L’offre et la diversité de pneus gravel n’ont jamais été aussi importantes. Que ce soit l’amplitude de sections proposées (pour des vélos qui acceptent des pneus de plus en plus larges, voir ma série d’articles sur ce sujet), de nouvelles marques de pneus qui se spécialisent sur le secteur du gravel ou des marques historiques de pneumatiques qui découvrent tardivement ce marché, ou bien encore la diversité des matériaux ou celle des profils… il y a désormais multitude !
Cette diversité accompagne également celle des pratiques. Le gravel est protéiforme, que ce soit pour répondre aux différents terrains à parcourir ou pour répondre aux désirs des pratiquants.
D’un côté du spectre, le vélo-loisir, le “tout-chemin” et le vélo de voyage, à l’opposé, la nouvelle vague du gravel race et la promotion de cette discipline par l’UCI.
Forcément, ces nouveaux terrains à conquérir stimulent les bureaux de R&D et les agences de communication… On voit apparaître pas mal de nouveautés en matières de carcasses, de matériaux… et aussi de profils. C’est à la conjonction de la recherche et développement et de la demande grandissante de pneus de plus en plus rapides pour le gravel race qu’une nouvelle tendance voit le jour : les pneus “semi-slick”.
Le “semi slick”, une invention… ancienne
Mais n’allons pas croire que les pneus semi slick soient une invention récente. Les “city” ou “travel” ont préfiguré les pneus avec des crampons à peine visibles. Le cyclocross a fait la part belle à des profils de pneus à la fois roulants et accrocheurs. Un “monument” du pneu gravel, le Overide de chez Hutchinson, qu’on peut tout à fait classer dans la catégorie des semi slick, est l’un des tous premiers pneu gravel à être apparu sur le marché.
Mais alors, qu’est ce qui caractérise les “nouveaux” pneus semi slick, et la demande qui les pousse en avant ?
Le semi slick, un esprit, pas un modèle
En fait, il y a autant de semi-slick et de l’idée qu’on s’en fait, qu’il y a de marques de pneumatiques, voire de modèles. L’expression anglophone “same-same but différent” est tout à fait pertinente en matière de pneus semi slick !
Pour schématiser, on peut dire qu’un semi-slick propose une bande de roulement centrale la plus lisse (donc la plus rapide) possible, et des crampons latéraux (plus ou moins prononcés, espacés…) qui vont assurer l’accroche en virage et la traction lorsque le pneu s’enfonce dans les couches supérieures d’un terrain trop souple (boue, sable…) et rencontre enfin un substrat plus dense au fond.
Pour les concepteurs de pneus, dessiner un semi-slick consiste donc à inventer le meilleur compromis entre deux qualités a priori incompatibles : vitesse et accroche.
Plus étroit ou plus large ? La guéguerre des sections à foison
D’un certain point de vue, on pourrait dire qu’actuellement, on assiste à une hystérisation des profils de pneus : plus larges et plus cramponnés pour aller sur le terrain des VTT avec les “monster gravels”, plus fins et plus lisses pour la compétition et les parcours les plus roulants, à la frontière ténue entre routes sales et chemins propres. D’autant plus que, pour brouiller un peu plus les pistes, les nouveaux vélos de route, même les plus sportifs, acceptent, sous couvert “d’endurance”, des pneus tubeless de sections assez généreuse. À ce sujet, je vous renvoie à mon dossier sur les pneus route endurance 32 mm, mais ceci est une autre histoire…
D’un autre côté, on peut se réjouir de cette débauche d’offre… à condition de savoir s’y retrouver. Pour cela, il faudra tenir compte de son poids, du modèle de vélo qu’on utilise, analyser son style de pilotage et le type de terrain qu’on roule majoritairement. À partir de là, le cahier des charges sera plus clair et l’offre correspondante moins pléthorique.
Il restera ensuite à choisir la bonne section. Plus lourd sera le pilote, plus large sera la section. Plus caillouteux sera le terrain, plus grosse sera la section aussi. Ceci établi, c’est la pression de gonflage qui servira de variable d’ajustement pour le compromis vitesse/confort/accroche.
Les “nouveaux” semi-slick
La tendance qui s’amorce et qui semble correspondre à la demande des compétiteurs en gravel race pourrait être décrite comme des pneus de 35 à 45 mm de section, avec des caractéristiques semi slick encore plus marquées que les “ancêtres” de la catégorie : une bande de roulement quasiment lisse ou tout à fait lisse et des crampons assez marqués sur les bords. Mais il s’agit là souvent de nuances très subtiles.
Par exemple, on pourra noter chez Vittoria la différence entre le Vittoria Terreno Zero, à la bande de roulement tout à fait lisse, et le Terreno Dry, au bandeau central un peu plus rugueux.
Le célèbre Panaracer Gravel King, qui se décline lui aussi désormais dans sa version semi slick, ne reprend rien en terme de design à ses deux grands-frères que ce soit le cramponné SK ou le modèle historique complètement lisse…
Toujours plus vite
Quels que soient les modèles choisis, les coureurs de gravel race y trouvent leur compte ! Sur tous les terrains et tous les continents, les vitesses n’arrêtent pas d’augmenter. À l’occasion de l’édition 2023 de la Steamboat Gravel par exemple, les premiers ont parcouru les quelques 230 km et 2800 mètres de dénivelé positif en moins de six heures (soit une moyenne de plus de 38 km/h !).
Si le vainqueur, Keegan Swenson, avait opté pour des pneus entièrement lisses (les Maxxis Velocita AR), le second, Petr Vakoc, a choisi les Schwalbe G-One RS.
Tiens tiens… Le G-One RS. Un pneu récent, tout fraîchement testé dans Bike Café par notre ami Hugo, qui en dit beaucoup de bien… Penchons-nous sur ce semi slick moderne, et voyons comment il se comporte avec nous, aka les pratiquants amateurs, occasionnels et non compétiteurs. Nous aussi, on aimerait bien utiliser un pneu aussi rapide qu’accrocheur…
Le Schwalbe G-One RS, un semi slick apprivoisable
Puisque j’utilise sur les parcours les plus roulants un bon vieux vélo de cyclocross Ritchey Swiss Cross (j’adore sa réactivité en descente et en montée, sa vivacité et son poids contenu), j’avais déjà lorgné vers les cousins dans la catégorie cyclocross des G-One RS, les Schwalbe X-one RS.
Mais bien sûr, pour cause de réglementation propre aux compétitions de cyclocross, leur section est de 33 mm. Les G-One, au profil quasi-identique, sont eux proposés en 3 sections : 35, 40 et 45 mm, ce qui couvre toutes les situations de terrain, du plus lisse au plus caillouteux. J’avoue ne pas être le plus technique des pilotes, et je roule plus souvent dans les cailloux que dans la boue ; aussi ai-je délaissé les X-One en 33 mm et opté pour un confort de 2 mm supplémentaires avec les G-One RS en 35 mm.
Je ne vais pas revenir en détail sur le montage et le comportement du pneu, que Hugo a déjà très bien décrits, mais je vais plutôt me pencher sur les raisons qui m’ont fait adopter… et adorer ce pneu !
La vitesse, c’est pas que pour les pros
Bien sûr, je n’ai pas l’intention de parcourir les 230 km de la Steambolt Gravel 2024 à 38 km/h de moyenne… Je n’ai même pas l’intention d’y aller, ni même, plus généralement, de prendre l’avion pour aller faire du vélo !
Mais à mon âge et à mon niveau, la délicieuse sensation d’un pneu rapide car léger et avec du rendement est tout à fait réjouissante. Lorsque je “passe” une section que je connais bien plus vite que d’habitude parce que le pneu le permet, je me dis que j’aurais bien tort de m’en priver !
Semi slick ne veut pas dire terrain sec (enfin, pas forcément)
On a tendance à penser intuitivement qu’un pneu semi slick ne sera pas adapté aux terrains humides ou semi-gras. D’après mes essais après les premières pluies d’automne, ce n’est pas forcément vrai.
Même si un pneu slick n’est pas adapté à la boue profonde et prolongée, il aura deux avantages dans les courts passages boueux : il ne bourrera pas (car il n’a pas ou peu de crampons), et, particulièrement dans les sections les plus fines (33 mm pour le X-One et 35 mm pour le G-One), il aura tendance à s’enfoncer dans la couche supérieure, toujours plus fluide et liquide, pour aller accrocher un terrain plus épais au fond, grâce à ses crampons latéraux. Avec la vitesse, on passera l’obstacle sans soucis pour aller se rattraper ensuite sur un terrain plus stable. C’est vrai aussi dans le sable, où le G-One RS passe plutôt très bien, toujours en section étroite et en utilisant bien sûr la technique éprouvée du cyclocross qui consiste à dégager la roue avant en donnant des coups de guidon de droite et de gauche pour éviter qu’elle ne s’enfonce trop et bloque le vélo.
Montre-moi ta section, je te dirai où tu roules (et inversement)
Car c’est là les limites d’un pneu semi slick, en fonction de l’endroit où on l’utilise.
Sur terrain sec, il sera bon partout, route, chemin sableux, gravillonneux, caillouteux… pourvu qu’on adapte la pression assez finement bien sûr : dur sur la route, où il aura des performance étonnantes, assez proches finalement, voire équivalentes, de pneus route endurance ; mou sur les chemins, pour “enrober” les aspérités et compenser en montée l’absence de crampons accrocheurs sur la bande de roulement.
Le reste ne sera qu’une question d’équilibre entre choix de la section (plus grosse si il y a plus de cailloux, plus fine pour les terrains roulants) et précision de la pression, selon les terrains que l’on pratique majoritairement.
En ce qui me concerne, la contrainte de la faible section (35 mm, due aux limitations de mon cadre de cyclo-cross) est compensée par mon poids contenu (66 kg) et mes efforts en matière de choix de trajectoire… avec quelques frayeurs parfois, je dois le reconnaître, dues à ma mauvaise technique.
Polyvalent, finalement
Mais globalement, le Schwalbe G-One RS me convient parfaitement. Testé sur route en Catalogne, dans le col de Collfred aux pentes avoisinant les 20%, il s’est montré vif en montée dans les relances en danseuse et sécurisant en descente avec, comme je l’ai dit, des performances assez proches de pneus route endurance de section à peine inférieure (32 mm).
Sur les chemins forestiers de la “Fageda” (hêtraie) d’en Jordà dans le parc naturel des volcans de la Garrotxa, il s’est révélé un formidable compagnon de jeu, sur des sols forestiers doux, qu’ils soient feuillus, sablonneux, terreux, secs ou franchement humides.
Enfin, sur les pierres saillantes de la Serra de les Medes, il a tiré son épingle du jeu, et aurait même pu briller… si le pilote avait été à la hauteur !
J’ai continué le test plus proche de chez moi, sur les bords de l’étang de Berre, où après les violents orages de la veille, les parties boueuses ne manquaient pas. Même la boue rouge et collante des terres riches en bauxites n’a pas réussi à charger suffisament les Schwalbe G-One RS pour m’handicaper sur la précision des trajectoires, l’accroche ou la vitesse.
Dans cette zone aussi, les pierres tranchantes du plateau de Vitrolles m’ont permis de tester les petites sections de 35 mm sur des terrains pourtant peu propices. Sans retrouver bien sûr le confort et la sécurité des larges sections que j’utilise sur mon monster gravel Salamandre, j’ai quand même pu m’amuser et passer un agréable moment, sans stress aucun.
N’ayons pas peur des semi slicks
Même si les semi slicks modernes ont été conçus en priorité pour séduire les pratiquants de gravel race, je suis persuadé que leur utilisation peut convenir à la plupart des cyclistes gravel du dimanche, sauf si bien sûr ils pataugent en permanence dans la boue ou s’ils n’arpentent que des sentiers abrupts de montagne.
Mon expérience avec le Schwalbe G-One RS, débutée il y a quelques semaines sur terrains secs et variés, va se prolonger dans l’automne malgré des sols plus humides. Le plaisir de rouler plus vite et plus vif compensera largement l’obligation d’être un peu plus attentif sur le pilotage… ce qui, après tout, est aussi l’un des plaisirs que l’on vient chercher dans la pratique du gravel !
Belle article et super belle ritchey !
Je cherche une en XS/S depuis une moment, introuvable !
#savetherimbrake
🙂
Reste à déterminer la durabilité de ces pneus. Au regard de la bande de roulement « slik » je doute qu’ils puissent faire plus de 2.000 kms sans devenir fragile.
Bon article pour ceux qui roule dans le sud, qui ont 7j de pluie par ans. Pour ceux du nord de la Loire, surtout avec l’hiver que l’on a eu, il est très déraisonnable de les monter. Amis graveleux, pensez à votre sécurité avant d’utiliser ce type de pneus.
Bonjour Francis,
Merci pour votre commentaire.
Plus que la météo, c’est de la géologie dont il faut tenir compte pour choisir ses pneus. Effectivement, un sol argilo-calcaire produira une boue glissante en cas de pluie, qui nécessitera bien sûr des pneus cramponnés. Mais les sols issus de roches cristallines (schiste, granit, grès…) produisent des sables parfaitement drainés, et même de forts épisodes pluvieux (comme nous l’avons vécu cet hiver et ce printemps dans les Cévennes par exemple) restent tout à fait adaptés aux pneus semi-slick. En ce qui me concerne, même dans le massif des Alpilles (calcaire) après de fortes pluies, je part rouler en semi-slick, Mais dans ce cas-là j’adapte mes parcours pour n’emprunter que les chemins caillouteux de crêtes ou de versants (plus agressifs mais bien drainés) en évitant les zones basses et/ou en cuvette ou la terre riche en ferrite et en bauxite devient pire que du ciment-colle lorsqu’elle est mouillée. Avec cette terre rouge, même un pneu cramponné n’est pas adapté, ça bourre tellement que des amas de boue se stockent entre le cadre et les roues et stoppent net le vélo. Idem dans les boues salées du littoral, qui, de surcroît, attaquent l’acier du cadre et l’aluminium des jantes.
Pour résumer, il faut choisir ses pneus en fonction du type de sol et non pas de la latitude, et adapter ses parcours selon la météo et les pneus qu’on a déjà sur le vélo.
Bonne saison (estivale),
Dan