Cet article est pour vous, les curieux et les amateurs de chemins de traverse. Le vélo cherche sa route, en se libérant des pistes qu’on essaie de lui imposer. Il cherche à faire revivre des voies de passage que les années du “tout voiture” ont enfoui sous les multiples couches d’un aménagement territorial bétonné. Le projet Odos, d’Adrien Laplanche, est comme ces petits caillous semés pour retrouver un chemin perdu. Idée utopique, pour ceux qui pensent que le vélo doit suivre les routes déjà tracées pour les voitures, espoir pour ceux qui croient aux alternatives à l’élargissement et la bétonisation des bords de route.
Nous avons tous observé l’absurdité des équipements routiers dédiés aux vélos qu’on nous impose avec des pistes cyclables sur des trottoirs ou sur des bandes le long des routes. Ces concepts ineptes, figurant au catalogue d’entreprises du BTP, sont achetés (fort cher d’ailleurs) par les communes ou les métropoles, pour satisfaire un affichage quantitatif. A-t-on demandé aux cyclistes si ces équipements correspondaient à leurs besoins ? Certaines initiatives, issues de collectifs ou venues d’initiatives individuelles, nous ouvrent d’autres perspectives. Notre pays, chargé d’histoire, possède un patrimoine très riche en voies anciennes, chemins ruraux, voies ferroviaires désaffectées… Je vous propose de découvrir le projet ODOS et d’autres explorateurs d’un monde caché dans un réseau conçu pour l’auto.
Vélotaf et vélo de loisir : même combat
De mon côté, c’est par le prisme du gravel que j’ai observé cet imbroglio territorial. Ce vélo curieux – qui nous rend curieux – est devenu pour beaucoup un outil efficace pour décoder la juxtaposition des couches de l’histoire et du maillage complexe de notre territoire. Par cette vocation “loisir” au départ, on peut ouvrir des voies alternatives pour vélotafer. De l’exploration “tous chemins” que nous autorise notre randonneuse des temps modernes, on peut faire revivre des voies de déplacement viables, qui offriraient une belle alternative à l’élargissement des voies routières existantes, où l’on voudrait “caser” nos vélos. Comme le souligne Adrien : l’élargissement des voies a pour effet d’augmenter la vitesse des véhicules, alors qu’on souhaite l’inverse.
Les autoroutes, l’urbanisation dévorante des villes, les aéroports, les hubs de transports routiers, les voies ferrées des lignes à haute vitesse, les zones commerciales… ont apporté leurs contraintes défavorables à la continuité de voies existantes. On peut les affronter parfois en s’introduisant de façon effrontée dans ces zones où l’urbaniste a totalement oublié la mobilité douce. Il faudrait se pencher sur ces possibilités, avant d’inventer de longs contournements.
J’avais publié un sujet sur le vélotaf des campagnes qui révélait, au travers de plusieurs témoignages, le danger des routes hors agglomérations, mais aussi l’imagination de ces cyclistes qui font preuve de sens pratique en trouvant des itinéraires “bis” qui les sécurisent. J’avais également évoqué un sujet connexe à cette problématique qui est la disparition des chemins ruraux. Avec l’exploratoire active des cyclistes et l’inventaire du patrimoine de nos chemins, nous avons – je pense – la possibilité de trouver des solutions alternatives à la circulation routière parallèle des vélos et des véhicules.
Ils dessinent de nouveaux chemins
Je découvre les acteurs d’un nouveau mouvement réunissant ceux qui portent un regard différent sur le territoire cyclable. Ils sont curieux du vécu d’avant et avancent des solutions pour en profiter aujourd’hui. Urbanistes, géographes, cartographes, architectes ou simples curieux de nature : leurs regards, aux guidons de leurs vélos, se posent sur ce qui n’est pas commun. Ils construisent, en roulant les yeux ouverts, une nouvelle histoire territoriale.
Des “voies” s’élèvent pour nous montrer de nouveaux chemins.
Elles annoncent la mise à jour de nouvelles routes cyclables
Début mars se déroulait la campagne de la sauvegarde des chemins ruraux organisée par Codever. Ces chemins, menacés par la convoitise de certains ou par le désintérêt des communes, sont à défendre. J’ai également entendu sur le podcast “Rayons libres“, animé par Jérôme Sorrel, un beau sujet consacré à la Vélographie. J’ai lu avec intérêt sur le site du collectif “Autrement Autrement” un bel article “Le vélo, la campagne et le quotidien : trouple impossible ?” dans lequel le Vélotaf des campagnes est intelligemment traité.
Récemment, Vélo et Territoire a annoncé les chiffres 2023 du déploiement des véloroutes. Ces sujets, qui semblent différents, sont pourtant liés, car ils nous ramènent à l’exploration que nous permet le vélo. Explorer un territoire, mieux le comprendre pour l’adapter à une nouvelle façon de vivre nos déplacements.
Le projet ODOS
Adrien Laplanche a fait un travail considérable pour aboutir à l’élaboration d’une carte des voies cyclables du “Grand Paris”. La carte est un des aspects du projet Odos (Du grec ancien, signifie “chemin”) et je vous propose dans cet article – et surtout par le podcast qui résulte de notre échange – de découvrir toutes les facettes du projet d’Adrien. Ce passionné d’histoire de l’art, de l’architecture et de la cartographie est âgé de 45 ans et demeure à Sceaux. Il a décidé de quitter son emploi chez Orange en 2020, pour devenir guide et pour se consacrer à son projet.
Le podcast Bla Bla avec Adrien Laplanche
Pour lui, le vélo a toujours été une évidence, au quotidien, entre Paris et la banlieue. Dès 1997, il l’utilise pour venir de la banlieue vers Paris. il l’explique sur son site, que Odos est lié à la rencontre de ces trois passions : le vélo, le voyage et les cartes. Le voyage a suivi l’usage quotidien, hors des sentiers battus, à la recherche, non pas de terres inconnues, mais de jardins secrets, de pays habités par d’anciens souvenirs. Les cartes, enfin, qui l’ont transporté sur des chemins pleins de promesses à la façon de cartes aux trésors.
Adrien a imaginé un univers cartographique différent de ce que nous livre aujourd’hui l’OSM (Open Street Map) ou l’IGN (Institut Géographique National). Sa lecture du territoire est différente, car elle tient compte de l’empilement de couches entre les dimensions parallèles de l’histoire de la vie et de l’urbanisme. La juxtaposition de cette immense richesse de la ville, de sa banlieue et de ses environs, l’intéressent. Le pays de Paris est un labyrinthe, qui ne cesse de se transformer. Comme le souligne Adrien « Il ne s’agit pas de régulariser, de normaliser, d’aseptiser (le culte de l’haussmannisme, de la voie rapide, de la table rase et de la rénovation outrancière est tenace), mais plutôt de réparer, d’entretenir, de cultiver. »
“La complexité du réseau et la lecture qu’on en a qui est orientée par l’héritage Haussmannien, mais surtout la vision automobile que l’on a du territoire“, affirme Adrien. Dans cette carte l’idée est de faire appaître ce réseau alternatif et de réduire la visibilité des grands axes autorotiers. La représentation des routes est inversée.
Du petit schéma qu’il voulait faire de l’état des lieux dans Paris des itinéraires cyclables, Adrien a élargi le périmètre au “Grand Paris” pour aboutir à la réalisation d’une carte. Cela lui a pris 2 ans de travail pour aboutir à cette mise en valeur du patrimoine des voies cyclables.
Adrien travaille actuellement sur une version numérique d’Odos qui serait disponible sous la forme d’une application pour smartphone. Nous suivrons ce développement.
Une carte, mais pas que !
Odos, c’est aussi des balades qu’Adrien propose au rythme de 2 par mois. Elle sont gratuites et Adrien partage ses découvertes sur différentes thématiques regroupées selon deux formules : sorties urbaines ou sorties gravel.
Liens utiles
Odos : https://www.odos.guide/
Vélographie : https://lesvelographes.org/
Vraiment Vraiment : https://autrementautrement.com/
Vélo & territoire : https://www.velo-territoires.org/
Codever : https://www.codever.fr/