,Pour beaucoup d’entre-nous, le royaume du Lesotho est totalement inconnu. Les Français, c’est bien connu, sont nuls en géographie. Cet état indépendant depuis 1966 est situé en Afrique du Sud. C’est un ancien protectorat britannique (Basutoland), et c’est aujourd’hui une monarchie constitutionnelle dont le souverain est Letsie III. Sa capitale et seule grande ville est Maseru. Le Lesotho compte environ deux millions d’habitants. Les Sothos (qui ont donné leur nom au pays), y sont majoritaires (source Wiképédia).
Jean-Baptiste Wiroth, qui a vécu 3 ans au Cap, avait inscrit cette destination dans sa liste de voyages. Pour que cette aventure soit plus fun, il l’a organisée à vélo en mode bikepacking avec son épouse et ses 2 filles Léna 14 ans et Capucine 16 ans. Une aventure familiale qu’il a baptisé : “The Great Lesotho Traverse”.
« L’idée de ce bike trip familial au Lesotho a commencé à germer début septembre 2020. Je me suis donc mis à réfléchir au parcours, à la logistique et au matériel. Il faut tout optimiser pour pouvoir faire ce voyage en autonomie avec nos 2 filles …», explique Jean-Baptiste qui nous a envoyé cette “carte postale” du Lesotho. Bienvenue en terre inconnue…
Étape 1 : Ladybrand – Roma
60km / 860m D+ / 4h13 « The Kingdom in the Sky ! »
Le 24 décembre vers midi, nous débarquons à Ladybrand après 14h de bus. Je monte nos 4 vélos et les premiers tours de roue sont donnés en direction du poste frontière de Maseru, où nous devons entrer au Lesotho.
Les 15 km de route sont rapidement avalés et nous voilà devant la douane sud-africaine. Il n’y a pas grand monde, et les formalités se font relativement rapidement. La traversée de Maseru s’avèrera assez mouvementée avec beaucoup de circulation dans tous les sens. Une heure plus tard, nous retrouvons la campagne et les premières pistes. Les paysages sont magnifiques et la lumière étincelante… ce Pays porte bien son nom : The Kingdom in the Sky.
En fin d’après-midi, nous arrivons enfin à Roma où nous partons faire quelques courses dans la seule épicerie du village, située tout en haut d’une longue côte.
Le menu de Noël sera assez frugal avec un œuf dur, un peu de riz et quelle rondelles de concombre. On se souviendra longtemps de ce réveillon de Noël 2020 !
Étape 2 : Roma – Ramabanta
38km / 987m D+ / 2h46
En ce jour de Noël, après une nuit réparatrice de plus de 10 heures, nous reprenons la route pour la seconde étape qui doit nous mener à Ramabanta. Compte tenu de la fatigue induite par le voyage, de la première étape, et surtout de la légère déshydratation de la veille, nous faisons le choix de rester sur la route sans nous aventurer sur les chemins ardus de la région. Mais à la sortie de Roma, c’est une côte de 4 km à plus de 8 % qui nous attend. De nombreux taxis-bus surchargés sont arrêtés en surchauffe sur le bord de la route.
À mi-étape, nous nous ravitaillons dans une petite échoppe de bord de route. Avec l’achat de huit bananes, deux poires et dix sachets de mélange cacahuète / raisins secs, nous sommes élus « best customers of the day ». La transaction s’agrémente d’une discussion animée autour du football tant européen qu’africain. Le vendeur connaît l’Olympique de Marseille, je suis content.
En fin de matinée, nous arrivons à Ramabanta où Elisa nous attend au Maluti Stay Lodge. Nous sommes les seuls clients de ce grand hôtel. Après une courte négociation, elle nous prépare un lunch fort apprécié : poulet au curry, riz et épinards. L’après-midi est dédié à une sieste fort bienvenue, et à la préparation des vélos pour la troisième étape : petits réglages, nettoyage des chaînes, ajustement des pressions des pneumatiques …
Étape 3 : Ramabanta – Semonkong
42km / 1346m D+ / 6h41 « Baboons Pass »
Cette étape pourrait s’intituler « Enfer et Paradis », tant elle était dure, mais aussi révélatrice de la force mentale de nos filles. En effet, nous décidons de faire la première partie du parcours en mode tout-terrain en passant Baboons Pass. Or, ces 20 km de VTT se sont avérés être beaucoup plus durs qu’envisagé sur la carte. Outre les forts pourcentages du départ, il nous a fallu franchir d’innombrables pierriers défoncés par les récentes pluies.
Ces portages sont véritablement épuisants avec des vélos chargés de 10 à 20 kg d’équipements divers. À 16h, nous arrivons finalement au sommet du col. L’orage gronde et la tension monte d’un cran, car nous ne voyons pas la fin de cette piste interminable… On commence à envisager l’option de bivouaquer en montagne si nous ne faisons pas rapidement la jonction avec la route de Semonkong. Fort heureusement vers 18 heures au détour d’un énième petit col, nous apercevons enfin la route : joie, larmes, délivrance ! Nous arrivons finalement au Semonkong Lodge dans la nuit noire après 12h dans la montagne.
Étape 4 : Semonkong Falls
5km / 157m D+ / 1h11 « The Place of Smoke »
Nous décidons d’aller visiter les chutes de la rivière Maletsunyane, les Semonkong Falls, qui seraient les plus hautes d’Afrique avec une hauteur de 186 m. Pour cette « étape », nous décidons cependant de changer de monture en optant pour des Basotho Horses, ces petits chevaux parfaitement adaptés aux montagnes locales. Après 30 minutes de Horse Riding, nous atteignons les chutes. Le paysage est sublime. Tout au fond de la gorge, le nuage permanent de gouttelettes permet de mieux comprendre le nom du lieu : the Place Of Smoke (ou Semonkong).
Étape 5 : Semonkong – Latsetse
69km / 1446m D+ / 6h « Rendez-vous en terre inconnue »
À 7h, le départ de l’étape est donné, nous enchaînons les montées et de descentes dans des paysages somptueux. Au km21, il faut prendre une décision stratégique sur notre itinéraire : soit rester sur la piste principale, soit s’enfoncer dans les gorges de la Maletsunyane et remonter sur l’autre rive. Après avoir interrogé quelques locaux je décide de quitter l’itinéraire GPS, préconisé par Logan Watts dans Backpacking.com, et de rester sur la piste principale. Avantage : c’est plus roulant et nous ne risquons pas de nous perdre (l’épisode Baboon Pass m’a un peu refroidi). Inconvénient : ce sera plus long. Vers 17 heures, nous sommes encore très loin de notre objectif. Je propose donc au reste de la famille de demander l’hébergement au prochain village rencontré.
Finalement, nous arrivons à Latsetse, un joli village perché en hauteur au-dessus de la piste. Le berger assis au bord du chemin ne comprend pas un mot d’anglais. Nous adoptons alors le langage universel des signes : « dodo » , « manger » , « money ». Après moult échanges entre eux, les villageois acceptent finalement de nous accueillir pour la soirée. Nous comprendrons a posteriori qu’ils n’ont jamais accueilli de voyageurs étrangers dans leur village. Débute alors l’épisode « rendez-vous en terre inconnue de notre aventure » ! Tout le village vient nous saluer, puis nous accompagne à notre Rondavel (petite case traditionnelle de forme circulaire avec un toit de chaume)… Un moment fort.
Étape 6 : Latsetse – Thaba Tseka
61km / 1691m D+ / 5h50 « Wasp attack »
Au moment de partir, nous échangeons nos contacts et nous apprenons alors que certaines des jeunes femmes du village sont sur Facebook. Sidération ! C’est dans ce genre d’instant que vous réalisez la puissance du concept.
Nous reprenons la piste avec l’objectif de rallier Thaba Tseka en fin de journée. Nous continuons à enchaîner les montées assassines et les descentes rapides jusqu’à Mantsonyane où nous allons vivre la péripétie la plus marquante (et douloureuse) de notre aventure : en nous arrêtant dans une épicerie pour acheter quelques fruits, nous sommes attaqués par un nid de guêpes cachées dans un carton, qui nous piquent à de multiples reprises. Dans la panique, nous sommes obligés de nous réfugier dans une case du village face à l’agressivité des guêpes. Finalement, les guêpes se calment un peu et nous pouvons récupérer nos vélos.
Coup de bol, le chef du village qui était à l’épicerie au moment de l’attaque vient à notre secours et nous propose très gentiment de nous transporter avec son 4×4 jusqu’à notre hébergement situé 45 km plus loin. Pendant le trajet, nous décompressons enfin (les filles sont en larmes), et savourons le fait d’être en voiture, car la pente est rude et l’orage gronde. D’ailleurs, nous effectuons la fin du trajet cernés par les éclairs, les coups de tonnerre, et sous les trombes d’eaux.
Étape 7 : Mokhontlong – Sani Pass
48km / 1413m D+ / 3h40 « Jour de l’an à Sani Pass »
Après 2 jours de repos, nous nous sentons mieux en ce 1er janvier. Nous décidons donc de nous élancer vers Sani Pass et ses 3240 m d’altitude. Au sommet, il fait 6-7°C et il pleut : la descente vers la frontière ne va pas être une partie de plaisir. Après 45 minutes de descente sous une pluie battante, nous arrivons au poste-frontière grelottants et trempés jusqu’à l’os.
J’ai beaucoup de mal à extraire les passeports du sac à dos dans ces conditions. Les douaniers lesothiens nous informent alors que le Sani Mountain Lodge est ouvert. Nous y trouvons un poêle ronflant et des chocolats chauds qui nous permettent de nous réchauffer rapidement. Voyant qu’il continue à pleuvoir, et que le brouillard s’est levé, il est impossible d’envisager la fin de la descente de Sani Pass (qui devient une piste) dans des conditions de sécurité optimale. Nous décidons de passer la soirée dans ce Lodge très accueillant et confortable.
Étape 8 : Sani Pass – Himeville
24km / 57m D+ / 1h30 « Retrouvaille avec la COVID »
Au réveil, nous avons le plaisir de constater que la pluie a cessé et que nous sommes au-dessus d’une mer de nuages. Après un petit déjeuner reconstituant, nous profitons du réseau wi-fi pour répondre à divers messages et animer notre compte Instagram The Bicycling Family (@thebicyclingfam). Vers 10 heures, nous nous élançons pour la fameuse descente de Sani Pass, connue de tous les sud-africains amoureux de nature.
La première partie de la piste est en très mauvais état et nous apprécions d’avoir des bons VTT semi-rigides équipés de fourches Rock Shox. Après 9 km, nous arrivons finalement au poste frontière sud-africain, où nous allons devoir faire la queue pour réaliser un test Covid que nous espérons tous être négatif. L’attente est assez longue, car il y a une trentaine de personnes qui attendent devant nous pour obtenir ce sésame et entrer en Afrique du Sud. Finalement, vient notre tour et quelques minutes après, nous obtenons les résultats : négatif ! Ouf… nous allons pouvoir poursuivre notre périple au Kwazulu-Natal.
Étape 9 : Himeville – Nottingham Road
102km / 2105m D+ / 7h « Record de distance battu pour les filles ! »
Cette dernière grosse étape, de plus de 100 km, doit nous faire traverser une partie du sud Drakensberg pour nous amener jusqu’au Midlands. Malheureusement, il se met à pleuvoir pendant notre petit déjeuner. Nous pressentons que la journée risque d’être difficile sur le vélo. Je décide donc de préparer des bidons de thé chaud et de couvrir nos jambes d’huile chauffante afin de résister à ces conditions fraîches et humides. Fort heureusement, la pluie se calme au moment du départ donné sur une partie de route asphaltée. Après 10 km, nous tournons à gauche et c’est parti pour 60 km de piste boueuse. Quelques 4×4 nous doublent et nous aspergent d’eau boueuse. Les filles ne sont pas contentes ! Comme la pluie redouble, nous sommes obligés d’enfiler nos « Gore Tex » une nouvelle fois. Elles seront rapidement maculées de boue mais offre une bonne protection contre l’humidité. Finalement après 70 km parcourus, nous retrouvons la route. Celle-ci est assez accidentée, cela monte et cela descend sans cesse. Nous atteignons néanmoins Nottingham Road en fin de journée où nous nous installons au Notties Hotel, véritable institution dans la région. En effet cette hôtel existait déjà au XIXe siècle, car situé sur l’axe stratégique Durban – Johannesbourg.
Étape 10 : Nottingham Road – Pietermaritzburg
51 km / 451 m D+ / 2h31 « Nelson Mandela Capture Site »
En imaginant notre itinéraire, j’ai pris soin de nous faire passer devant le musée Nelson Mandela Capture Site que nous espérons pouvoir visiter. Arrivé sur place, nous parquons nos vélos sans cadenas, espérant qu’ils seront toujours là après la visite. Le musée en lui-même n’est pas très grand, mais il est très bien structuré et nous passionne tous. On y apprend que c’est à cette endroit précis de la R103 que Nelson Mandela a été arrêté le 6 août 1962 lors d’un banal contrôle routier mis en place par la police de l’apartheid. l’issue de cette arrestation il sera jugé et condamné à 27 ans de prison. Cette visite passionnante et émouvante, nous permet de mieux comprendre l’histoire mouvementée de l’Afrique du Sud à cette époque.
Nous finissons cette étape en suivant la R 103 qui va nous mener jusqu’à quartier de Hilton sur les hauteurs de Pietermaritzburg où nous attendent Charles, Leslie et Bentley (le chien), nos hôtes du soir contactés via le site Internet warmShowers.org
Étape 11
« Décompression »
Nous profitons du petit déjeuner avec nos hôtes pour réfléchir aux différentes options pour cette dernière étape qui doit nous emmener jusqu’à Durban. Les filles sont assez fatiguées et pas motivées pour faire les quelques 100 km de route qui nous séparent de la troisième plus grande ville d’Afrique du Sud. De notre côté, Emmanuelle et moi sommes conscients qu’il va falloir évoluer dans la circulation entre les voitures, les taxi-bus et les poids-lourds… avec la fatigue et la chaleur, le risque d’accident est assez élevé. Nous décidons donc de faire le gros de cette étape en taxi-bus.
Arrivés à Durban, nous remontons les vélos et prenons la direction de a plage pour faire la photo finish et piquer une tête dans l’océan indien. C’est magnifique, et on est tous les quatre très heureux d’être là.
Deux jours plus, tard, voilà enfin venu le jour du retour vers notre maison de Cape Town. L’aventure The Great Lesotho Traverse se termine. Au total, nous aurons roulé pendant plus de 50h et parcouru 650m pour 15.000m de D+. Au dela des chiffres, que de souvenirs emmagasinés … en famille !
Remerciements
- Nos sponsors : DT Swiss France, Zéfal, Meltonic, Urge, WTS – The Coaching Company
- Les Villageois de Latsetse pour leur accueil
- Charles et Leslie pour la soirée Warmshowers à Pietermaritzburg
- Johann et Dana qui nous ont conseillé sur le Lesotho
Vous pouvez nous contacter et suivre nos aventures sur Instagram : @thebicyclingfam
Jean-Baptiste Wiroth
Merci pour ce bel article !
Belle restitution de voyage, inspirante et authentique ! Félicitations pour cette aventure familiale !