Sur Bike Café nous vous avions présenté Torino – Nice, voici maintenant Torino – Namur … La ville de Turin deviendrait-elle l’épicentre du gravel européen ? Merci à Fabian Tilquin qui nous a fait la gentillesse de ramener dans ses sacoches de bikepacking un récit riche d’enseignements et de conseils : du vécu en matière de bikepacking. Avis à tous les “bikepackers riders” en puissance : il y a de l’info …
Fabian a 42 ans, est chef de projet informatique il vit à Namur en Belgique. Son frère Manu, qui est un cycliste convaincu l’entraîne dans sa passion du vélo en 2013. Il abandonne la voiture et fait ses déplacements quotidiens à vélo. Il s’achète un Kona … il en possède 4 maintenant. Il prend gout au vélo et avec son frère et ils réalisent ensemble quelques voyages à vélo de 1 à 2 jours : vers la côte d’Opale ou pour aller à Paris.
Profitant d’une semaine de disponibilité qu’ils pouvaient avoir tous les deux, ils projettent de faire ensemble un long périple. “Comme on voulait de la montagne on a regardé les différentes traces que l’on pouvait faire. Le choix de Turin s’est imposé grâce à la facilité d’accès par le train et un itinéraire pour revenir en Belgique qui offrait le franchissement de nombreux cols entre l’Italie, la Suisse et ensuite les Vosges“, explique Fabian. Il décident du parcours en août 2017 et passent quelques soirées ensemble pour préparer cet itinéraire de presque 1000 km avec un gros dénivelé. Ils sont partis en mars dernier, mais laissons la parole à Fabian qui nous raconte l’aventure des deux frangins et nous livre en même temps un excellent retour d’expérience … et même de non-expérience dans certains cas.
Fabian …
Je vais tenter de structurer un peu le retour sur le voyage que j’ai effectué avec mon frère depuis Turin, jusqu’à Namur ville belge située à 50 km au sud de Bruxelles.
Nos vélos
Je suis parti avec mon fidèle Kona Jake the Snake, cadre et fourche carbone, groupe Shimano 105. Équipé avec de pneus Hutchinson Override 38 et d’une transmission double plateau 36/46 (classique en cyclocross) avec une cassette 11 – 32. Autant le dire tout de suite, j’étais un peu juste dans les montées très raides. J’ai d’ailleurs dû mettre pied à terre plusieurs fois dans le terrible col de Weissenstein et ses 6 kilomètres de folie avec des passages interminables à 22%. Mais mis à part ça, le Jake a été parfait ; la position est confortable à souhait (les géométries Kona sont vraiment faites pour moi…) ; le cadre carbone filtre parfaitement les vibrations.
Bref rien à redire, que ce soit pour rouler à plus de 30 km/h sur le macadam suisse aussi lisse qu’un billard ou crapahuter sur les chemins rocailleux des Vosges : il est à l’aise partout. Même dans la boue, où mes Hutchinson ont montré leurs limites. Le Jake ne se “bourrait” pas dans la gadoue (sans doute grâce à son ADN de cyclocross). Les pneus, justement, je peux en dire quelques mots : hormis la boue et la neige, ces pneus sont d’une efficacité redoutable, roulants quand il le faut, accrocheurs sur les parties hors bitume, sans oublier le confort. Tout ça pour un prix défiant toute concurrence (55 € la paire). Je ne ferais certainement pas une généralité sur la pertinence d’un cadre carbone pour une pratique gravel bikepacking. Je peux juste dire que ce Kona Jake a remplit sa mission de façon magistrale et que je ne vois pas trop ce que je pourrais lui reprocher, c’est léger (moins de 9 kg à sec) et confortable… que demander de plus ?
Mon frère roulait sur son Victoire Versus qu’il avait chaussé pour l’occasion de Panaracer GravelKing : 38 à l’avant et 43 à l’arrière. Je ne peux pas m’exprimer sur les qualités de son vélo – étant donné que nous n’avons pas échangé nos montures- mais j’ai constaté qu’il tenait bien mieux la route que le mien dans la boue, et que son pédalier mono de 38 combiné à son énorme cassette de 11 – 42 lui permettait de plus facilement grimper les raidillons. Il avait par contre un « trou » lorsqu’on roulait à 27-28 km/h, soit il devait trop mouliner, soit trop forcer.
Aucun incident mécanique n’a été à déplorer de mon côté, la roulette du dérailleur arrière SRAM X9 du Victoire a en revanche fait des sienne ; et après plusieurs réparations de fortune, nous avons heureusement pu en acheter une nouvelle chez un Vélociste suisse, au nom évocateur de Fatal Bike 😊.
Les sacs
De mon côté, le budget vélo étant serré, je suis parti sur des solutions économiques. J’ai trouvé une sacoche de selle de marque Rockbros (14 L) sur Amazon à 49 €.
Je ne peux évidemment encore rien dire sur la longévité de cette dernière, mais la qualité semble au rendez-vous. Son étanchéité a été testée avec succès lors de deux journées de pluie. Elle est-elle moins « stable » que la Ortlieb de mon frère, qui ne se dandine pas comme la Rockbros. Mais cela ne m’a gêné à aucun moment. J’ai transporté dans ce sac mes affaires de « ville » (Pantalon, 2 t-shirts, un pull), mes 3 caleçons et 3 paires de chaussettes, mon T-shirt technique de rechange et ma housse de transport vélo (pour le TGV) qui accessoirement nous servait de bâche lorsque nous campions.
Pour la sacoche de cintre, j’ai opté pour la « Airlock Dual 20 L » de chez Alpkit à 20 €. L’étanchéité est parfaite, mais les lanières pour attacher le sac au cintre sont assez sommaires. Alpkit conseille d’ailleurs de prendre un harnais supplémentaire pour la pratique du VTT engagé ou pour porter des charges lourdes. Ne portant que mes affaires de couchage relativement légères, je n’ai eu aucun problème et je suis absolument ravi de cet achat. Grâce à son rapport qualité/prix, ce sac est sans doute imbattable (sauf à aller fouiner du côté de chez Ali… ce que personnellement j’ai un peu de mal à faire.
Pour compléter le tout, j’avais installé deux petites sacoches de cadres : une B-Twin et une Vaude, qui me servaient à transporter ce qu’on nomme chez nous le « brol », c’est-à-dire les petites affaires (kit réparation pour le vélo, batterie externe, lampes, portefeuille, …).
Mon frère, était équipé en Ortlieb, pour la sacoche de selle (une 17 L) et la sacoche de cadre (une 6 L). Et à l’avant, il avait comme moi, le sac Alpkit, complété du harnais dont je parlais pour mieux le fixer sur le cintre. C’est de la valeur sûre et il en a été enchanté bien évidemment.
Le parcours et le guidage
J’ai tracé le parcours à l’aide de Komoot, en m’aidant de la cartographie « OpenCycleMap » et de Google Earth pour certaines parties délicates. J’avais planifié un peu moins de 1000 kilomètre pour 11.000 m de D+ au total. Le parcours était composé de 30 à 40% de parties off-road (gravel roulant, gravel technique et partie carrément VTT) le reste étant de la route. Ça, c’est pour le kilométrage. En termes de durée, le ratio est inversé car la vitesse est nettement moins élevée en off-road que sur le bitume, on passe donc plus de temps sur les chemins de traverse, que sur les routes. C’est physique, voire très physique, mais nous concernant, la proportion a été parfaite : on prend son pied dans les parties gravel, et l’asphalte est le bienvenu pour soulager les muscles et les articulations et nous permet d’avancer un peu.
Pour nous guider, je suis resté fidèle à Komoot, et j’ai donc utilisé un smartphone. En mode « hors-ligne », il tient une petite journée. Je le rechargeais donc, soit à l’aide de ma batterie externe (une 12000 mA), soit sur une prise secteur lorsque nous nous arrêtions dans un restaurant ou un café. Quand nous dormions dans un gîte ou à l’hôtel, je rechargeais le téléphone et la batterie externe. L’avantage de suivre Komoot, c’est qu’il s’agit d’un véritable GPS qui vous dit d’aller à gauche, à droite ou tout droit, ce n’est pas une trace qu’on suit sur un plan. Ensuite, il vous indique la distance à parcourir sur l’axe sur lequel vous êtes ; ce qui permet de laisser le téléphone en veille, et ne l’activer que lorsque l’embranchement approche. Cela permet d’économiser énormément de batterie, surtout lorsque vous devez suivre un chemin ou une route pendant de nombreux kilomètres.
J’ai acheté un téléphone bas de gamme à 70 € mais avec une grosse batterie (3300 mA), sur lequel je n’ai installé que Komoot et qui ne me sert uniquement de GPS (il n’a pas de carte SIM). J’ai un étui souple B-Twin, qui est parfaitement étanche, et qui me permet de placer mon téléphone sur ma potence. Personnellement, je trouve que c’est la solution idéale. J’ai un Garmin Edge Tourer qui s’ennuie au fond d’un tiroir depuis que j’ai trouvé cette solution.
Distance et durée des étapes
J’ai opté pour des distances comprises entre 150 et 200 kilomètres par étape (voir les tracés ci-dessous), en fonction du terrain et bien entendu du dénivelé. Les seules exceptions, étant l’étape de haute montagne, avec l’ascension du Grand Saint-Bernard (95 kilomètres) et la dernière étape d’une bonne centaine de kilomètres (mais très gravelTT). L’idée était de rouler de manière effective entre 8 et 10 heures par jour. Nous avons roulé la plupart des étapes à bloc, nous relayant sur les parties bitumées et roulantes comme si nous étions dans une échappée du Tour de France.
Nous étions cramés sur les 20-30 derniers kilomètres et ceux-ci étaient donc souvent exécutés au mental. Pour la BTR, il est évident que je ne pourrais pas tenir ce rythme, et qu’il faudra que j’adopte une vitesse qui me place dans une zone de confort relatif. Je laisse de côté évidemment l’étape où nous étions malades et affaiblis, sous une pluie diluvienne, qui elle s’est faite au mental du premier au 190ème kilomètre.
Nous partions entre 7 et 8 h du matin et arrivions entre 17 et 19 ; ça nous laissait donc de longues nuits de repos (ce que je n’aurai pas sur la BTR).
La prochaine fois, je pense que j’opterai pour un rythme plus pépère ; ici, ça me convenait car cela constituait un bon entraînement pour la Normandicat (400) d’abord et surtout la BTR ensuite.
Le logement
Nous avons opté pour une alternance tente/ « abri dur ». Dans l’ordre, on a commencé par un gîte dans une maison d’hôte à Aoste, un camping où nous avons planté notre tente à Martigny (Suisse), un « pod », une espèce de cahute en bois, dans un camping, toujours en Suisse, à Solothurn, du camping sauvage en Franche-Comté du côté de Lures, un hôtel à Pont-à-Mousson et enfin une dernière nuit à la belle étoile, près de Neufchâteau (Ardennes belges).
Le coût …
Tout rêve à un prix 😊
- Billest de TGV Bruxelles – Turin : 90 €
- Logement (y compris la première nuit dans un hôtel à Turin) : 215 € (à diviser en deux, donc 110 € par personnes pour arrondir)
- Nourriture/boisson : 30 € par jour en moyenne, sachant qu’on allait au restaurant une fois par jour …donc 210 € environ.
Cette semaine nous est donc revenue à un peu plus de 400 € absolument tout compris.
Ce qu’il ne faut plus faire
Tout d’abord, je dois bien avouer, je sentais bien que traverser un col qui culmine à près de 2500 mètre (le col du Grand Saint-Bernard pour ne pas le citer) fin mars n’était pas l’idée du siècle. Mais je ne m’attendais pas à un tel spectacle : un épaisseur de 11 mètres de neige, une température frôlant les -10 degrés et un blizzard aveuglant. Nous étions malgré tout prêt à affronter ces conditions pendant les 8 kilomètres d’ascension restant, avant que des skieurs italiens ne nous le déconseillent fortement. La raison l’a alors emporté et nous avons passé le reste de la journée à attendre un bus pour passer le col via le tunnel, qui, bien entendu, est interdit aux piétons et vélos.
Le deuxième point est sans doute aussi évident, et aurait pu ou dû être anticipé. La pluie ! Dans notre grande naïveté, nous n’avons pris aucun vêtement ou chaussures de pluie : résultat, durant une journée et demi, nous avons passé notre temps à barboter dans nos habits et chaussettes. À ne surtout plus faire !
Le dernier point est moins primordial, il s’agit du transport. Nous avons choisi des solutions « économiques » pour emballer nos vélos afin qu’ils respectent les règles édictées par la SNCF pour le TGV, à savoir que le vélo doit être démonté et se trouver dans une housse aux dimensions maximales de 120 cm x 90 cm. Porter les vélos de la maison à la gare et surtout dans le métro pour changer de gare à Paris (gare du Nord à la gare de Lyon) fut très physique. C’est assez lourd, mais surtout, il n’y a aucune prise pour bien le tenir. Sans compter qu’il faut aussi porter les sacoches, qui, ne sont pas emballées avec le vélo. J’étais bien content d’avoir un physique de rouleur et non pas de grimpeur pour cette « épreuve ».
Les tracés
Voici sur Openrunner les traces gpx des 7 jours du périple réalisé par Fabian et son frère.
Jour 1 : Turin – Aoste (143 km) https://www.openrunner.com/r/8530117
Jour 2 : Aoste – Martigny (90 km) https://www.openrunner.com/r/8530119
Jour 3 : Martigny – Solothurn (178 km) https://www.openrunner.com/r/8530121
Jour 4 : Solothurn – Lures (144 km) https://www.openrunner.com/r/8530122
Jour 5 : Lures – Pont à Mousson (177 km) https://www.openrunner.com/r/8530124
Jour 6 : Pont à Mousson – Neufchâteau (145 km) https://www.openrunner.com/r/8530126
Jour 7 : Neufchâteau – Namur – (109 km) https://www.openrunner.com/r/8530127
Texte et photos Fabian Tilquin
Whaaa d’enfer !
Merci pour le explications !