On se demande parfois si les nouveautés proposées par les marques sont juste des coups marketing ou de réelles innovations. Devant cet ensemble cuissard et maillot “Alpha” peu commun proposé par une marque italienne quasi-inconnue, j’avoue être resté quelque peu interloqué ; seul un essai “in vélo” pouvait me permettre d’y voir plus clair…
Dans la langue de Dante
UYN (Unleash Your Nature – libère ta nature en italien du Bronx) est une marque appartenant à Trerè Innovation, une société dont le siège social se trouve à Asola (Province de Mantoue) en Italie. Trerè s’auto-proclame “leader mondial dans le développement, la production et la distribution de vêtements à contenu technique élevé”, sans que l’on sache vraiment de prime abord de quoi il s’agit.
Un drôle de truc
Au déballage, le jersey et le cuissard Alpha de UYN sont tout renfrognés, en boule, masse informe et désordonnée ce qui est assez déroutant pour du textile haut-de-gamme. Mais à l’habillage, l’un et l’autre se détendent ; en fait, la maille est extrêmement élastique, et ce qui ressemblait à un petite poignée de tissus chiffonnés se révèle être deux sublimes pièces de textile ultra-technique qui épousent le corps sans pour autant créer de sensation oppressante : un petit miracle d’ergonomie, pour le coup.
Sur l’envers, le jersey révèle la complexité d’assemblage de mailles associées, les unes et les autres partant dans des directions différentes. Cela donne le tournis, mais sur l’endroit, rien ne trahit tout cet embouteillage. Les couleurs et les rendus de matières sont tout à fait seyants, avec un effet visuel assez ludique, quasi hypnotique, qui devrait sans aucun doute attirer tous les regards.
Reste à tester l’ensemble en situation sur le vélo… Pour ce faire, je décide d’enchaîner en pignon fixe sur plusieurs jours des sorties longues et vallonnées dans les Alpilles. On verra bien, dans des conditions exigeantes et athlétiques, si cet ensemble m’accompagne avec naturel et harmonie, ou s’il me gêne aux entournures. À ce sujet, notez qu’UYN taille petit. Moi qui porte généralement du S en haut et du S/M en bas, je teste ici du M, et j’y suis bien.
Au bonheur du thermomètre
En cette fin d’été/début d’automne, ma première surprise vient de la polyvalence du combo face à d’importants écarts de température. De douze degrés à sept heures du matin, jusqu’à vingt-sept en fin de sortie, je ne ressens ni le besoin d’un coupe-vent au démarrage, ni de rouler maillot ouvert à l’arrivée. La maille rend prisonnière une couche d’air inerte, exactement comme lorsqu’on porte une résille un peu épaisse sous un jersey conventionnel. Ici donc, pas besoin de résille. De même, lorsque le soleil est au zénith, on s’étonne de rester toujours sec.
La transpiration est très bien évacuée par évaporation, aussi bien au niveau de jersey qu’au niveau de la selle, sans doute grâce au chamois maison, particulièrement fin et aéré. Un bon point pour les cyclistes qui partent plusieurs jours dans des conditions changeantes avec une tenue minimale, comme dans le cas de courses d’ultra-distance par exemple.
Le jersey moule le corps. Et c’est peu dire, au premier essayage lorsqu’on actionne la fermeture éclair, on se dit que le jersey va éclater. Mais ce maillot se révèle absolument confortable, avec une maille qui picote très légèrement exactement comme lorsqu’on porte un pull en mérinos ou en cashmere à même la peau. Certains cyclistes ne s’en rendront même pas compte ; une faible minorité, à la peau particulièrement fine et sensible, pourraient en être gênés.
Les manches et le bas du jersey sont parfaitement ajustés évidemment, ce qui rend l’ensemble particulièrement élégant. Une certaine transparence, l’association des différentes mailles et des couleurs en font, à mon avis, une pièce particulièrement originale et remarquable, qui ne laissera personne indifférent.
Petit bémol, les poches arrières me paraissent un peu petites, et accrochent les doigts lorsque, en roulant, on veut y introduire ou en extraire un coupe-vent ou un petit objet. Cela ne m’a guère dérangé car j’utilise peu les poches arrières, mais ce détail mérite d’être signalé. Peut-être faudrait-il en doubler l’intérieur avec un tissu plus fluide, quitte à nuire très légèrement aux qualités respirantes du jersey ?
Le cuissard est également une merveille d’ergonomie. Plusieurs mailles sont associées pour donner corps à un pantalon extrêmement moulant et confortable. Technique et esthétique s’associent pour notre plus grand bonheur, et l’insert “maison”, s’il parait un peu proéminent sur l’arrière de la selle, se révèle particulièrement fin et respirant. Reste à voir si sa surface, à la limite du pelucheux, résiste bien dans le temps. En attendant, nous avons encore affaire ici à une très belle pièce textile.
La jambe est de longueur conventionnelle, ni trop longue, ni trop courte. Le cuissard apporte une compression favorable à la récupération mais ne gêne en rien dans l’effort. Comble de raffinement, le bas du cuissard n’est pas ceinturé par un bandeau élastique mais par une maille à la trame plus serrée que celles du restant de la jambe. Sur l’arrière de la selle, le chamois paraît quelque peu proéminent mais aucune gêne n’est ressentie au porté.
Le test de l’odeur
Après trois jours et trois grosse sorties (350 km au total), je constate que l’ensemble supporte assez bien un usage répété. Certes, le cuissard a vraiment besoin d’un lavage, mais je n’ai pas ressenti sur la dernière journée de brûlures ou d’irritations particulières. De même, le test de l’odeur (réalisé sans filet et sans trucage à mes risques et périls) démontre que les fibres très élaborées du jersey ne retiennent pas – ou très peu- les bactéries. Un bon point de plus pour un usage en ultra-distance.
Pour ce qui est du lavage, je me méfie de la potentielle fragilité de la maille et du chamois du cuissard au contact de boutons, scratches ou autres fermetures éclair peu amènes dans le tourné-boulé du tambour de la machine à laver. La protection d’un filet me parait indispensable, mais c’est le lot de tous mes équipements de qualité lorsqu’ils partent en lessive.
UYN a poussé le détail à broder sur le bas du jersey les préconisations de lavage, ce qui n’est pas inutile lorsqu’on sait que le premier geste des cyclistes obsessionnels (dont je suis) est de découper les étiquettes intempestives qui fleurissent habituellement au revers des jerseys et des cuissards. Une attention toute en délicatesse, marque italienne oblige.
Une communication caricaturale et dépassée
Venons-en maintenant à ce qui me plait moins, et même pas du tout – mais tout est subjectif me direz-vous – le site internet de la marque qui est, pour moi, ce qui se fait de mieux… en matière de mauvais goût. Les slogans, les modèles, les photos, la mise en page, tout me fait penser aux publicités pour des marques de rasoir ou de voitures à la mi-temps des matches de foot.
Le SUV devant le centre de recherche et les femmes derrière les machines à coudre, voilà un imaginaire macho et périmé, bien loin de ce que le cyclisme actuel peu proposer en matière d’alternatives, d’originalité, de partage et d’altérité. C’est vraiment dommage de véhiculer de tels poncifs lorsqu’on propose de produits aussi novateurs et élaborés.
“Vêtements à contenu technique élevé”
Je repense à cette allégation de la firme Trerè – les “vêtements à contenu technique élevé” – et je dois reconnaître que cette expression barbare fait désormais sens à mes yeux en ce qui concerne ce jersey et ce cuissard Alpha. Les fibres utilisées, le maillage, sont extrêmement complexes, je n’ai jamais vu un tricot de ce type. C’est beau, confortable, chaud et frais à la fois, c’est toujours sec, ça ne sent pas mauvais, même après plusieurs jours d’utilisation. On tient la un bon produit, indubitablement, même si ce n’est pas donné. Mais la recherche et le développement ont un coût… L’originalité aussi.
Un ensemble polyvalent, novateur et original
Cet ensemble conviendra aussi bien à des cyclistes qui font des sorties ultra sportives, courtes et intenses, qu’à ceux qui partent plusieurs jours sur des épreuves d’ultra distance, car il convient pour des conditions météo très diverses. La large plage de températures dans laquelle cet ensemble peut être utilisé, son parfait équilibre entre respirabilité, isolation et confort (même après plusieurs jours sans lavage) en fait un combo extrêmement versatile, surtout si on l’associe à une paire de manchette et des jambières en mérinos, ainsi qu’un coupe-vent pour les descentes de col et les journées fraîches et les conditions humides.
À ce titre, on aurait aimé tester le coupe-vent de la gamme, histoire de savoir s’il apporte de réelles innovations en matière d’isolation et de respirabilité. En tout cas, après cette première expérience extrêmement positive, nous resterons attentifs aux autres produits proposés par UYN et ses futurs développements, comme par exemple avec la collection d’hiver qui vient d’être mise en ligne sur le site.
Jersey UYN Alpha manches courtes homme 149€
Cuissard vélo UYN Alpha homme 199 €