Quand je tape sur le moteur de recherche de mon navigateur internet “Grand Panorama“, j’obtiens une foultitude de liens qui me m’indiquent que des “grands panoramas” il y en a partout. Il y en a peut-être plein aux quatre coins de la France et ailleurs, mais celui qui s’est ouvert devant nos yeux le 26 mai, autour d’Arles, restera à tout jamais imprimé dans mes rétines pourtant défaillantes.
Sur Bike Café, on vous rabâche que le vélo de gravel nous donne les clés d’une liberté qu’aucun autre vélo ne peut offrir. En participant au “Grand Panorama”, organisé par le club Strava Arles Gravel, on en mesure toute la réalité. C’est avec ce club très actif que j’avais déjà fait le Tour de Camargue et de la Crau, … mais pas les Alpilles, alors pourquoi ne pas oser tout faire d’un coup. Une sorte de gourmandise gravelistique, pour dévorer goulument les 3 territoires emblématiques de cette région.
Le Grand Panorama, ce n’est pas du cinoche
Ce n’est peut-être pas du cinéma, mais pourtant nous avons là tous les ingrédients d’un bon film. Le réalisateur : Dan de Rosilles, connu “mondialement” pour la qualité de ses tracés et pour son prosélitisme engagé pour un gravel militant et libertaire. Avec lui, ce sera forcément du cinéma d’auteur / acteur, il connaît bien son sujet. Les décors seront ceux des paysages découpés et rocheux des Alpilles, de la steppe mystérieuse de la Crau et de la plate Camargue, où se mélangent le ciel et l’eau. Les acteurs sont joyeux et sympathiques, de bonnes “gueules” de cyclistes chevauchant de curieux vélos aux pneus larges et aux guidons cornus. On sent qu’ils ont plaisir à participer à ce “road movie”. Il y a quelques vedettes, et d’autres comme moi et Alain, qui sommes plutôt des figurants. Malgré ce superbe générique, il faut avouer que la réalisation de mon petit film, n’est pas à la hauteur de la qualité de notre “Circum 200 bornes”. Mais voilà, qu’importe son côté amateur, ce film qui sera la bande annonce de mon récit est un témoignage authentique
L’aventure ne fût pas pour moi un “court métrage” et 9 h 46 passées sur la selle ont laissé des traces sur mon séant. Depuis plusieurs jours je me tâtait :”J’y vais, j’y vais pas ? … je n’ai pas le l’entraînement de ces farouches cavaliers“. Dan me rassurait : “Mais si, viens ce sera cool et tu as parfaitement le niveau …” J’aime bien les défis, alors j’ai cédé à la tentation. Je n’avais encore jamais dépassé les mythiques 200 km à vélo, même pas sur la route. Ce 200 en gravel me paraissait presque impossible, mais l’envie était trop forte.
6 h du mat place de la République
C’est désormais traditionnel avec Arles Gravel, le rassemblement se passe sur la place de la République à Arles. Symbolique lieu, tant ce vélo de gravel est synonyme de liberté. Je retrouve des visages connus, j’en découvre d’autres comme ceux de certains qui me connaissent au travers de mes publications sur Bike Café. La communauté gravel de la région est là : la bande de OMG venant de Montpellier, ceux de Nîmes, ceux d’Ardèche, Jean-Marie venant de Saint Raphaël, quelques Aixois dont je fais partie, …
On se salue, on regarde les nouveaux vélos des copains, ça cause mécanique comme pour éviter de s’appesantir sur le sujet qui va nous intéresser toute la journée : c’est-à-dire rouler plus de 200 km en gravel. Je suis venu avec un vélo que je dois tester : le Rondo Ruut Ti. C’est la version titane du modèle carbone que j’avais testé l’an dernier. Ce vélo existe en carbone, acier et depuis le dernier salon de Tapei en titane. Le point commun de ces modèles est leur fourche à géométrie variable qui a été récompensée par un “award” à l’Eurobike en 2017.
Le groupe démarre, chacun sur sa trace. Dan a préparé un programme à la carte avec plusieurs tracés allant de la Crau, version courte sur 60 km, à notre plat de résistance, le Circum 200 km.
On se jette à l’eau au petit matin, sur le berges du Rhône. On longe ensuite la voie ferrée, comme pour dire que l’on commence le voyage. On traverse les champs cultivés dorés par la lumière du soleil levant. François Deladerrière cycliste et photographe de l’agence grimpette nous offrira cette belle photo de ce spectacle calme et rassurant.
C’est à Saint-Gabriel que nous allons attaquer les pistes des Alpilles. On ne fera pas les tracés les plus durs, car Dan a évité les crêtes où le dénivelé est bien plus raide et le terrain bien plus rocailleux. On va rester sur les golfs, pour découvrir des vues superbes entre les arbres et tomber en arrêt dans un virage pour admirer les Baux de Provence accrochés aux rochers.
Après les montées nous entamons notre descente en traversant Maussane. Une petite pause encore pour admirer les dentelles rocheuse des Alpilles sur le GR qui mène à Aureille. C’est là que nous referons le plein des bidons avant de plonger sur une piste traversant les mas agricoles vers la Crau sèche.
On découvre un étrange mascaret qui se créé sur le canal de Craponne. Dan nous dit que les surfeurs viennent ici pour s’entraîner. Faire du surf dans la Crau, encore une étonnante surprise de cette journée qui n’en manquera pas.
La frontière entre la Crau humide et agricole et la Crau sèche est matérialisée par l’autoroute A54. Nous la franchirons, comme des trafiquants, en empruntant un tunnel secret. Pas de danger d’y voir ici un douanier. D’après Dan, seule une péripatéticienne est installée ici, peut-être à cause du relais routier situé à proximité. En ce dimanche et à cette heure matinale, elle n’était pas sur le lieu, et le petit arrêt que nous avons fait a été plutôt photographique.
Nous pénétrons l’univers de la réserve naturelle des Coussouls. Le sol chaotique nous rappelle qu’autrefois la Durance y coulait. En changeant son lit de place, elle n’a pas emporté avec elles les galets qui sont restés sur place. À cet instant, je regrette mon vélo perso et surtout mes superbes roues restées à la maison, aujourd’hui je teste du matériel moins confortable. À cet instant du test au milieu de la Crau, chaussé de pneus de 40 montés avec des chambres, je peux vous dire que le tubeless c’est mieux. Si un jour vous venez ici dans la Crau à vélo : pas d’hésitation, montez des pneus en tubeless.
J’adore ce paysage qui n’a pourtant à priori rien de sympathique. Autres crocs : ceux de quelques patous que l’on a croisé en prenant la précaution de mettre pieds à terre et en leur parlant. Alain a une recette, il leur dit “Tu es beau mon Patou ! …” Cette flagornerie a eu l’air de faire de l’effet sur ces chiens un peu cabots et ils ont accepté que l’on passe sur leur territoire. Le plus imposant des chiens a répondu quand même par un grognement, montrant un peu des dents que l’on préfère voir de loin. Heureusement la charmante bergère avait, toujours selon Alain, un bien plus charmant sourire que son patou.
On s’éloigne du troupeau de moutons, pour longer le canal Centre Crau. Nous longeons les marais où se trouve les élevages de taureaux vers le mas d’Icard.
Nous sommes au 100ème kilomètre et nous avons tous faim. C’est sans doute pour cela que, aidés par un léger vent favorable, on va se lancer dans des KOM de folie sur la piste cyclable qui mène au bac de Barcarin. On va passer la frontière entre Crau et Camargue comme des “Go fast”, pendant 20 km, à fond de ballon, entraînés dans le sillage de Dan, aplati sur ses prolongateurs. Je regarde mon compteur GPS, qui à ce moment là marchait encore, on est à 35 km/h. Le bac est là mais on a perdu Alain attendu par Roch. Le petit groupe profite d’un bac en partance pour l’autre rive du grand Rhône.
Option repas
Nous sommes au kilomètre 122 et c’est l’heure de manger. Dan m’avait dit on mangera au restau que je connais aux Salins de Giraud. Les Saladelles est un sympathique hôtel restaurant parfaitement authentique et raccord avec ce lieu particulier qui reflète l’urbanisme industriel et ouvrier du 19ème siècle. On retrouve ici les traces des utopies patronales paternalistes de cette époque, avec les longues bâtisses en briques posées sur ce plat territoire de Camargue. On attend Alain et Roch qui tardent à arriver par le bac suivant. La faim me tenaille, et je commande sur les conseils de Dan, un steak de taureau accompagné de riz blanc et noir avec des légumes. Du local donc pour récupérer. Il reste 80 kilomètres pour rejoindre Arles et je me sens plutôt bien. Mon incertitude à accomplir une telle distance a disparu et la platitude de cette partie finale du parcours me rassure.
Le vent s’invite à la fête
Le vent, vous le savez si vous faites du vélo, est un ami par moment et un ennemi bien souvent. Lorsqu’on pédale facile à une vitesse incroyable le vent dans le dos on évite de dire qu’il nous a aidé, mais par contre, lorsque de face il lutte contre nous, c’est une autre histoire.
La partie digue à la mer, phare de la Gacholle jusqu’aux Saintes-Maries sera du pur bonheur. La piste est roulante, et avec la complicité du vent de mer on file un bon train. Mon seul problème qui me gêne, et depuis que j’ai quitté le fauteuil de la terrasse du restau, est de remettre mes fesses sur ma selle. En testeur imprudent, j’ai pris le départ avec cette selle Italia Gravel que je ne connaissais pas, sans avoir mis de crème à cuissard. Les deux fesses entamées, sur cette dernière partie de 80 km j’ai ressentis chaque nid de poule comme si je recevais un violent coup de fourche dans le cul. Après les Saintes vent dans le nez sur la piste de Cacharel le chuintement de mon frein avant qui léchait le disque a eu raison de mon moral. Je ne savais plus comment m’assoir et le bruit de ce frein m’agaçait au plus haut point.
Dan annonce que son compteur n’affiche plus que le chiffre des unités kilométriques avant l’arrivée. Je reprends goût à la vie cycliste, et déjà j’imagine la bonne bière fraîche qui m’attend sur le boulevard des Lices. On se retrouve à la terrasse du café pour revivre encore pendant un moment convivial, cette belle journée dont on se repassera le film souvent.
Merci à Dan et à tous mes joyeux compagnons qui ont encore une fois démontré aujourd’hui que le gravel c’est rouler vraiment autrement …
Si ça vous dit voici la trace sur Openrunner. Ça peut se faire en 2 jours vous pouvez par exemple coucher au km 122 à l’Hôtel Restaurant les Saladelles où nous avons déjeuné et repartir tranquille le lendemain pour faire la digue et rentrer sur Arles.
Lien Openrunner : https://www.openrunner.com/r/9908072
Merci Patrick de nous faire revivre cette belle aventure.
Bravo encore pour le résumé de cette belle journée Gravel ! Et félicitations pour le premier 200km !