Certains vélos traversent les âges et se transmettent de génération en génération, c’est le cas pour ce Mecacycle “Turbo” qui était le modèle phare de la marque de Saint-Étienne, avec son double tube de selle. Matthieu, notre rédacteur-en-chef, a fait ce curieux héritage. Il a roulé récemment avec le vélo de son “Papou” pour participer à la Bonne Mère Cyclo Classic.
Mecacycle
Un peu d’histoire extraite d’un article paru sur encycloduvelo.fr : “Raymond Crozet est une personnalité importante dans l’histoire de la construction du vélo en France. Son CV est impressionnant ! Il a travaillé chez Vitus, sur le cadre ZX1 en monocoque carbone, puis a été responsable du bureau d’études chez Stronglight, où il a développé entre autres, la manivelle rockstrong pour le VTT. Mais le nom de Raymond Crozet est surtout synonyme de la marque Mécacycle, fondée à Saint-Etienne. PME de 15 salariés, Mecacycle sortait 500 à 600 cadres par mois, et même des VTT au début des années 80.
Son modèle principal, le cadre Turbo, avait pour originalité son double tube de selle donnant plus de rigidité au cadre. Il a été décliné en version piste, cyclocross et route. La version cyclo-cross était recherchée par les coureurs de cette discipline, qui évitait les dépôts de boue entre le pneu et la partie arrière du tube de selle. Des Mecacycle sont exposés au musée de Saint-Etienne.“
Le Turbo était construit en soudo-brasé avec des tubes Vitus Rocky et Vitus Stone (ou tubes français Excell) ce qui rend le cadre assez léger pour un vélo acier pré-90. Raymond Crozet a subdivisé le tube de selle en deux parties pour une meilleure rigidité latérale, et pour créer des bases plus courtes. Il a d’abord utilisé ce design sur son cadre de route. Raymond Crozet n’a pas copié ce qui se faisait aux USA mais a préféré trouver sa propre solution. Mecacycle a été le premier fabricant artisanal de VTT en France en 1983, et il a construit l’un des premiers VTT en fibre de carbone en 1987 (avec des tubes de canne à pêche collés dans un cadre en acier), la même année que le Kestrel MXZ. Ce vélo a remporté la longue course à travers l’Afrique, le Paris-Gao-Dakar. Au début des années 90, Raymond Crozet arrête Mecacycle et travaille pour Vitus et Stronglight…
Le vélo du Papou
Ce vélo ne m’a pas toujours fait de l’oeil. Mais je l’ai toujours vu, étant plus jeune, lors de mes vacances à Carpentras, pendu dans un coin du garage. À l’époque (j’avais 12(?) ans), je n’étais pas fan de vélo, encore moins pratiquant et rien ne m’aurait barbé davantage que d’aller faire un tour ou de me pencher sur cette machine. Et pourtant… il y avait du beau matos sur ce vélo : cadre acier Vitus, dérailleur avant Huret et arrière Mavic, leviers de freins Mavic, cintre et potence Mavic, selle Turbo et une transmission 42/52 dents à l’avant, couplée à une cassette 11/25 à l’arrière.
Ce Mecacycle avait été donné ou vendu à mon oncle par sa copine de l’époque. Ce dernier travaillait alors à Montpellier et avait un peu roulé avec mais étant plutôt un fan du ballon ovale, le vélo n’avait pas accumulé beaucoup de kilomètres. Rapidement, le vélo avait été récupéré par mon grand-père qui pratiquait le vélo loisirs, sans objectif de chrono ou de distance, mais simplement pour prendre l’air ou aller porter le journal à sa belle-fille.
Un vélo à usage randonneur et sportif
Le “Papou” avait pris pour habitude d’emmener le Mecacycle chaque année dans les Alpes-de-Haute-Provence (à l’époque appelées Basses Alpes) durant les vacances, le vélo solidement sanglé sur le toit de la voiture.
Son plaisir était de revenir à vélo de Barles, le village dont il était originaire à 30 minutes au nord de Digne-les-Bains, pour rejoindre le Vaucluse.
Un périple relativement costaud pour l’époque (165 km) qu’il n’a jamais bouclé dans son intégralité.
Selon mon oncle, mon grand-père mettait souvent pied à terre entre Apt et Coustellet, endroit où ma grand-mère venait ensuite le chercher en voiture. “Chaque année, il roulait un peu moins et j’allais le chercher un peu plus loin”, raconte ma grand-mère.
Hormis ces virées annuelles, mon grand-père prenait du plaisir à rouler sur ce vélo. Il a très certainement fait le tour du Ventoux avec, sans jamais oser réaliser son ascension alors qu’il en avait les capacités, en pur montagnard qu’il était. Mon grand-père était quelqu’un de très discret, qui n’était pas du genre à raconter la distance qu’il avait parcourue ou autres petites anecdotes cyclistes. Une des rares confidences qu’il avait faite à ma grand-mère était de s’être fait doubler par une “fusée” selon ses mots par un autre cycliste, du côté de Bédoin… C’était Eric Caritoux, le local de l’étape qui avait tout de même gagné la Vuelta en 1984, donc inutile de vous dire qu’il n’avait pas essayé de s’accrocher… Mon grand-père roulait plutôt l’été et ne craignait pas les plus de 40°C qui écrasaient souvent le Vaucluse à cette période de l’année. “Il aimait aller rouler quand le bitume commençait à fondre”, ajoute ma grand-mère.
Une restauration complète
Ce vélo avait donc une histoire particulière mais celle-ci ne m’intéressa que plus tard, quand le vélo était devenu une passion. Après une rencontre avec Gabriel Refait, à Aix-en-Provence, c’est tout naturellement que je me tournais vers Dynamo Cycle Repairs, son atelier de remise en état des vélos d’époque pour faire de nouveau briller les chromes du Mecacycle. Je me rappellerai longtemps quand Gabriel est venu me rendre le vélo, nous étions alors en plein confinement et on osait alors à peine sortir pour faire son heure de balade quotidienne.
Je l’ai vu sortir le vélo du coffre, étincelant après des heures de nettoyage des chromes (de la fourche, bases et haubans), le remplacement de la guidoline. Gabriel avait réalisé un démontage complet de la machine, nettoyé et poli toutes les pièces en métal, graissé les roulements et le jeu de direction, restauré la selle Turbo, réglé la hauteur de selle ainsi que les 2 dérailleurs.
Seules entorses par rapport au matériel d’époque : les cocottes d’époque ont été remplacées par un modèle en plastique de coloris vintage et les pneus Hutchinson changés par des Michelin Dynamic Classic en 25 mm, histoire de gagner un peu de confort.
Faire revivre le vélo : La Bonne Mère Cyclo Classic, un bon point de départ
Lorsque Gabriel nous évoqua son projet de rallier la Bonne Mère à Marseille depuis Aix, je me suis dit que l’occasion était trop belle pour ne pas faire rouler de nouveau cette belle machine. La veille de l’épreuve, sans l’avoir essayée plus de 10 kilomètres, ni avoir changé le moindre réglage sur la position (hormis la sortie de selle), je m’offrais un peu de facilité en changeant les pédales à cale-pieds d’origine par mes Crankbrothers Skullcandy. Pas de crème, un bon cuissard custom Chef de File et un maillot en mérinos 7Mesh Ashlu, maintes fois éprouvé sur des sorties longues et très agréable et c’était parti pour une belle journée de roulage avec des aficionados du vintage. Pour emporter le matos de réparation et un peu de sucré, une simple sacoche de cintre Missgrape Moon Commuting, déjà testée sur un trip dans le Luberon, qui donnait une touche moderne du plus bel effet.
Le rendez-vous était donné au café Mana, au coeur d’Aix-en-Provence, pour un petit noir et une rencontre avec des passionnés de vélos, qui avaient tous joué le jeu en venant avec des machines datant d’avant les années 2000.
Je me suis senti tout de suite bien posé sur ce Mecacycle, la prise en main du cintre, assez étroit, demande un petit temps d’adaptation mais sinon, le vélo filait à vive allure, tel qu’il avait dû filer sur les routes du Vaucluse. Dans la bosse de Saint-Antonin, qui monte sur la barre du Cengle, il a fallu faire un peu de musculation pour emmener le 42-25 mais une fois le rythme trouvé, aucun problème ! Le reste de la rando a été un véritable régal, le parcours vallonné, sans être trop difficile, m’a permis de prendre un énorme plaisir. J’ai été aussi impressionné du rendement et confort du vélo sur le plat, on peut enrouler du braquet avec un “toucher” de route onctueux, grâce à l’acier qui apporte cette absorption indéniable sur les revêtements dégradés. Bref, arrivé à la fin de la cyclo, que j’ai dû écourter, j’avais encore envie de continuer malgré les 85 km au compteur.
Prochain défi : grimper le Ventoux ?!
Un vrai bonheur, ce Mecacycle, et quelle émotion de rouler avec le vélo du Papou ! J’aurais aimé le faire plus tôt mais le temps file et on laisse parfois, à tort, les choses essentielles de côté. Rouler avec le vélo de mon grand-père en faisait partie et je compte bien rouler de nouveau ce “Turbo” sur les pentes du Ventoux ou sur le trajet qu’il réalisait entre Barles et Carpentras !
Bonjour Matthieu, merci pour le reportage et les photos ! Je suis sur la restauration d’un cadre similaire et je bloque pour trouver une tige de selle adaptée. Auriez vous plus d’info sur la tige de selle pour cadre Mecacycle Turbo ? merci !
Bonsoir, je suis Christophe Mezzasoma, j’ai travaillé avec Raymond Crozet pour mon plus grand bonheur, un génie de la construction de cadres mais également d’accessoires. J’ai encore mon vieux turbo et peut être une tige de selle dans mon petit stock. La particularité de la tige de selle comme pour beaucoup d’autres systèmes pensé par Raymond consistait à remplacer un maximum des pièces à braser sur le cadre, ainsi la tige de selle possède un expendeur presque identique à celui des plongeurs de potences de l’époque et Raymond avait fait fabriquer des petites clefs 6 pans crochetées pour actionner la vis…
Bonjour Philippe, désolé de ma réponse tardive ! Je remercie Christophe pour sa réponse et vous propose de vous mettre en relation pour aider la rénovation de cette belle machine ?! sportivement, Matthieu