La tendance « Néo rétro » connaît un certain succès en décoration intérieure. C’est le grand retour de nos vieux meubles oubliés, à condition de les revisiter pour leur donner une touche contemporaine. Pareil pour la moto : des motards passionnés, amoureux des « vieux cubes », mixent des pièces anciennes à des éléments récents en gardant le look rétro des vieilles bécanes. Cette tendance inspire également les designers des marques de motos et d’automobiles, qui ressortent des modèles récents en s’inspirant des lignes de leurs modèles célèbres d’autrefois.
Entre les délires du marketing, et la volonté de réutiliser des objets durables, notre coeur peut balancer et il faudra faire le tri. La réussite d’un projet néo-rétro n’est pas toujours au rendez-vous. Pour ma part, je suis plus attiré par la vision d’un néo-rétro consistant au ré-emploi qui évitera de “poubelliser” des objets, dont l’usage est toujours possible.
Le vélo, entre le revamping et la restauration
Cette tendance, qui consiste à « revamper » des objets du passé, ne pouvait pas échapper au monde du vélo. On a souvent utilisé abusivement du terme « vintage » qui ne signifie absolument pas ancien. En effet, ce mot nous vient de l’anglais, et on peut le traduire par « millésimé ». Ce terme étant lui-même emprunté aux mot « vendange », qui est bien un mot français. Choisissons donc de parler plutôt de rétro, pour évoquer ce retour en arrière qui nous transporte à l’époque où nos vélos possédaient des lignes pures et intemporelles.
Les progrès technologiques ont apporté de véritables progrès à nos vélos en matière de confort, de sécurité, de facilité d’usage. Prenons par exemple l’éclairage. Nous disposions autrefois d’une archaïque et lourde dynamo, qui venait frotter le pneu et freiner le rendement, pour finalement ne produire qu’un maigre pinceau lumineux blafard. Aujourd’hui une petite lampe rechargeable en USB qui se fixe par une sangle extensible sera une solution élégante et légère pour nous éclairer. Les systèmes de roulement avec des petites billes figées dans la graisse ont disparus, remplacés par des roulements en cages, fluides et étanches. Les pédales avec cales-pieds sont entrées au musée du vélo depuis l’invention des pédales auto, … La liste de ces progrès est longue.
Tout cela nous amène à considérer qu’un vieux vélo, sur lequel on aura apporté un part de modernité, peut devenir, après quelques adaptations, un excellent compagnon de route. Il convient de respecter quelques règles pour ne pas être iconoclaste en déguisant une bête de course en « promène bo bo ». Il est important de respecter l’esprit du vélo, et de garder les pièces anciennes que vous aurez démontées, pour un éventuel retour arrière … on ne sait jamais.
Gardons le meilleur du passé …
Le cadre
L’histoire de mon vélo est singulière et faite de hasards. Avec mon copain Pierre nous avions rencontré quelqu’un qui vendait un stock de vélos « pista », détenus par un Club qui arrêtait son activité. Dans le lot il y avait un cadre, avec son pédalier piste (plateau de 46) et sa tige de selle. La signature de Bernard Carré m’a tout de suite attirée car c’était mon cadreur fétiche des années 70-80 et surtout celui qui m’avait construit mon premier vélo de course, à ma mesure. Personne ne voulait de ce cadre rose, peint à l’aérographe. Les acheteurs ne se précipitaient pas autour de ce vélo de « cirque ». Moi il m’inspirait l’ambiance colorée des 6 jours d’autrefois. J’imaginais des cyclistes habillés de maillots en soie colorés, qui bataillaient avec de telles machines, sur un anneau dans le odeurs de fritures, poussés dans ce combat haut en couleurs, par le son nasillard du micro d’un speaker énervé.
Ce pista rose, taillé comme un vélo de poursuite avec ses cotes presque carrées (56×55,5) me faisait de l’oeil. Je l’ai acheté. Il est passé par la case “bo bo” lorsque j’étais en région parisienne, équipé d’un guidon Bull Horn, des roues de piste moyeux Campa à boyaux, j’ai fait quelques rides à Paris avec. Il a 6 ans il a suivi mon déménagement à Aix et il se morfondait, suspendu au clou, dans mon local vélo. Un jour je l’ai même mis en vente sur LBC … personne n’en a voulu, et tant mieux.
Géométrie
A | B | C | D | E | F | G | H |
560 | 575 | 550 | 400 | 600 | 75° | 74° | 160 |
Grâce à Pierre qui m’a trouvé une fourche Vitus chromée neuve et des roues Gipiemme Pista à pneus, et grâce à Gabriel de Dynamo Cycle Repairs qui a fait le montage, nous avons transformé ce pista en routier mono-speed dans le pur esprit “néo-rétro” et pas “bo bo”. L’idée étant de rouler, éventuellement en pignon fixe, grâce à sa roue arrière “flip flop”.
La base d’un montage néo-rétro est un savant dosage entre esthétique et efficacité : la forme et le fond. Sa forme exprimera l’aspect rétro que l’on recherche, le fond lui permettra de rouler correctement et aussi bien qu’un vélo moderne. Si vous cherchez un cadre pour un projet fiez-vous aux décalques Reynolds, Vitus, Columbus, … qui vous indiqueront un cadre de qualité.
Souvent le constructeur a laissé sa trace sur le cadre. On la retrouve, gravée dans l’acier. Ce cadre ancien va apporter des contraintes qui font partie du plaisir de ce genre de montage : montage de freins sur un vélo qui en était dépourvu, passage de pneus de plus grosse dimension que des boyaux, porte-bidon, … Elles fixeront les limites de l’actualisation du vélo, surtout si vous souhaitez éviter, par de nouvelles brasures, de dégrader la peinture, … L’acier ou l’alu seront forcément privilégiés. Mais pourquoi pas monter sur un cadre carbone de première génération des roues avec des cercles en alu brossé avec des moyeux grandes flasques. Tout est permis … enfin presque.
Le pédalier
Pour moi le pédalier à privilégier sera un modèle du passé. Il m’a semblé évident de garder sur ce montage fixie « Néo-rétro » ce pédalier Gipiemme pista, et ses manivelles de 165 mm qui étaient sur le vélo quand je l’ai acheté. L’axe sur cages à billes à emmanchements carrés a été changé pour une axe du même type mais équipé de roulements. J’ai mis un plateau de 42 dents à la place du 46, pour attaquer les bosses parfois raides et longues par ici. Les anciennes « étoiles » du passé donneront une allure d’enfer à votre projet. Je vous invite à lire ici notre article sur les pédaliers en alu. Campa, T.A., Sronglight, … Ces 3 marques existent toujours. Vous trouverez d’ailleurs sur le catalogue T.A des pièces neuves au standard des années passées.
Les freins
Les freins du coup seront sur jante. Rien de plus beau qu’un Mafac, ébavuré et poli proprement. D’accord ça ne freine pas comme des disques, mais c’est tellement chouette et bien réglés ces freins ne sont pas si mal que ça. Pour ma part ce sont des Campa Mirage achetés sur Le Bon Coin, qui gèrent mon freinage avant et arrière. J’ai mis des patins neufs achetés sur le Cyclo.com.
Pour les manettes, rien de tel que des modèles avec de belles cocottes pour une bonne prise en main. On aime bien dans ce cas monter un modèle récent comme les manettes 520 de Tektro. Elles assurent une excellente prise de main et on va gagner en confort dans les longues montées effectuées en danseuse.
Les roues
C’est là que le progrès a été le plus important. Les moyeux actuels, dotés de bons roulements, les jantes assez larges pour monter des pneus de 25 … ou plus. Après, pour le clin d’oeil rétro, on pourra choisir des grandes flasques. Sur ce fixie des roues Gipiemme (marque créée en 1962) Pista assurent un très bon rendement avec un moyeu “flip/flop” à l’arrière qui permet de passer du pignon fixe à la roue libre de 18 dents. Les pneus Maxxis de 25 mm offrent une excellente qualité de roulage. Les roues ne sont pas light 1,2 kg / pièce. Une seule roue est déjà plus lourde qu’une paire de roues carbone / Dyneema que je possède pour le gravel. Peu importe, elles ont de l’inertie et avec les excellents Maxxis ça file pas trop mal.
Les pédales
Je suis passé au Crank Brothers Candy : chaussage facile et déchaussage rapide. Avec une bonne surface d’appui cette pédale est facile d’entretien et on trouve facilement de quoi la rénover dès que les roulements jettent l’éponge. Avec mes chaussures Mavic AllRoad Pro ou mes Fizik “Les Classiques” équipées d’un convertisseur 3 / 2 trous, c’est parfait je peux même marcher sans ressembler à un canard.
Les équipements
Attention le risque avec les équipements est de faire la faute de goût fatale. Un petit détail qui cloche et c’est fichu.
Pour le guidon et la potence j’ai joué la valeur sure : Cinelli d’époque. Fini le Bull Horn et le guidon de piste aux épaules tombantes que j’ai eu un moment et qui était inadapté à la pratique routière. J’ai gardé ma potence en montant un vieux cintre Cinelli route taille 42 conforme au diamètre de la potence.
Pour la selle, j’ai joué la carte de la modernité en montant la selle Fizik Tempo Argo R3 de la série limitée “Les Classiques” que j’ai testée. Avec sa guidoline assortie, cette selle est parfaite pour mes sorties longues. Moderne dans sa conception, elle repose sur une tige se selle “No name” ancienne de type Campa dont j’ai hérité en achetant ce vélo.
La trousse à outils Silca … Très chic, et plutôt chère, mais parfaitement dans l’esprit néo-rétro, avec son aspect tissu et son serrage Boa. Cette trousse personnalisée m’a été offerte par Boa et elle me permet de ranger ma clé de 15 (obligatoire pour dévisser les boulons de roues), mon kit crevaison et un multi-outils CrankBrothers muni d’un dérive chaîne. Prévoir d’emmener dans la trousse un bout de chaîne en cas de rupture cela pourra être nécessaire.
Améliorations
Je vous parlais de faute de goût à éviter. Pour moi elle est flagrante sur mon vélo à propos de son porte-bidon. J’attends une petite intervention pour faire poser deux rivets filetés afin de mettre un beau porte bidon vissé sur ce cadre piste, qui n’était pas vraiment destiné à recevoir un tel accessoire. Alors je m’excuse auprès des puristes, mais j’en ai eu marre de faire la chasse aux fontaines cet été sur les chaudes routes de la région et pour l’instant ça me dépanne.
Pour conclure
Ce vélo, dans cette version, roule parfaitement bien. La chasse avant a été améliorée grâce au remplacement de la fourche. Je fais des sorties jusqu’à 100 km et 1200 m de D+ et l’esprit de ces sorties est complément différent de celles que je fais en version “déraillée”. Le côté amusant avec ce vélo est d’avoir à gérer une vitesse de rotation de jambes pas trop épuisante pour garder une bonne allure et de savoir comment attaquer les pentes d’un petit col avec des relances fréquentes en danseuse.
Ça m’amuse d’emmener mon “Pinkie” sur des routes qu’il n’aurait jamais connues, si il était resté dans son emploi d’origine. Je roule en silence, ma pratique est minimaliste et assumée. Les moyennes de mes sorties sont loin d’être ridicules et souvent très proches de ce que je fais avec mon WishOne avec dérailleurs.
J’ai essayé de rouler en pignon fixe, mais ça n’a pas été une réussite. Cela constitue une “prise de tête” qui me gâche le plaisir. C’est épouvantable dans les descentes, sur le plat je n’avance pas plus vite et je me prive des moments de rêveries lorsque je laisse filer en roue libre dans les descentes, l’esprit libre et le nez au vent.
Je suis assez heureux du nouvel emploi de ce vélo de piste. Sa géométrie assez classique convient bien à son nouvel usage route, la nouvelle fourche a tout changé. La marge d’amélioration éventuelle de ce vélo se situe au niveau des roues, qui gagneraient à être plus légères. Mon rêve serait de trouver des roues pista en carbone pour un montage pneus. Pour l’instant je profite pleinement de mon “Pink Fixie” et je savoure l’étonnement qu’il suscite quand je roule avec dans un peloton.
Chouette vélo que j’avais déjà bien reluqué dans article sur les périphériques Fizik.
C’est vrai que les vieux cadres acier sont magnifiques, malheureusement certaines pièces sont difficiles à remplacer lorsqu’elles rendent l’âme (une fourche tordue au niveau du pivot pour ma part)
Du coup je le suis offert un cadre Aventon en alu pour passer du néo retro bobo au hypster bobo.
C’est tape à l’oeil et ça ne roule pas mieux. Déçu.
Même problème pour les roues, ça plombe…
J’aimerais me lancer dans le montage de roue avec des jantes plus légères, mais j’ose pas.
Oui le problème est de trouver un vélociste à l’ancienne capable de re-tarauder un boîtier de pédalier, de refaire des roues, … Pour les roues le sourcing n’est pas facile. On cherche en ce moment avec Pierre une solution pour intégrer des roulements à la place des billes sur les superbes moyeux anciens. Après il faut trouver des jantes light pour les pneus. Les accessoires copies d’ancien type Vélo Orange pèsent une tonne par rapport aux pièces anciennes. J’ai la chance à Aix d’avoir GAbriel de Dynamo Cyclo Repairs qui m’aide bien sur les montages.
Ah le “vintage” ! Cette tendance qui va labelliser les vieux trucs dont il fallait se débarrasser hier encore ! Les clavettes recalcitrantes, les freins qui peinent à seulement vous ralentir, les dérailleurs non indexés qui caquètent comme des poules ! Les garde boue en inox qui frottent ! Que de souvenirs… Ce qui était vieux et dépassé devient de nouveau désirable grâce à l’étiquette “vintage”, c’est un peu magique quand même. Dommage pour les pragmatiques, ceux qui cherchent de l’utile aux qualités intrinsèques, car affublées d’une telle étiquette les prix des montures s’envolent !
Je sens le sarcasme dans ce commentaire qui grince comme une vielle chaine rouillée. Sas doute dû à une madeleine de Proust avalée de travers, et qui fait tousser. C’est vrai qu’un dérailleur électrique, des freins à disques, des roues carbone, … c’est beaucoup mieux et ça se démode plus vite au profit d’une consommation effrénée 😉
Le sarcasme ne vous est pas destiné, comme vous je déplore ces tendances de notre époque, entre effets de mode et surconsommation. Quelle sera la prochaine mode en matière de bicyclette ? Celle au creux de la vague aujourd’hui ? Tout cela va bien trop vite et semble bien précaire. Je conserve mon vélo qui a 15 ans… Pas pour spéculer, mais bien pour rouler avec !
Ben moi il me plait bien, ce porte-bidon ! D’ailleurs je déplore que ça devient introuvable, même en occase avec des colliers, pour équiper mon Talbot qui n’a pas d’inserts ! Si vous avez des plans pour en trouver je suis preneur !
Merci pour cette article. Il y a peu, j’ai récupéré un vieux vélo et j’avais bien envie de le retaper. Mais on m’a déconseillé de faire ça, dans la mesure où le cadre est en acier de chauffage. Du coup je cherche un vieux vélo un peu plus potable.
En lisant l’article, une question m’est venue : pourquoi changer la fourche ? Je précise que je suis un total néophyte.
Le changement de fourche était nécessaire car ce vélo était un vélo de piste,fait pour tourner sur une piste. Ces vélos ont une chasse très courte ce qui veux dire qu’ils sont très manoeuvrant mais que sur route le vélo garde moins bien la ligne … De plus la fourche piste d’origine n”était pas faite pour recevoir un frein. En mettant une fourche route l’avant est devenu plus stable et j’ai un frein … Ce changement n’est pas nécessaire sur un vélo conçu pour la route.