En 2016, nous avions du mal à trouver sur les stands du Roc d’Azur des vélos de gravel, malgré la naissance cette même année de la première Gravel Roc, à laquelle nous participions. En 2024, le monde a changé et lors de ce dernier salon à Fréjus, nous avons constaté que le gravel montrait ses muscles. Cette omniprésence reflète la richesse d’une part de marché plutôt en forme. Elle est la seule à avoir progressé en 2023, alors on lui fait la part belle. Cette année on a surtout remarqué l’explosion du segment du gravel race.
On ne va pas se mentir, pour les early adopters que nous sommes, le succès du gravel nous plait bien. Il en est de même pour le gravel race, auquel nous nous sommes intéressés dès 2016 en posant nos premières plaques de cadre, alors qu’on nous rétorquait que le gravel c’était de la rando et pas de la course. Laurent a même fait l’expérience en 2022 d’une manche UCI en Belgique pour découvrir de l’intérieur cette coloration “race” du gravel. Nous allons finir par croire que nous avons une boule de cristal qui nous met sur la piste des nouvelles tendances. La victoire au dernier mondial UCI de Mathieu Van der Poel en Belgique, nous montre que les meilleurs coureurs du World Tour arrivent sur les pistes du gravel. Pour les sponsors des équipes pros, c’est le moyen d’occuper de nouveaux espaces de communication. Pour les coureurs, il y a le plaisir de sortir de la routine et de la route. Voilà une conjonction d’intérêts qui légitime cette discipline : on ne peut plus nier l’importance du gravel race.
Le gravel race s’affirme
La presse vélo sportive, habituée aux exploits routiers des coureurs, va devoir considérer cette nouvelle disciplie. Un célèbre journaliste, spécialiste du vélo (qui se reconnaitra) a quand même qualifié ces mondiaux UCI de “course de fête foraine”. On ne retiendra plus de sa formule, que le mot fête. Les fédérations de cyclisme peinent à organiser le développement du gravel race, voir mon article précédent. Pour l’instant, c’est le challenge mondial Trek UCI Gravel World Series, qui assure principalement la promotion de la discipline. Le calendrier des courses qualificatives poursuit sa croissance, passant de 11 manches en 2022, à 16 manches en 2023, puis à 26 en 2024. On assiste à la naissance de véritables classiques, qui s’installent durablement, comme la Highlands Gravel Classic à Fayetteville (États-Unis), les Grands Causses Wish One Millau à Millau (France) et La Monsterrato à Fubino (Italie), tout en continuant simultanément à introduire de nouvelles épreuves, qui élargissent la diffusion du gravel race à travers le monde. Pour s’affirmer totalement il faudra sans doute que ces courses apportent des points UCI pour que équipes et coureurs y trouvent un intérêt sportif.
L’Union Cycliste Internationale (UCI), réunie à l’occasion de son 191ème Congrès à Wollongong, en Australie, a attribué à Nice l’organisation des Championnats du Monde Gravel UCI 2025. Nous aurons l’an prochain en France à Millau la 4ème édition de la Wish One Millau Grands Causses, (manche qualificative pour Nice) et le final du championnat à Nice où le plateau international sera intéressant. Pour compléter cette bonne nouvelle, l’UCI a également annoncé que la deuxième édition des Championnats du Monde Cyclisme UCI, regroupant 19 disciplines différentes dont le Gravel, auront lieu en 2027 dans la région de la Haute Savoie en France.
La segmentation s’installe
Avec des cadres en carbone qui pèsent moins d’un kilo, le vélo de Gravel Race a fait sa cure minceur. Léger et nerveux, il ressemble de plus en plus à un vélo de route léger qu’à un vélo de rando. Les champions n’hésitent plus à utiliser les modèles gravel de leurs sponsors. Van der Poel, qui avait utilisé lors du championnat 2022 un Canyon CFR de route, a utilisé cette fois, avec succès, le Canyon Grail CFR avec un montage très proche de ce qu’il utilise sur route. Double plateau pour la transmission Shimano (mais un Dura Ace, pas un GRX), pneus Vittoria Terreno Zero de 38 mm et un guidon intégré Canyon CP0039 Gear Groove Pro, avec un flare (ouverture) de 16°. L’utilisation de ce vélo, qu’il brandit à l’arrivée, va sans aucun doute booster les ventes de ce modèle, auprès des amateurs de vitesse sur les pistes du gravel. On voit s’installer au travers des champions, la promotion des ventes dans ce segment gravel devenu porteur.
“On s’aperçoit que les riders ont tendance à monter des pneus de plus en plus gros. Au début, lorsqu’on participait à ces courses de coupe du Monde on voyait des pneus entre 35 et 40 mm de section et aujourd’hui on voit que certains coureurs montent du 45″, explique François-Xavier Blanc de WishOne.
Écoutez le podacst avec François-Xavier Blanc, co-fondateur de la marque WishOne
Le gravel race vu sur le Roc d’Azur
En flânant dans les allées du Roc, nous avons découvert quelques modèles qui pourraient bien être les futures montures de quelque-uns d’entre vous, désireux de mettre un dossard et une plaque de cadre en 2025.
Des vélos repérés par Philippe
En se baladant dans les allées du salon du Roc d’Azur, Philippe a pris quelques images des vélos pour lesquels il a détecté un ADN plutôt Race.
Des vélos repérés par Laurent
Laurent est notre spécialiste de vélos gravel (57 tests à son actif). Il observe de près l’évolution du marché et confirme ce qu’explique François-Xavier Blanc concernant l’usage de pneus plus larges par les compétiteurs. “Effectivement, le problème en course c’est la crevaison qui peut éliminer directement le coureur d’une performance potentielle”, me dit-il. Sachant de quoi il parle puisque sur la course Gravel du Roc d’Azur où il a été victime lui-même de deux crevaisons, ainsi qu’une autre sur le Raid des Alpilles. “En course, on ne choisit pas toujours ses trajectoires, et la visibilité est réduite quand on est dans un groupe, surtout à vive allure. Si le premier peut lever les fesses pour éviter ou absorber l’impact, celui immédiatement derrière n’aura souvent pas cette chance. Il en résulte souvent des crevaisons. Pour cela, une monte pneumatique maximale permet de réduire cet impact, quitte à perdre en aéro et en poids global”. Du côté des cadres, le carbone règne en maître, tout comme les groupes de transmission électroniques, qui ont quasiment le monopole sur le segment gravel race. Le mono-plateau continue sa progression, que le dernier groupe groupe Sram Red XPLR ne va faire qu’accroitre.
L’avenir du gravel race
François-Xavier Blanc a son idée sur les perspectives de cette discipline. Pour comprendre comment la discipline gravel race pourra évoluer, il s’est penché sur les origines du VTT et du Trail running. Ces disciplines sportives qui se déroulent également en pleine nature ont évolué dans le temps. Elles ont effectivement vu naître des championnats mondiaux et même, pour les épreuves de VTT, sont devenues olympiques. “Au début de ces disciplines, des épreuves élitistes ont émergé, comme les Templiers dans le trail running et le Roc d’Azur dans le VTT. Par la suite, des distances plus raisonnables se sont ajoutées et la masse est arrivée“, explique François-Xavier.
Je partage cette analyse, pour l’avoir vécue dans une vie sportive précédente, concernant le trail running. L’élite s’est constituée en team de marques. Les coureurs route, lassés du bitume, ont découvert des courses “open” côtoyant les champions qu’ils voyaient sur les médias. Pour le gravel race, l’UCI a joué finement son lancement et maintenant les marques voient bien les enjeux et elles vont tout faire pour soutenir le mouvement. Cette discipline sportive nous éloigne du cyclisme classique avec son empreinte carbone abusive, ses oreillettes, ses routes peinturlurées, ses fumigènes, … Alors l’avenir du gravel race est pour moi plein de promesses et comptez sur Bike Café pour ne pas le prendre à la légère. Rassurez-vous, on parlera encore et toujours de gravel aventure, rando, découvertes, voyage…