Photo de couverture : taillé pour la performance
Une fois de plus, après le Sarto l’hiver dernier, je vous propose un gravel transalpin haut de gamme. Cette fois ce sera un test de longue durée puisque j’ai parcouru 1500 km au guidon du Palta, le gravel de Basso. De quoi se faire une idée assez précise, que je vais tenter de retranscrire dans ces lignes.
Basso est une marque implantée en Italie, dans la région de la Vénétie, avec une usine aux pieds des Dolomites. Une usine qui ne fait pas uniquement de l’assemblage, car Basso fabrique intégralement ses cadres ici même, sur le sol italien. Une tradition de longue date, qui a perduré même à l l’arrivée du carbone chez Basso. On trouve, sur le catalogue de la marque italienne, des cadres qui ne ressemblent à aucun autre, contrairement à beaucoup d’autres marques utilisant des cadres « génériques », qui uniformisent bien trop souvent les modèles. Le Palta arbore ainsi fièrement l’ADN de sa marque avec un cadre au design mêlant classicisme et innovation, notamment dans le dessin de la fourche. Il faut bien admettre que dans bien des domaines, les italiens savent créer des designs qui suscitent l’émotion, et le Palta n’y échappe pas. Très bien fini, les lignes respirent la sportivité, et nous verrons qu’en effet c’est le tempérament de ce Palta, qui arrive à sa deuxième génération. Les nuances de couleurs proposées sont également d’une grande harmonie.
La géométrie est finalement relativement classique au regard du design. Le cadre est d’ailleurs homologué UCI, comme tous les Basso. Ce Palta peut donc s’aligner légalement au départ d’une course de Cyclo-Cross. Cependant, on pourra privilégier pour cela le FastCross, aux angles plus agressifs et aux bases plus courtes. Car les bases du Palta ne sont pas si courtes, avec une valeur de 430 mm. Il est intéressant de remarquer un angle de direction de 70° dans cette taille en M. Je reparlerai plus bas, dans l’aspect « dynamique », de ces valeurs dans mon ressenti sur le terrain au fil de ces kilomètres à son bord.
Côté équipement, mon exemplaire de test est équipé avec un groupe GRX de la série RX810, dans sa version mono plateau. Le cadre est également compatible pour une monte double-plateau, et Di2 (électronique).
Les périphériques sont gratifiants visuellement, avec une potence en aluminium très bien intégrée avec le cadre, et une tige de selle en carbone (à la section bien spécifique, quasiment ovale) qui l’est tout autant. Le cintre, en aluminium, est plus classique, avec un dessin presque « routier ». Là aussi, j’y reviendrai plus tard, et malheureusement pas vraiment en bien…
Les roues sont ici des Hunt Gravel4Season, dans une version Xwide de 25mm de largeur interne. De quoi accueillir avec aisance des pneus Vittoria Terreno en 700 x 38mm. Avec un montage surprenant en Gravel (mais répandu en VTT) d’avoir différencié avant et arrière, avec une version « MIX » plus cramponnée à l’avant.
Le cadre est spécifiquement conçu pour des roues de 700. La « clearance » maximale annoncée est de 42mm.
Côté poids, mon exemplaire en taille MD (52 cm) affiche 9 kg avec pédales et portes bidons. On a vu mieux, mais cela reste cohérent avec les équipements précités.
Si l’on fait une synthèse du design, de la géométrie affichée et des équipements, on est en face d’un Gravel qui semble frôler la perfection. Doit-on pour autant prendre ces chiffres pour argent comptant et déjà déclarer que c’est le cas ? Non, le pragmatisme est de rigueur et l’essai dynamique doit rester le juge de paix… Un essai qui totalisé très exactement 1504 km à l’écriture de cet article, réalisé dans le Var, dans des proportions pistes et routes à peu près équivalente.
En selle !
Shimano a pris son temps, comme toujours, pour aborder spécifiquement le marché Gravel & Cyclo-Cross. Grand bien lui a pris car c’est un véritable uppercut pour la concurrence. Le freinage, imparable, et au touché si rassurant, mets tout le monde d’accord.
L’onctuosité et la rapidité des changements de vitesses (souvent deux points faibles en transmission mono-plateau) sont bien au-delà de ce que je connaissais jusqu’à présent. Finalement, à part le fait de ne pas proposer (pour l’instant) un petit pignon de 10 dents, c’est bien un K.O au premier round pour son concurrent américain. Ne lui en voulons pas, ce dernier avait été particulièrement précoce en la matière et il a ouvert la voix aux transmissions mono plateau dédiées à autre chose que l’univers VTT.
Ce long test m’a permis néanmoins de ressentir une nette détérioration, entre le début et la fin de mon test, de la précision et de la vitesse des changements de braquets. Une conséquence de l’usure de la chaîne, qui est soumise à de fortes contraintes sur un montage mono-plateau. Shimano n’y échappe pas. Cela reste malgré tout bien moins marqué que sur les groupes 12 vitesses en VTT, où les chaînes sont souvent déjà très fatiguées au bout de 1000 km (dans des conditions d’utilisation plus sévères, c’est vrai…).
Cette transmission efficace colle parfaitement à l’esprit du Basso : sportif ! À commencer par la position, où l’on retrouve une posture proche de celle d’un pur vélo de cyclo-cross. Si ce n’était pas déjà le cas, le pilote comprend là qu’il n’est pas sur une machine dédiée à la balade…
Car nous avons là un étalon italien nerveux qui répond instantanément présent quand il faut faire parler les Watts. L’excellente rigidité latérale retransmet fidèlement la puissance investie, sans pour autant être trop exigeant. La « boite » de pédalier encaisse sans sourciller (du moins avec mon gabarit de 70 kg) et participe aux belles sensations en accélérations.
Des accélérations et relances qui pourraient néanmoins être bien plus efficientes avec des roues plus légères. Les HUNT 4SEASON GRAVEL XWIDE se montre cependant polyvalentes, avec tout de même de plus sérieux atouts en « off road » que sur la route. Durant ce long test, j’ai réalisé parfois des parcours bien plus typés « XC » que « Gravel », et je dois bien reconnaitre que ces roues, à défaut d’être particulièrement légères, se sont montrées d’une robustesse remarquable. Une remarque qu’il convient de moduler bien évidemment en fonction de votre poids !
C’est notamment durant ces parcours parfois bien au-delà du domaine purement « gravier » que j’ai pu apprécier l’extraordinaire aptitude du Palta à rester efficace en descente, même chaotique. Le guidage est toujours précis, le cadre ne se désuni jamais, l’angle de direction de 70° degré associé à un déport bien pensé apportent une stabilité rassurante. La géométrie globale est de toute façon pensée en ce sens, avec un ce train avant très avancé, l’axe de la roue avant se trouvant bien au-delà de la référence horizontale du cintre quand vous êtes au commande…
Cette fourche, au design si particulier, absorbe relativement bien les sollicitations frontales, tout en offrant un guidage rigoureux. Sans atteindre la rigidité (parfois extrême) d’une fourche 3T, celle-ci est un bel exemple de compromis entre filtration et rigidité. Performance qu’il faut aborder dans le couple fourche et cadre, la douille de direction étant une pièce maitresse dans cette relation durable…
La maniabilité n’est pas en reste, rendant les sessions en « single track » ludiques et efficaces. Il faudra néanmoins être fin pour trouver parfois la motricité, car même en adaptant la pression des pneumatiques, le train arrière se veut exigeant. J’y reviendrai plus bas…
Bon, vous allez vous dire « Ok, il est donc parfait ce Palta !? ».
Et bien non ! … Durant ces nombreux kilomètres à son guidon, j’ai noté quelques défauts, ou du moins, pour rester plus humble, quelques points perfectibles qui noircissent le tableau.
Commençons justement par le guidon. Ce cintre, comme tous les périphériques montés sur les Basso, vient de chez Microtech, propriété de la marque Basso. Mon jugement est catégorique sur ce point : je n’ai jamais essayé un cintre aussi rigide. Celui-ci n’a absolument aucun « flex ». Associé à une guidoline aussi dure que l’aluminium qu’elle recouvre, il n’a pour moi aucunement sa place sur un vélo de ce type, sensé évoluer sur pistes poussiéreuses et non pas sur la piste d’un vélodrome. Même en restant sur une gamme aluminium, le marché regorge de cintre bien plus permissif en la matière… C’est regrettable, car sa forme est plutôt bien pensée pour un usage mixte route et pistes, avec notamment une valeur de Drop parfaite. La belle intégration de la potence n’y changera malheureusement rien.
La tige de selle, en carbone, est une belle pièce esthétique. Malheureusement, ce n’est pas non plus un modèle de tolérance. Et ce n’est pas la fine couche de matière plastique (quasiment rigide) qui fait interface avec le cadre qui va pouvoir y remédier. Trop sévère je suis ? Non. J’apporte une importance capitale aux périphériques, qui ont un rôle déterminant dans la filtration des aspérités du terrain, a fortiori sur nos montures « tout rigide ».
Sur le Palta, ce ne sont donc pas les périphériques qui vont adoucir le comportement du triangle arrière. Le dynamisme de ce cadre, évoqué plus haut, se paye ici par une filtration elle aussi…sportive. Pourtant, avec des bases de 430mm, et sur un cadre en carbone, je m’attendais à une filtration verticale plus poussée. Sans être réellement rédhibitoire, ce n’est clairement pas un point fort du modèle. Cela se ressent également sur la motricité, plus délicate à conserver que sur des cadres un peu plus « souple ». C’est une caractéristique à prendre en compte pour un usage qui serait orienté vers l’endurance, malgré la possibilité d’emporter trois portes-bidons. Ici, Basso a orienté son Palta vers la performance. Peut-être un peu trop, car un compromis un peu plus « tolérant » aurait élargi son domaine d’utilisation.
Au fil de son usage, très varié vous l’aurez compris, j’ai malheureusement pu remarquer une grande fragilité de la peinture. Très valorisante visuellement, celle-ci supporte très mal le moindre écart de votre part…
Il me semblait opportun, au vu des kilomètres parcourus, d’en profiter pour décrire les pneus Terreno de chez Vittoria. Ceux-ci se sont montrés d’une très grande robustesse, malgré un usage parfois « cross-country ». Aucune crevaison n’est également venue me perturber lors de mes nombreuses sorties. Le montage différencié avant et arrière est une pratique que l’on voit peu sur les gravels, alors qu’il peut apporter des combinaisons intéressantes.
Dans ce cas précis, la version MIX à l’avant offre un grip remarquable. En revanche, il le fait clairement ressentir par un rendement médiocre et bruyant sur route. Le version DRY, montée ici à l’arrière, est bien plus polyvalente pour notre usage. L’usure remarquée sur 1500 km est tout à fait dans la norme et n’amène pas de critiques particulières. J’ai remarqué que les flancs, très robustes comme je l’ai déjà évoqué, sont d’un ressenti assez rigide. Il y a donc là matière à améliorer le confort de ce Palta avec un monte pneumatique plus souple.
J’ai pu échanger avec deux propriétaires de PALTA (je parle bien de propriétaires « classiques » et non pas d’ambassadeurs de la marque). Voici leurs ressentis en quelques mots, que je souhaitais vous faire partager :
Patrick (65 ans, Alpes-Maritimes) : « Un vélo d’artisan à la ligne simpliste, sportif et efficace. En descente, c’est un vrai rail ! ».
Marjorie (42 ans, Haute-Garonne) : « Super en relance, très dynamique, et encore assez confort. En résumé c’est un vélo très polyvalent, très roulant sur le bitume et très maniable sur les chemins techniques. Le mono-plateau est pour moi un plus, il me permet d’éviter de me poser trop de question, le groupe GRX est un régal. Ma vitesse moyenne sur des chemins de terre que j’emprunte en rentrant du travail est plus élevée qu’avec mon vtt électrique que j’avais il y a 2 ans. Le seul point négatif pour moi pour l’instant c’est la fragilité de la peinture. »
Pour conclure, et pour résumer ce que j’ai ressenti au guidon du Basso Palta : c’est un Gravel dédié aux pratiquants les plus sportifs. En étant physiques et techniques, ces derniers pourront exploiter tout le potentiel de cet étalon italien. Très réussie visuellement, c’est une belle machine fabriquée en Italie qui fera tourner (rapidement) les têtes. En contrepartie, c’est un vélo qui vous fera payer ses belles qualités dynamiques par un confort de filtration exigeant, loin de certains vélos concurrents, qui ont réussi à trouver un meilleur compromis. Mais si vous êtes aguerri, doté d’un budget confortable, et insensible aux notions de confort, vous pouvez alors envisager le Palta car malgré ces points perfectibles, c’est une machine efficace et diablement attachante.
Prix : environ 3800 € dans cette version
Caractéristiques
- Matériau du cadre : Carbone 100% 3K Torayca High Modulus Carbon Fiber (HMCF) T700-MR60
- Structure du cadre : Top tube : 1 x 0° + 1 x 22° + 2 x 45° ; Down tube : 2 x 0° + 1 x 22° + 2 x 45° ; HT : 2 x 0° + 4 x 45° ST : 1 x 0° + 3 x 22°; CS and ST : 1 x 0° + 3 x 22° + 1 x 45°.
- Fourche : Basso Palta Carbone, axe traversant de 12 x 100 mm, fixation d’étrier Flatmount
- Douille de direction : 1 1/8” – 1 1/2”
- Potence : Basso Diamante alloy -11° 100mm
- Boitier de pédalier : BB86 Press Fit
- Tailles de roues possible : 700c
- Clearance (largeur maximale pneumatique): 42mm
- Types de freins : Disques, flat mount
- Axe arrière : axe traversant 12mm x 142mm
- Équipement du modèle testé :
- Freins : Shimano GRX (BR-RX810)
- Leviers : Shimano GRX 810
- Pédalier : Shimano GRX 42T
- Cassette : Shimano GRX 11-42T
- Derailleur : Shimano GRX 810
- Roues : 700, Hunt Gravel4Season, version Xwide de 25mm de largeur interne
- Pneu avant : Vittoria Terreno Mix 700x38c
- Pneu arriére : Vittoria Terreno Dry 700x38c
- Cintre : Microtech XL (aluminium)
- Guidoline : Basso synthetic cork
- Potence : Basso Diamante (aluminium)
- Tige de selle : Basso Carbone
- Selle : San Marco Aspide
- Tailles disponibles : 45cm XS | 48cm SM | 52cm MD (version essayé) | 55cm LG | 58cm XL |
- Couleurs : Shadow Grey (version essayé) Siena Terra, Grape, Emerald Green, Purple Label
Site fabriquant : https://www.bassobikes.com/shop-en/bikes/gravel/palta.html