Quand on parle de single, en ce qui concerne le vélo, cela signifie que l’on roule avec un seul pignon sur la roue arrière. Il existe deux catégories qu’il faut bien distinguer : le pignon fixe et le single speed. Dans le premier cas il s’agit d’un entraînement en prise directe de la roue arrière, dans le second le pignon dispose du dispositif de roue libre. Dans les deux cas, mais dans des contextes différents, le cycliste qui fait ce choix du pignon unique, s’impose quelques contraintes qui peuvent surprendre les adeptes du dérailleur. Photo de couve, le vélo de Maxime Barat.
Essayons de comprendre pourquoi certains sont atteints par cette “single mania”, notamment dans le monde du gravel longue distance. Alors masochisme, philosophie ou simplement plaisir assumé ? J’en ai parlé à 2 illustres utilisateurs de ce type de transmission : Maxime Barat, qui a terminé avec le deuxième temps, devant beaucoup de “déraillés”, lors de la French Divide 2021, et Rémi Lequint (dit “Quinquin”), qui a bouclé la Sea to Peak 2021 sur son vélo made in “par lui-même”.
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Un peu d’histoire
Comme vous le savez le vélo, dans sa forme actuelle, est une invention qui remonte au 19ème siècle. À l’origine ce vélo était un “single” et l’usage du dérailleur viendra plus tard dans le cyclotourisme et il faudra attendre la fin des années 30 pour le voir sur le Tour de France. Au fil des années, les pignons qui ornaient notre roue arrière se sont multipliés. Lorsque je roulais dans les années 80 avec 6 vitesses je pensais que l’on avait atteint le maximum. Aujourd’hui nous en sommes au double et nous avons même atteint le chiffre de la chance : 13… Est-ce une chance ?
Mon propos n’est pas nostalgique, mais je me souviens que dans nos périodes hivernales d’entraînements on roulait en pignon fixe pour se préparer à la saison de printemps. On faisait ça sur des distances courtes, en mettant l’accent sur la vélocité que cette pratique permettait de développer. Les techniques d’entraînements ont évolué et aujourd’hui peu de coureurs se préparent ainsi à l’ancienne.
Pourquoi faire compliqué, quand on peut rester simple ?
Aujourd’hui rouler en single ou en pignon fixe est devenu presque ringuard, alors que c’était “hype” au début des années 2000. Les légendaires coursiers à vélo, qui étaient à l’origine de cette mode urbaine, souffrent de problèmes de genoux et ils disposent maintenant de vélos confortables ou de vélos cargos électriques. Les “solistes” urbains du pignon arrière sont moins nombreux. Je perçois néanmoins un frémissement, qui annonce un retour vers la simplicité. Ce qui est le plus étonnant, c’est qu’il m’est venu d’un terrain où je ne l’attendais pas : les pistes du gravel bikepacking et même du gravel engagé longue distance.
Une tendance forte aux US
Encore une fois cette tendance nous vient des US, ce qui est normal au regard du nombre de pratiquants présents sur l’énorme marché du cycle de ce grand pays. Le média “Bikepacking.com” se fait régulièrement l’écho de ces étranges cyclistes, qui ont fait le voeux de sobriété en matière de pignons. Pour faire le lien entre les coursiers à vélo et les amateurs de single longue distance, je vous invite à relire le portrait d’Alexendera, que Fabian avait fait pour Bike Café. Elle a été “coursière”, avant de s’aventurer vers des parcours plus lointains. Elle roule sur un Chumba monté en Singlespeed, équipé d’un pédalier de 36 dents associé à une cassette de 19 dents. Alexendera roule en pédales plates, chaussée de grosses « boots », qui ne sont absolument pas destinées au vélo, et encore moins à de l’ultra.
Toujours aux US le couple Katie et Andrew Strempke s’illustre sur des VTT légers montés en SS en participant à des courses de folie. Cette année, la course “Pinyons and Pines” consacrait la fête des singlespeeds, avec dans les 5 premiers finisseurs 4 cyclistes roulant de cette façon. Andrew a remporté la course au général et Katie s’est classée troisième au classement général et a été la première femme à franchir la ligne. (infos et photo sur Bikepacking.com)
Et en pignon fixe alors !
Alors là c’est plus rare … la longue distance gravel ou “off road” en fixe, c’est une autre affaire. C’est pourtant le choix qu’à fait ponctuellement un de nos chroniqueurs le plus actif : Dan de Rosilles en terminant la Pirinexus 360 avec un braquet de 37 x 15 (ratio 2.5) et 37 x 20 (ratio 1.9) en retournant la roue. Au passage, il réalise ce petit exploit sur un vélo vintage sur lequel les pattes arrières ont été modifiées, pour assurer la tension de chaîne.
Il a même récidivé sur la Veneto Gravel : 720 km et 4300 m de D+ en 37X17, Chapeau …
Portraits croisés
Pour illustrer cette “single mania” j’ai contacté 2 ambassadeurs en France de ce retour à la simplicité en gravel bikepacking. Rémi et Maxime. Tous deux sont des bikepackers expérimentés et leurs exploits, dans le simple appareil d’un pignon unique, sont remarquables.
Les points communs de leurs vélos sont nombreux. Il y a tout d’abord le guidon plat choisi, qui autorise plus de manoeuvrabilité, le choix de l’acier pour la solidité du vélo, le ballon des pneus qui apporte le confort et qui permet d’aborder tous les terrains, l’importante sacoche de triangle (8 litres pour Rémi) qui permet d’emporter l’équipement minimal, placé idéalement sur le vélo. Enfin, pour conclure sur ces similitudes, il y a ce simple pignon arrière, qui est le sujet de cet article.
Les vélos de Maxime et Rémi sont bien des vélos pour le bikepacking léger dans l’esprit gravel, même si le flat bar et le dimension des pneus les rapprochent de la silhouette d’un VTT.
Maxime
“J’ai commencé le pignon fixe en 2015, je faisais déjà des longues sorties sur route. Ça m’a toujours plu, mais pour moi c’était trop contraignant de voyager avec un seul pignon en fixe“, explique Maxime. Il délaisse la route pour s’orienter plutôt sur VTT et le gravel, jusqu’au jour où fin 2019 il casse son vélo de voyage et il ne trouve pour le remplacer qu’un cadre spécifique pour le single speed. Du coup le voilà reparti sur un pignon unique, comme ceux de ses potes à Bordeaux qui roulent pour beaucoup en single l’hiver. Le terrain là-bas est plutôt plat et sablonneux ce qui malmène les cassettes multi-vitesses et engendre des frais qui sont bien plus élevés que sur une transmissions single.
Lorsque Maxime décide de refaire la French Divide après avoir déjà participé en 2018 sur un MR4, il contacte le Bike Café Musette à Bordeaux. “Eux, comme ils sont anglais et américains, ils sont branchés sur ce type de machines. Quand je leur ai dit que je voulais faire la French Divide mais que je n’avais pas trouvé le vélo pour ça, ils m’ont dit : attend Max on va te trouver ça …“, me dit Maxime qui s’empresse à aller le tester dans un premier temps avec un dérailleur car ce cadre possède des pattes coulissantes compatibles avec les 2 types de montages. C’est seulement une semaine avant l’épreuve, mis en confiance par le kilométrage effectué précédemment sur son single perso, que Maxime décide de démonter le dérailleur pour prendre le départ en mono-vitesse. “Et je me suis régalé …”, me dit Maxime qui signe le deuxième temps de cette édition 2021.
Sur la French Divide Maxime a roulé en 32 x 18 ce qui fait un ratio de 1,8. “Sur le plat je roule à 22 km/h, entre 12 et 22 je suis assis, entre 7 et 12 je suis en danseuse et en dessous de 7 km/h je pousse“, précise Maxime.
Le podcast avec Maxime
Le vélo de Maxime est un Brother Big Bro
Rémi
Le poids de la machine est un critère important pour Rémi “C’est du bon sens, essayez un vélo à 25 kg dans les chemins et un autre à 15 kg, vous verrez tout de suite la différence“, explique t-il sur son blog. Cliquez sur ce lien pour découvrir la Préparation du vélo de Rémi pour la Sea to Peak.
Le vélo de Rémi est son RouBaiX qu’il a fabriqué chez Lafraise. Il est monté en 29×2.2 avec des roues RAR avec moyeu dynamo à l’avant et en single speed. Il dispose de deux ratios : 1.9 et 1.7 pour la plaine et la montagne. Le guidon droit est là pour différentes raisons, en single speed. Selon Rémi avoir un cintre large avec du levier est un plus : “C’est comme si j’avais 2-3 vitesses en plus. Ensuite j’aime vraiment la position dans le technique, j’ai plus de contrôle et freiner avec juste un doigt est vraiment un plaisir. Enfin, ayant eu une tendinite au coude, j’ai remarqué que le drop bar était en partie en cause, ça se passe mieux avec le flat“.
Lorsque Rémi aborde le sujet de son choix de transmission il admet une recherche simplicité et de déconsommation, ajoutant que le pilotage est plus efficace, plus fluide, plus pur comme diraient certains. “Oui, il y a un côté anti-conformiste, mais ce n’est pas un choix aberrant, au contraire, il ne faut pas oublier que l’Highland Trail 550 s’est gagné en single cette année et que c’est un singlespeed qui fini deuxième sur le Tour Divide 2018. Comme quoi, en longue distance, le single a un réel intérêt par sa régularité induite, même si il demande une bonne préparation pour s’y adapter et comme on dit … », précise Rémi, ajoutant « Tout est possible en single, à vérifier … »
Bravo à Maxime et à Rémi : j’admire leur courage. Je souhaiterais connaître le type d’éclairage arrière du Big Brother de Maxime (autonome ou dynamo, marque, type)
Merci pour ce dossier bien rédigé.
J’ai envie de me faire faire un Gravel SS.