Après l’été dernier, j’ai décidé d’aller au Tadjikistan pour pédaler à travers les montagnes du Pamir. Cette région est relativement connue par les voyageurs à vélo, c’est là-bas qu’on trouve la fameuse “Pamir Highway” ! Partir rouler là-bas permet de profiter de paysages de haute montagne – le col le plus haut est à 4655 m – et probablement des gens les plus accueillants au monde ! (Récit de Tristan Marek – photos Tristan Marek, Alexandre Englisch et Niklas Gabrisch)
Partir rouler est une série d’articles réalisés par nos lecteurs, qui nous ont proposé de partager sur Bike Café, leurs récits d’aventures ou de voyages à vélo. La rédaction sélectionne les meilleurs récits (textes et images), pour les publier dans notre rubrique “Parcours”.
Ce pays partage une frontière avec la Chine, l’Afghanistan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan. C’est un des pays les plus pauvres d’Asie centrale. On n’y trouve peu de ressources, excepté de l’eau car les glaciers et les hautes montagnes du Tadjikistan sont la source de la plupart des rivières en Asie centrale. Le pays est majoritairement peuplé par les Tadjiks, mais dans la région autonome du Pamir on peut aussi y rencontrer des Pamiris.
WhatsApp, ça marche au Tadjikistan…
Tout commence à l’atterrissage à Douchanbé, capitale du Tadjikistan, à 4 heures du matin. Le contrôle des passeports est simple et rapide. Cependant, après une heure d’attente, je comprends dans un mélange d’anglais, de russe et de tadjik que mon vélo est bloqué à l’escale d’Istanbul et qu’il n’arrivera que dans 2 jours.
Je sors de l’aéroport avec juste mon petit sac à dos. Assez rapidement, je trouve quelqu’un pour me conduire à l’auberge de jeunesse, tout cela en russe, je ne peux que recommander d’apprendre les basiques en russe ! Ce n’est pas si dur, cela vous facilitera la vie et vous permettra d’échanger plus avec les locaux qui ne demandent que ça ! Il ne connaissait pas bien la ville, et finalement c’est moi qui l’ai guidé jusqu’à l’arrivée (les cartes hors-lignes peuvent être très utiles). Une fois à l’auberge, le réceptionniste ne parle que russe, mais nous réussissons à nous comprendre et il me montre ma chambre, ouf ma réservation par WhatsApp a marché !
Le matin, je savais que j’étais coincé à Douchanbé pour deux jours, mais finalement c’est pile le temps qu’il m’a fallu pour me préparer pour le Pamir. La première étape est de trouver de l’argent liquide, bien que le réceptionniste m’ait prêté l’équivalent de 20 € sans hésiter, pour me rendre service. Ensuite il a fallu que je m’enregistre au bureau des douanes et que j’obtienne mon permis pour le GBAO (le nom russe de la région du Haut-Badakhchan (le Pamir). Le permis est nécessaire car la région du Pamir est autonome et très surveillée par le gouvernement. Après s’être enregistré, j’ai enfin pu acheter ma carte SIM (en me munissant quand même de mon passeport et d’une lettre de l’auberge).
Durant les deux jours passés au Green House Hostel, j’ai pu rencontrer de nombreuses personnes revenant du Pamir et donc récolter beaucoup d’informations. J’ai surtout rencontré deux cyclistes allemands avec qui nous avons décidé de partager le « taxi » pour nous rendre à Rushan, point de départ du Pamir et de pédaler ensemble dans la vallée de la Bartang.
Nous avons choisi de la grimper !
Les deux jours passés à Douchanbé m’ont permis de collecter des informations sur le Pamir et les conditions actuelles des routes. J’ai aussi rencontré Alex et Niklas, avec qui je vais pédaler pendant presque 10 jours. Nous commençons le voyage par la vallée de la Bartang. Cette vallée est l’une des vallées les plus reculées (si ce n’est la plus) du Tadjikistan, elle est aussi connue comme la plus difficile. La seule piste qui la traverse est souvent impraticable, en raison des nombreux glissements de terrains, inondations et même parfois à cause des ponts qui s’écroulent. Il n’y a aucun réseau de téléphonie mobile dans toute la vallée et aucun secours possible. Il faut savoir qu’il n’y a aucun secours en montagne organisé au Tadjikistan.
Traverser la vallée de la Bartang
nous aura pris 8 jours,
pour seulement 350 km…
Dans cette vallée, il n’y a que quelques villages dans la partie basse, la plupart des cyclistes recommandent de la traverser dans le sens de la descente, pour que cela soit plus facile. C’est pour cela que nous avons choisi de la grimper !
Nous avons commencé à pédaler à Rushan à 2000 m d’altitude. Pour atteindre cette ville nous avons pris un taxi : un trajet de 12 heures, avec 10 personnes dans un Land Cruiser, les vélos et bagages sur le toit.
Traverser la vallée de la Bartang nous aura pris 8 jours, pour seulement 350 km… Nous avions un rythme vraiment très lent, avec notamment un jour un peu difficile où nous avons parcouru seulement 25 km en 7 heures d’efforts. Tout cela en grande partie, parce que comme presque tout le monde dans cette région, nous avons été malades pendant quelques jours. Pendant ces jours-là, nous ne mangions que 2 ou 3 snickers… Du coup, il n’y en a quasiment plus à vendre dans cette vallée, désolé 😉 En plus, la chaleur est extrême et les pistes sont défoncées. Le moral n’est pas toujours au top…
Un accueil chaleureux
Heureusement, les Pamiris font probablement partie des gens les plus accueillants et chaleureux que j’ai pu rencontrer. Toujours heureux de discuter, de proposer un thé ou de juste échanger un sourire. Ces moments très intenses de convivialité nous permettent de nous reposer et d’apprécier vraiment le voyage.
Alex qui est médecin, s’arrêtera parfois examiner des personnes malades, sans pouvoir faire grand-chose pour elles. L’hôpital le plus proche est à plusieurs journées de 4×4, voyage que les personnes n’auraient pas supporté la plupart du temps…
Sur le chemin, nous avons dû réfréner de nombreuses invitations à boire un thé. Les quelques pauses consenties étaient les bienvenues pour nous permettre de nous abriter un peu de la chaleur et d’échanger avec les locaux, poursuivre notre route et finalement sortir de la vallée. Si nous les avions toutes acceptées, nous serions toujours là-bas. En échange de cette hospitalité, on essaye de laisser un petit quelque chose, un peu d’argent, un petit cadeau. J’ai laissé mon Opinel, ma pierre à feu et une lampe, mais nous étions souvent forcés de les cacher pour les offrir. Une fois, un homme nous a couru après, pour nous rendre les quelques billets que nous avions cachés sous une théière.
Nous avons atteint Murghab, après 8 jours de vélo et après avoir franchi le col Ak Baital à 4655 m. Cela a marqué le retour à un peu de civilisation, j’ai pu finalement appeler ma famille qui était un peu inquiète, prendre une douche et manger des frites au restaurant ! Repas bienvenu, après avoir perdu près de 9 kg pendant cette semaine. Je prends une journée de repos à l’hôtel, à discuter avec les autres voyageurs, avant de continuer seul sur la fameuse “Pamir Highway”, route principale et surtout la seule de la région, utilisée pour le transport commercial entre les différents pays frontaliers. Elle n’a « d’autoroute » que le nom, c’est souvent une piste à peine en meilleur état que la précédente.
Je repars de Murghab les sacoches pleines de Coca et de Snickers (mon combo gagnant), j’ai un peu plus de 300 km à parcourir pour atteindre Khorog, la plus grosse ville du Pamir. Juste après le départ, je rencontre mon premier poste de contrôle que je passe seul. Je tends mon passeport, qui est examiné pendant 5 secondes, on me demande si tout va bien et on me laisse repartir avec un grand sourire ! Pas compliqués les douaniers.
La “Pamir Highway”
Pour une fois la route est plate – pas trop tôt après avoir passé 8 jours à grimper – mais ça ne dure pas. J’ai encore un col à 4300 m à franchir avant la descente pour Khorog. J’aurai même droit à un peu de neige en haut du col.
La route est un peu plus fréquentée, tous les chauffeurs de camions me demandent si tout va bien, parfois me donne à manger ou à boire, sans que je ne demande rien. Les autres voyageurs font de même en rajoutant que je suis sûrement fou…
Cette portion aurait été presque facile, sans ce vent de face qui ne s’arrête jamais. Plus je m’approche de Khorog, plus la route est bonne. Il y a plus de villages et les paysages redeviennent verts. Les gens me sourient et les enfants me courent après en criant « helloooo » en voulant me taper dans la main, je suis une star !
Après 3 jours, j’arrive à Khorog, où je rejoins un cycliste suisse, rencontré plus tôt dans un petit « homestay ». Au matin, je pars avec le numéro de téléphone d’un certain Azam, j’ai pour consigne de l’appeler pour le déjeuner. Je rencontre Azam dans sa maison, il commence par m’inviter à déjeuner, puis à dîner et enfin à dormir chez lui après une session de pêche dans la rivière en contrebas et quelques verres de vin fait maison. Azam m’aidera aussi à trouver mon taxi pour Douchanbé. Le lendemain soir, je suis de retour à Douchanbé et je vais à un « pizza-meeting » bien mérité avec Alex et Niklas.
Il me reste quelques jours pour trouver un carton pour mon vélo, emballer toutes mes affaires et trouver un taxi pour l’aéroport. Dans l’avion, je suis un peu triste de partir, en repensant à tout ce que je viens de vivre, mais aussi heureux à l’idée de revoir tout le monde, amis et famille, après un mois très intense. Je ne peux que recommander d’aller voyager dans ce pays, on y découvre des paysages magnifiques en vivant une aventure exceptionnelle à la rencontre des gens les plus généreux que j’ai pu rencontrer. Je ne me suis jamais senti en danger, lorsque je rentrais dans un magasin, je pouvais laisser toutes mes affaires sans surveillance. La seule chose qui m’est arrivée en discutant avec des gens curieux, c’est d’être invité à un repas !
Son vélo
- Marque : Fairlight – Faran
- Transmission : Manettes Ultegra, dérailleurs GRX et pédalier GRX 46-30, cassette SRAM 11-42.
- Système de freinage : Freins à disque mécanique Shimano (pour les réparer plus facilement)
- Selle : Brooks B17, me permet d’enchaîner les heures de selle sans douleur
- Pneus : Schwalbe Marathon Plus Tour (remplacé depuis pour des pneus plus confortables)
- Sacoches : Ortlieb
- Porte-bagages : Tubus
- Autres : Tente MSR