kit de réparation, sans briser la ligne pure du vélo avec une sacoche de cadre, de selle ou de cintre. Ce sera tout à fait possible de l’obtenir, mais en option.
Bien sûr, ce vélo ne laissera personne indifférent, qu’on soit enthousiasmé ou carrément critique. Il y a même fort à parier que quelques esprits chagrins diront que, sans travail de soudure, on appauvrit le savoir-faire d’un cadreur artisanal. On peut leur rétorquer que le procédé (secret) de collage relève, lui aussi, d’une longue recherche et d’un tour de main unique.
À ce stade de l’article, j’avoue que j’aimerais bien savoir ce que vous, lecteurs, pouvez (pourrez) bien en penser. Le Caminade AllRoad est-il le tube de l’été ? Si vous êtes de passage dans la région de Perpignan, vous pouvez vous faire votre propre idée : contactez l’équipe de Caminade, qui devrait pouvoir vous permettre, dans la mesure de ses disponibilités et de celle de ses vélos en démonstration, d’essayer la bête, sur la “pump track” qui jouxte l’atelier, et sur les petites routes et chemins de gravel aux alentours.
En ce qui me concerne, j’attends avec impatience le 14 juin prochain, à Bruniquel (Tarn et Garonne), où j’aurais l’insigne honneur d’aller danser de nouveau sur le Caminade AllRoad titane-carbone de pré-série n° 007, à l’occasion du Concours de Machines, où il sera présenté… Mais ceci est un autre article !
Pour plus de détails sur l’équipement en roues et pneus essayés pendant ces deux journées, vous pouvez lire l’article sur la gamme Allroad Mavic.
Specs’
CADRE | SUR MESURE TITANE passage interne des gaines |
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FOURCHE CARBONE | TRP CX axe 12mm passage interne |
JEU DE DIRECTION | 44MM Tapered |
BOITE DE PÉDALIER | PRESS-FIT 41MM |
TRANSMISSION 1×11 | MONO-PLATEAU 38 à 44 CASSETTE 10-42 |
FREINAGE | DISQUES HYDRAULIQUES 160mm |
AXE DE ROUE ARRIÈRE | 142x12MM AVEC PATTE DE DERAILLEUR SYNTACE X12 |
TIGE DE SELLE | INTÉGRÉE EN TITANE AVEC 35MM DE RÉGLAGE |
PORTE-BIDONS | 2 SUPPORTS AVEC LES PORTE-BIDONS |
OPTIONS | GROUPES SRAM : APEX – RIVAL – FORCE |
ROUES/PNEUS MAVIC : 700×30,35,40mm ou 650Bx47mm | |
CINTRES : Gravel, Route ou plat | |
3ème SUPPORT PORTE-BIDON |
Prix : de 2790 € à 3990 € selon les équipements choisis.
Infos complètes sur le site de Caminade
Bravo Dan !
Belle expérience et super article.
Concernant “la tolérance d’angle des manchons”, on la constate très bien sur la photo en “gros plan” du tube de selle.
Il doit y avoir beaucoup de résine pour compenser ce manque d’ajustement ..
Rien à voir avec l’essai de ce beau p’tit vélo (même si l’absence de soudure “classique” me dérange un peu) : le p’tites sacoches de guidon présentes sur l’ensemble des vélos de test ont l’air bien sympa et d’une bonne taille pour une petite virée estivale à la journée. Un produit Mavic ? Un retour sur leur usage ? Merci.
Bonsoir, Il s’agit de sacoches Yanco. C’est une sacoche de cintre ultra légère et minimaliste. Elle a l’efficacité de sa simplicité.
Bonsoir Dan
Je viens de recevoir mon allroad, monté en 700 avec des pneus de 45. Il est en effet très surprenant…. par ex en montée on a l’impression que le vélo en garde sous la pédale, et nous permet de nous dépasser. Une grande réussite, et la confirmation que Les gars de Caminade font un travail d’orfèvre.