Depuis ce printemps, Assos Of Switzerland propose une nouvelle gamme de vêtements dédiés au gravel. Il s’agit d’un mini tremblement de terre pour une marque qui se caractérisait jusqu’à présent autant par la haute qualité de ses productions que par une vision plutôt traditionnelle des différentes disciplines du vélo… Nous étions donc impatients de tester cette collection nommée GRVL Cross-Over : Ce “cross-over” (terme anglais que l’on pourrait traduire par “passerelle” ou “croisement”) a attisé notre curiosité. S’agit-il d’une simple hybridation entre la “culture route” et celle du “mountain bike”, ou une plateforme inventive, prémices d’un regard neuf porté sur le gravel par l’emblématique marque suisse ?
C’est ce que nous allons voir…
Mille/Comfort Series
La collection GRVL Cross-over s’inscrit dans la gamme “Mille/Comfort series”, bien identifiée chez Assos, une palette très complète de vêtements polyvalents orientés vers le loisir et la longue distance, par opposition à des collections plus sportives, destinées à des pratiques plus spécialisées. Ici, les coupes sont moins “aéro”, plus permissives et les vêtements apportent plus de confort et plus de latitude d’usage : poches cargo, systèmes d’ouverture/fermeture… La panoplie que nous avons reçue – cuissard, short, chaussettes, sous-vêtement et jersey – s’inscrit clairement dans cette catégorie. Dès le déballage, je constate que, bien sûr, la qualité et le soin apportés à la fabrication est bien là, mais on n’est pas du tout dans le registre d’une tenue typée “World-Tour”.
Ça tombe bien, il s’agit d’aller prendre du plaisir sur les chemins… Pour tester la tenue, j’ai choisi la Camargue et une belle journée printanière, chaude et sans vent.
Dans la gueule des loups
Il se trouve que c’est la saison où j’assouvis l’une de mes grandes passions : la pêche du loup au streamer. Les streamers sont des leurre de grosse taille qui imitent des petits poissons. Faits de plumes et de fils, ils sont très légers et il faut les propulser à l’aide d’une canne à mouche, pour tenter les loups qui chassent en bord de mer et dans les étangs d’eau saumâtre en Camargue.
Ne croyez pas que ce test ne soit qu’un alibi pour justifier une partie de pêche : La Camargue est un paysage rude, un désert salé qui met cyclistes et matériel à dure épreuve, et la pratique du gravel est multiple. Si la toute nouvelle saison du Gravel World Tour Series proposée par l’UCI est la partie la plus médiatisée de l’iceberg gravel, beaucoup d’autres pratiques – vacances à vélo, bikepacking, gravel urbain, aventures en tout genres – doivent aussi pouvoir se pratiquer avec des équipements adaptés, pour des cyclistes peut-être moins sportifs, mais qui constituent l’essentiel des consommateurs du matériel et des vêtements conçus pour le gravel.
Une panoplie polyvalente
La tenue que j’ai reçue est bien adaptée aux journées chaudes, même si elle est aussi suffisamment polyvalente pour être portée en demi-saison. Elle mixe élégance et décontraction, et s’il s’agit bien d’une tenue de cyclisme, la coupe ample du jersey et le short porté par dessus le cuissard permettent sans problème d’aller au restaurant, boire un coup en terrasse et de prendre le train sans ressembler à un coureur du Tour de France. Détaillons maintenant chacune des pièces de cette panoplie et ce que j’en ai conclu après cette journée passée en Camargue.
Kiespanzer, le cuissard fait pour durer… et endurer
Commençons par le cuissard à bretelles, bien ajusté mais moyennement compressif, comme le promet la gamme Mille/Comfort, qui offre un compromis entre aisance et performance. La peau est d’excellente qualité (c’est l’ADN d’Assos), moins épaisse et moins complexe que celle du cuissard GTO que j’ai testé pour Bike Café récemment. La jambe est courte, ce qui est intéressant lorsqu’on porte le cuissard sous un short, comme il est souvent de circonstance en gravel.
Cette jambe se termine par un biais équipé de 3 bandes antidérapantes – encore une différence avec les modèles typés route, désormais équipés de pastilles rondes en silicone. Autre différence, les bretelles sont cousues directement sur le haut du cuissard, et non pas plus bas au niveau des reins. Mais si ce cuissard peut être porté comme “sous-vêtement de luxe”, il n’en est pas moins rustique et solide et peut tout à fait se suffire à lui-même.
D’ailleurs, son petit nom “Kiespanzer”, mot allemand difficile à traduire [cuirassé, blindé, carapaçonné…contre (pour) le gravier], n’a pas été choisi au hasard. Les panneaux de tissus latéraux sont d’apparence solide, même si je n’ai pas poussé le perfectionnisme à chuter pendant le test pour en savoir plus. Quatre poches cargo en filet (deux sur les quadriceps et deux sur les reins), proposent de généreux volumes de rangement.
Les deux poches dorsales sont ingénieusement équipées de ganses en tissus vert pour faciliter leur ouverture. On n’oubliera pas les bandes réfléchissantes diagonales situées sur l’arrière de la cuisse et qui faisaient défaut sur d’autres modèles de la marque. Annoncé à 240€, ce cuissard n’est pas bon marché mais aura sans aucun doute une belle durée de vie, au service de cyclistes exigeants, qui, sans faire la course, cumulent les kilomètres dans l’année sur les terrains les plus variés.
Zeppelin, le short plus léger que l’air
Ce short, pensé pour recouvrir le cuissard Kiespanzer, est surprenant à plus d’un titre. D’abord, parce qu’il est un parfait compromis entre performance et élégance. Sa coupe, très étudiée à l’entre-jambe, permet d’enjamber le vélo, se mettre en danseuse et se rassoir sans aucun risque d’accrocher le bec de selle.
Ce short extrêmement léger et compact (un vrai avantage pour le bikepacking soit dit en passant), est taillé dans un tissu finement crêpé est aussi parfaitement déperlant, comme j’ai pu m’en rendre compte au moment de rincer mon vélo pour en ôter le sel de Camargue. Deux larges poches latérales zippées accueilleront tous vos menus objets et, comble d’élégance, ces zips se prolongent sur le côté de la cuisse pour dévoiler un soufflet qui redonne de la largeur au bas du short lorsqu’on le désire, dans un tour de passe-passe qui pourrait évoquer les noirs kimonos à tiroirs du japonais Yohji Yamamoto.
On notera la taille galbée, maintenue par un simple tissu élastique (on regrettera peut-être l’absence de cordon de serrage, mais cela reste à vérifier) et les bandes noires réfléchissantes situées sur l’arrière de la cuise, à l’instar du cuissard. Ce short est à n’en pas douter une fort belle pièce, clé de voûte de la collection, puisque au service du cycliste pour toute la durée de son aventure, hors et sur le vélo, dans l’effort comme dans la détente, à la ville comme sur les chemins.
Baselayer Summer NS Skin, extension du domaine de la peau
Assos classe ses vêtements selon un code qui correspond à la saison d’utilisation : 1/3 pour les températures les plus chaudes, 2/3 pour la demi-saison, 3/3 pour les météos les plus rigoureuses. Même s’il existe chez Assos des sous-vêtements en filet, encore plus légers que le NS Skin, ce tricot sans manche, blanc côtelé de gris clair et rigoureusement coupé en deux par une ligne noire continue sur le devant, est destiné aux journées les plus chaudes.
Lors de ma sortie en Camargue, avec un pic à 28°C au thermomètre, le NS Skin a créé une couche d’air isolante entre le jersey et ma peau, procurant une sensation de fraîcheur très agréable. Mon camarade Adrien Moniquet, qui l’a utilisé pendant la Desertus Bikus, confirme la polyvalence de ce baselayer, puisqu’il l’a porté pour l’occasion à des températures plus conformes à l’automne/hiver qu’à l’été ; il témoigne également des grandes qualités anti-microbiennes de ce vêtement, utilisé une semaine entière sans lavage.
Comme les autres sous-vêtements Assos que j’ai pu tester auparavant, il a la faculté d’évacuer très rapidement la transpiration et rester sec et doux au contact de la peau. Assos signe ici un excellent baselayer, à classer parmi les tous meilleurs du marché.
Mille GTC Jersey, Forêt Noire insondable
J’avoue être plus dubitatif face à ce jersey présenté comme le “maillot idéal” pour le gravel. Certes, ce jersey vert “Forêt Noire” est beau, élégant (un peu strict peut-être), les finitions sont impeccables, les matières sont techniques et la coupe, ni trop ajustée ni trop ample, est bien pensée. Mais, même après l’avoir porté avec plaisir pour le confort qu’il procure et sa polyvalence face à des variations de température conséquentes, je ne comprends pas les choix qui ont prévalu à sa conception.
D’abord, le jersey ne s’ouvre pas sur toute sa longueur, seul le col est équipé d’un zip court, ce qui empêche par exemple de s’aérer convenablement dans une montée lente lorsqu’il fait très chaud. De plus, il n’y a pas de poches dorsales, juste une petite poche zippée latérale, bien pratique pour de menus objets… vraiment menus. Par exemple, mon petit iPhone 7 n’y rentre pas !
J’observe ce jersey, et ne peux m’empêcher de penser à ces maillots de VTT des années 80, sortes de T-shirts de sport, où il y avait juste assez de place dans la poche pour y glisser des clés de voiture… Bref, tout ce que j’aime !
De mon point de vue, Assos a fait fausse route en pensant que ce jersey correspondrait aux attentes des pratiquants de gravel. Quelques indices pourraient expliquer cette méprise : Dans le descriptif, il est dit que “Si la discipline du gravel est un mélange hybride des disciplines VTT et route, il s’agit alors du maillot idéal.”
Or, je pense que le gravel n’est justement pas un mélange entre route et VTT, mais une véritable troisième voie, une culture en soi qui a sa propre légitimité, ses propres usages, et surtout ses propres marqueurs esthétiques. Après les avoir identifiés, il faut souvent tout réinventer, parfois bien sûr transformer ou adapter l’existant, sans pour autant verser dans le compromis ou le simple recyclage.
Chaussettes GT Socks, élégantes, confortables… et fragiles
Pour terminer ce bilan, j’évoquerai les chaussettes GT Socks, élégantes et confortables, qui comme toutes les chaussettes Assos que j’ai eu la chance de porter, tiennent admirablement bien sur le pied. Mais elles se sont révélées bien trop fragiles pour le gravel, où de multiples sollicitations (pierres, végétaux, marche…) exposent les pieds et ce qui les recouvre à des périls jamais choisis et pas toujours maîtrisés. Lors de ma partie de pêche en Camargue, je n’ai pourtant pas sur-sollicité les chaussettes.
Ni végétaux, ni pierres ne les ont rencontrées…. Mais un simple et unique frottement contre les crampons de mes pneus a tiré quelques fils sur le coup-de-pied et en quittant mes chaussures le soir venu, j’ai pu constater le même type de problème survenu à l’intérieur de la chaussure pendant la sortie. Je suppose que l’exercice est complexe, les chaussettes idéales devraient être agréables à porter mais résistantes à l’abrasion ; si les GT Socks résolvent la première partie de cette difficile équation, elles butent sur la seconde.
Assos go gravel !
À Bike Café, en tant que cyclistes, nous pratiquons le gravel depuis longtemps maintenant, et en tant que journalistes, nous menons depuis longtemps une veille attentive et bienveillante sur les nouveautés que proposent les fabricants de vélos et les équipementiers dans ce domaine. Nous ne pouvons donc que nous réjouir qu’une marque majeure comme Assos se penche sur le berceau du gravel.
Avec cette gamme “GRVL Cross-Over”, issue de la famille Mille/Comfort Series déjà orientée vers des pratiques moins traditionnelles et moins strictement “sportives” que le vélo de route et le VTT, Assos amorce son essor vers des pratiques (et des pratiquants) qui lui restent à conquérir : ceux du gravel évidemment, mais aussi les aventuriers de tout poil, les bikepackers, les cyclistes d’ultra distance… Pour répondre aux attentes dans ces domaines, la plupart des vêtements Assos sont déjà suffisamment techniques, beaux, confortables et polyvalents. À ce titre, le cuissard Kiespanzer et le short Zeppelin sont de véritables réussites (le baselayer NS Skin aussi, mais il existait déjà avant l’apparition de la collection GRVL Cross-Over).
Le jersey Mille GTC par contre, trop typé VTT, sans poches et ne s’ouvrant pas et, dans une moindre mesure, les chaussettes GT Socks, trop fragiles, sont à revoir.
Mais la “force de frappe” de l’équipe R&D de Assos est telle, que je ne doute pas que la collection GRVL Cross-Over soit destinée à évoluer et s’étoffer (avec, pourquoi pas l’apparition d’un gilet isolant extra-compact qui complèterait la gamme) et à conquérir définitivement l’adhésion d’un “nouveau public”.
Gageons que Assos, désormais engagé sur ces chemins prometteurs, saura proposer sans tarder une gamme complète de produits haut-de-gamme et irrésistiblement attrayants pour le gravel, comme elle en propose déjà pour la route et le VTT. C’est sûr, de nouveaux clients vont mordre à l’hameçon… Quant à ma pêche au loup… J’ai fait bredouille !
Cuissard à bretelles Short Mille GTC Kiespanzer Bib Shorts C2 240,00 EUR
Short Mille GTC Zeppelin Cargo Shorts C2 160,00 EUR
Sous-vêtement d’été sans manches Summer NS Skin Layer 60,00 EUR