C’est en pleine garrigue, un peu à l’écart d’un hameau d’Ardèche Méridionale, que Yann Thomas avait choisi d’installer son atelier de cadreur, Salamandre Cycles. Ce bricoleur bourru, ingénieur de formation, créait des vélos atypiques mais extrêmement pertinents. Réputé pour ses fat bikes, il savait aussi fabriquer des vélos cargo, des cruisers singlespeed, des tandems, des handibikes… Il se plaisait à inventer des vélos à la fois rustiques et raffinés, au croisement de son imagination fertile et du désir de ces clients. Pourvu que le projet le passionne et qu’il puisse y insuffler un brin de folie, il s’enthousiasmait volontiers face à la commande, en faisant preuve d’une grande écoute tout en mobilisant son expertise en matière de pilotage tout-terrain, d’aventure et de voyage.
Suite au Concours de Machines 2018 où j’avais été fasciné par son prototype, je lui avais demandé de me fabriquer un “monster gravel”, un vélo à la fois vif et rapide mais équipé de pneus surdimensionnés. Il avait concrétisé cette idée avec brio. Yann donnait toujours un nom à ses créations. Celle qu’il a nommée “bombera” (pompier au féminin en espagnol, en référence aux pistes DFCI pour lesquelles elle a été conçue) est, encore aujourd’hui, ma monture à la fois la plus singulière et la plus adaptée à ma personnalité, à mon physique, à mes besoins en matière de raid-aventure.
Dans le marché de niche des vélos sur mesure, Yann se faisait remarquer par une extrême pugnacité, une liberté farouche et une grande indifférence face aux effets de mode, à la bienséance et aux mondanités. Un jour torride d’été aux Vans, alors que je tentais vainement de me rafraîchir en terrasse, j’avais vu débarquer ce solide gaillard, souriant et suant au guidon d’une Salamandre surchargée de sacoches sanglées à la va-vite, avec une bouteille de limonade en verre (celles qui ont un bouchon en porcelaine) en guise de bidon. Il avait le regard malicieux et plissé derrière ses petites lunettes à monture d’acier, il était affublé de sa légendaire chemisette à carreaux battant au vent comme une cape de super-héros et pédalait en sandales sur des pédales plates.
Le bonhomme revenait d’une aventure de quinze jours où, en guise de vacances, il venait d’effectuer le tour… de son numéro de téléphone. Oui, en commençant par le 07, l’Ardèche, ça tombait bien, puis le 87, la Haute-Vienne, c’était beaucoup plus loin, et ainsi de suite… Je n’avais pu m’empêcher de penser que ce type, tout sourire, venait de parcourir la France entière en quinze jours sur un concept génial, sans même avoir de compte Strava pour partager sa trace et valoriser son exploit.
Un jour, Yann m’avait avoué qu’il se réveillait la nuit en pensant aux vélos qu’il devait réaliser, mi angoissé mi-habité par le rêve qu’il venait d’en faire. Les idées surgissaient comme ça, et c’est toujours d’une voix douce et coulante qu’il n’hésitait pas à imposer ses visons – sa vision du vélo – et les solutions techniques qu’il allait mettre en œuvre pour mener à bien le projet.
C’est en pleine garrigue, à l’écart d’un hameau en Ardèche Méridionale, que Yann Thomas avait choisi d’installer son atelier de fabrication de cycles. C’est là qu’il est tombé, en plein travail, en nous léguant comme héritage des vélos mythiques et le droit de rêver, en toute liberté, à tous les vélos qu’il n’avait pas encore fabriqués, qu’il ne fabriquera jamais, mais que nous pourrons toujours imaginer.
Merci pour cet hommage à cet homme que je ne connaissais qu’au travers des récits d’un de ses ami, mais que j’aurais adoré rencontrer.
Bel hommage et une invitation à suivre sa propre piste.
Oui, très bel hommage, tout en retenue et sans effets. A l’image du personnage, probablement.
Merci.
très bel hommage.
Un créateur de génie comme on aimerait en cotoyer + souvent.
Son âme va continuer à vivre au travers de ses créations. De très belle pièces, uniques.
Merci Dan pour ce beau texte ! Toute ma gratitude et mon respect à Yann pour le “mal nommé” Escargot ( vélo que tu m’a transmis cet été) qui est aujourd’hui mon plus fidèle , véloce, beau et costaud compagnon de travail !
Salut Antoine,
Ce n’est pas Escargot mais S (de Salamandre)-Kargo (ce qui lui permet d’aller beaucoup plus vite !) Bien content de savoir que cette machine te convient – Yann aurait été ravi de ce témoignage ! Quant au S-Kargo, c’est d’autant plus, désormais, un vélo d’exception…
J’ai rencontré Yann pour mon projet de cadre en Septembre 2019. J’ai passé une matinée de rêve à rouler et discuté avec un passionné généreux, curieux, une très belle personne.
il a fabriquer mon vélo, la Salamandre au cadre marron de la photo du haut. Une merveille à chaque sorties.
Merci pour tout à Yann.