Le CALD (Cyclistes Arlésiens Longue Distance) propose de temps en temps un « Spà Project » qui consiste en un aller-retour vers une ville éloignée, sa piscine et son espace balnéo. S’agit-il d’une simple curiosité, d’un concept délirant ou d’une idée pertinente ? Pour ne pas rester le bec dans l’eau, Bike Café s’est penché vers la surface pour regarder ce qu’il y avait au fond.
Un groupe de cyclistes arlésiens, férus de sorties longues (200km et plus), a créé le club Strava CALD pour partager des informations sur le matériel spécifique à cette discipline, échanger des itinéraires et des expériences, s’entraîner en groupe et participer ensemble à des évènements de cyclisme longue et ultra distance. Les cyclistes du CALD se sont perfectionnés à l’usage des logiciels de tracés, à la manipulation des GPS, ont équipé leurs vélos en bikepacking et moyeux dynamos pour pouvoir affronter de longues distances sur des parcours de plusieurs jours, été comme hiver, de jour comme de nuit.
Non contents de pratiquer entre arlésiens la longue distance, ils proposent régulièrement, à qui veut bien les rejoindre, des sorties au départ d’Arles, des gran fondos, et plus récemment des Spà Projects. Le principe est le suivant : il s’agit de choisir comme point de destination une ville équipée d’une piscine municipale, si possible avec un espace balnéo (spa, sauna, hammam…) et, surtout, qui accepte d’accueillir les cyclistes et leurs vélos chargés, puis d’effectuer l’aller-retour, avec une “journée détente” (entendez : bain, bières et gastronomie locale) entre les deux trajets.
Mais le choix de la destination n’est pas si simple. Effectivement, impossible de laisser dehors sans surveillance un vélo équipé de sacoches, éclairage, gps, … Il faut un accueil adapté, ou des complices à proximité, pour que les vélos soient en sécurité pendant le bain. C’est à la fois une contrainte (toutes les piscines n’acceptent pas cette demande), mais aussi une façon militante de poser la question de l’accès en vélo à des piscines où ce type d’accueil est rarement prévu. Le concept est donc une sorte de “package” qui comprend : un itinéraire cycliste le plus intéressant possible, un établissement public accueillant, une action militante, un terroir remarquable.
Le premier Spà project a eu lieu cette année à destination de la Perle d’Eau à Lablachère en Ardèche méridionale, dont l’équipe a accueilli avec enthousiasme les cyclistes du CALD. Après quelquefois plus de dix heures en selle, la possibilité d’accéder à un bassin de nage, un bain à bulle et un sauna a une valeur inestimable : les activité aquatiques délassent, détendent les muscles et les articulations durcies par l’effort répété. En longue distance, le froid est un ennemi redoutable, donc sauna, hammam, spa, douches chaudes et sèche-cheveux n’en sont que plus appréciés.
Pour l’établissement de loisirs aquatiques qui accueille les cyclistes du CALD, c’est l’occasion de s’ouvrir à de nouveaux publics, de croiser ses offres d’activités avec d’autres sports et d’être en cohérence avec la volonté des collectivités territoriales de valoriser les modes de déplacement doux et durables. Bien entendu, ces établissements généralement situés en zone rurale ou dans des villes moyennes n’ont aucun problème de fréquentation, mais la dimension éthique et originale de cette proposition ne laisse pas indifférents les responsables d’établissements les plus sensibles et impliqués.
Pour le deuxième Spà Project à destination de Rodez, c’est par l’entremise d’un couple de cyclistes de gravel aveyronnais, Françoise et Jean-Marie Lannes, que l’accueil a été possible à Aquavallon. Ce type de projet réactive les traditions d’accueil et d’hospitalité et permet des rencontres enrichissantes. Lentement mais sûrement, un réseau plus ou moins formel est en train de se mettre en place autour de cette belle et intrigante initiative. Les piscines déjà visitées peuvent l’être de nouveau ; elles peuvent aussi servir d’exemple pour d’autres établissements qui pourraient être réticents face à la proposition.
Au delà du plaisir de nager et de barboter dans les bulles, l’eau a une forte valeur symbolique et n’est pas considérée par les cyclistes comme un simple complément de bien-être. Canalisée par l’homme depuis la nuit des temps, elle irrigue, par gravité ou par pompage, les terres agricoles, source de notre nourriture. En étanchant la soif, elle est le premier cadeau que l’on reçoit en voyage lorsqu’on arrive quelque part. Les sources et les fontaines sont autant d’occasions de s’arrêter pour se désaltérer, remplir les bidons, discuter avec des habitants curieux de ces étranges cyclistes et leurs vélos chargés.
Il est intéressant d’observer que les routes parcourues par les cyclistes sont partout ponctuées d’ouvrages en lien avec l’eau et son usage : fontaines, canaux, digues, sources captées, aqueducs, citernes… l’eau est partout dans le paysage. Pendant un Spà Project, on accorde bien entendu une attention particulière à la présence de l’eau au bord du chemin parcouru ; on observe ainsi (ou on redécouvre sur des routes qu’on croyait pourtant bien connaître) des trésors de patrimoine aquatique.
Le vélo longue distance est une discipline à la fois athlétique et contemplative. La durée des efforts répétés permet de ressentir les éléments naturels avec une intensité particulière, différente de ce que l’on ressent lorsqu’on circule en voiture, ou lorsqu’on pratique un sport de plein air pour quelques heures seulement. Ici, on voit souvent se lever le soleil alors que l’on est déjà en selle depuis plusieurs heures, et il n’est pas rare que les trajets durent fort tard dans la nuit. Il faut aller loin et vite, on recherche la fluidité. L’eau agit de même lorsqu’on la laisse suivre son cours. En traversant les ponts, en longeant fleuves et rivières, les cyclistes conversent avec elle et convergent souvent vers les mêmes destinations, villes et rivages, barrages, lacs… Ils entretiennent avec elle, au fil des kilomètres, une intimité complice.
L’eau, son étendue, sa surface, son calme ou au contraire son courant plus ou moins vif, la diversité des formes qu’elle revêt et ses apparitions tout au long de la route agit comme un miroir des émotions ressenties en selle. Elle est tour à tour amie, hostile, aidante, redoutable… Mais toujours, par la force de sa présence, elle ne peut laisser le cycliste indifférent. Sur le chemin du retour, dans les derniers kilomètres qui précèdent l’arrivée et que l’on fait durer parce qu’on voudrait qu’ils durent toujours, l’eau s’écoule avec la route qu’on a essayé de vivre le plus intensément possible, le temps d’un Spà Project.
Quand aura lieu la prochaine aventure cyclo-aquatique, le prochain Spà Project ? Sans doute au mois d’avril 2019, le temps d’un week-end de retour à la Perle d’Eau. Ce sera l’occasion d’un bivouac à la belle étoile pour tester du matériel de couchage compact et léger. Les participants pourront ainsi comparer et échanger leur expérience en matière de sac, sursacs, bivvys, hamacs… indispensables pour une autonomie totale lors des sorties de plusieurs jours. Si vous voulez vous jeter à l’eau vous aussi, inscrivez vous sur le club Strava du CALD pour être informés.