On constate que des fabricants de selles proposent désormais des modèles imprimés en 3D, qui permettent de remplacer le traditionnel rembourrage en mousse par des matériaux issus de la haute technologie. Mais s’agit-il d’un effet de mode, d’un malin stratagème pour vider la bourse des plus geeks d’entre nous, ou d’un véritable progrès qui améliore le confort et la performance au fil des kilomètres ?
Pour satisfaire à notre (et votre) légitime curiosité, nous avons testé deux modèles différents, proposés par des marques de référence sur ce marché.
Le(s) bon(s) choix
Pour ce test, nous avons sélectionné deux selles aux profils différents pour deux pratiques différentes, l’idée n’étant pas de les comparer, mais de disposer de la plus large palette d’essais possible. Pour la route longue distance, où les kilomètres s’enchaînent pendant de longues heures, usant cuissards et fesses par d’incessants frottements, nous avons choisi l’Antares Versus Evo R1 de chez Fizik.
Pour le gravel sur tous les terrains, où les surfaces plus ou moins lisses mettent à mal par les vibrations les fesses, le dos et les membres supérieurs, nous avons opté pour la Power Pro Mirror de chez Specialized.
Bien sûr, il n’y a pas de règles absolues en matière de selles, de leurs usages et des modèles les plus adaptés à telle ou telle morphologie. Certains utiliseront l’Antares en gravel ou en VTT, d’autres la Power Pro Mirror sur route. En ce qui me concerne, après quelques tâtonnements, j’ai opté pour les configurations décrites ci-dessus.
Des U.S.A. à l’Italie… et retour
Fizik et Specialized sont très connus dans le monde du vélo, il nous semblait logique de faire ce test en utilisant des modèles de ces grandes marques qui sont parmi les premières à franchir le pas des selles imprimées en 3D.
Fizik est née en 1996 aux U.S.A. mais fait fabriquer ses selles à la main en Italie par le plus grand fabricant de selles au monde, Selle Royal.
Specialized a été fondée en 1974, également aux États-Unis. Cette grande marque de vélos a lancé en 1981 le premier VTT destiné au grand public et continue sa progression en créant désormais des équipements, comme des pneus, des jantes et des selles, dont du très haut-de-gamme : Sous l’intitulé “S-Works”, Specialized propose ce qui se fait de mieux en terme de matériaux et de technologies. Nous avons testé ici la Power “Pro”, qui se distingue du modèle “S-Works” par le fait que les rails ne sont pas en carbone. Sinon, il s’agit de la même coque et de la même impression 3D.
Selle Specialized Power Pro Mirror, gravel itinérant et engagé
J’ai installé la Power Pro Mirror sur mon “monster gravel” Salamandre, consacré aux voyages tout-terrain et aux parcours les plus engagés. Cette selle courte et large laisse une grande latitude de rotation du bassin pour des séances de pilotages longues, où la souplesse permet de ne pas trop s’épuiser au fil des heures.
Son ergonomie “Body Geometry”, spécialement étudiée pour la morphologie masculine, supprime la pression sur la zone du périnée du cycliste avec une zone centrale dont le nid d’abeilles est extrêmement souple, mais permet quand même un soutien minimum, à la différence des selles trouées, qui évitent la compression certes, mais n’assurent aucun maintien dans cette zone.
C’est l’une des principales qualité des selles 3D, et nous y reviendrons plusieurs fois au cours de cet article : leur capacité à offrir l’exact niveau de souplesse (ou de fermeté) pour chaque micro-zone de l’assise, à la différence des selles rembourrées de mousse, où ce type de “réglage” est beaucoup plus aléatoire, imprécis et évolutif au fur et à mesure de l’usure de la selle.
Selle Fizik Antares Evo, routes sans fin
Sur les longues distances en route, j’ai besoin de pouvoir changer de position sur la selle, passer du bec (où l’appui va plutôt porter sur le périnée) à l’arrière de la selle, plutôt sur les ischions. J’apprécie les selles assez plates et longues, un peu à contre-courant des selles plus courtes et plus larges que beaucoup de fabricants proposent actuellement.
La position assise et le moulinage permanent pendant de longues heures, parfois sur plusieurs jours (comme pendant les événements longue distance), provoquent des irritations dues aux frottements contre certaines parties de la selle. même lorsque vous pensez avoir trouvé la selle qui s’adapte parfaitement à votre anatomie, tôt ou tard, des irritations, des échauffements apparaissent…
Contrairement aux selles rembourrées de mousse et recouvertes de simili-cuir, les alvéoles des selles 3D minimisent ce type de frottements. Sans les faire disparaître totalement, la sensation est plus proche d’un “mini-massage” que de l’échauffement provoqué par deux surfaces lisses au contact l’une de l’autre. Difficile de décrire ce ressenti… Avez-vous déjà essayé des sandales en plastique avec l’intérieur des semelles garnies de picots ? Ou un tapis de relaxation type “fakir” ? On serait plus ou moins proche de ce type de sensation.
Rembourrage mousse ou impression 3D ?
Une chose est claire : sans pouvoir encore, par manque de recul, présager de la durabilité des selles imprimées en 3D, on peut dire sans crainte qu’elle dureront plus longtemps que les selles rembourrées de mousse. Nous sommes nombreux, parmi les cyclistes, à rouler des selles mousse depuis plus de 10 ou 20000 km… sans trop nous demander si elles sont encore confortables ; la réponse serait sans doute plus douloureuse si nous avions l’occasion de tester soudainement la même selle, dans sa version neuve !
Ce qui m’a le plus frappé dans l’essai de ces deux selles de marque et de conception différentes, c’est la finesse avec laquelle l’impression 3D permet de répartir les zones de pressions sur l’assise. Un simple test “au doigt” permet de constater les variations de fermeté d’une zone à l’autre, et de l’immense latitude que permet l’impression 3D dans ce domaine. Il est évident qu’un rembourrage en mousse ne permet pas une telle précision, et que l’usage répété va modifier mécaniquement l’effet d’amorti de la mousse.
L’impression 3D, c’est moderne high-tech
Les technologies 3D ouvrent la porte à des développements que les méthodes traditionnelles de rembourrage ne peuvent pas permettre.
Chez Fizik par exemple, le rembourrage des selles Adaptive est fabriqué à l’aide de la technologie Digital Light Synthesis (DLS), un processus de fabrication additive qui utilise une projection numérique de lumière ultraviolette, des optiques perméables à l’oxygène et des résines liquides programmables pour produire des pièces avec d’excellentes propriétés mécaniques, résolution et finition de surface.
Chez Specialized, l’impression 3D à partir de polymère liquide reproduit exactement une structure complexe en nid d’abeilles qui permet d’ajuster à l’infini la densité du matériau, ce qui n’est pas possible avec de la mousse. Le résultat est une matrice de 16000 liaisons de support et 7799 croisements, chacun pouvant être réglé individuellement.
On peut donc imaginer, dans un avenir proche, l’impression de selles sur-mesure, à l’unité… en attendant, le résultat de ces modèles de série est bluffant de précision et d’efficacité.
Frotti-frotta
Certains de mes abonnés sur les réseaux sociaux ont attiré mon attention sur les risques d’usure prématurée que les selles 3D risquent de faire subir aux cuissards. En ce qui me concerne, j’use déjà pas mal mes cuissards sur les selles en mousse, et je n’ai pas constaté, en tout cas à ce jour, que je les usais plus sur les selles en 3D. J’imagine que cela dépend aussi beaucoup de la façon dont chaque cycliste se rassoit après un passage en danseuse, également de la puissance de son pédalage et de sa propension à bouger plus ou moins, basculer son bassin, changer de position…
En ce qui me concerne, j’ai toujours eu tendance à utiliser des selles fermes au contact, car avec les selles molles les frottements sont accentués et renforcent les échauffements.
Avec des selles “full carbone”, sans aucun rembourrage, je suis parfaitement à l’aise, mais j’ai constaté une usure plus prématurée de mes cuissards. Avec ces deux selles 3D que j’ai testées, la sensation de contact est très intéressante, avec son effet “micro-massage” dû aux alvéoles, mais la souplesse globale de contact n’est pas trop agressive pour les cuissards. Les selles 3D seraient-elles le parfait compromis entre confort et fermeté ?
Entretien et durabilité
Les selles imprimées en 3D ont beau être perforées, elles sont relativement faciles à nettoyer. Certes, les projections de boue s’incrustent immédiatement dans les alvéoles en nids d’abeille, mais de retour à la maison, j’ai toujours pu, sur les deux modèles à l’essai, chasser facilement la terre sèche bloquée dans les alvéoles avec le jet d’eau du jardin.
Pour ce qui est de la résistance aux UV et la résistance à l’usure, je n’ai pas assez de recul après seulement quelques semaines de test, mais les fabricants ont soumis les selles à des tests d’usure accélérée et garantissent plusieurs années d’utilisation sans soucis. Faut-il les croire ? malheureusement, il sera difficile de les contredire aujourd’hui… seul le temps nous dira sa vérité. Rendez-vous sur Bike Café dans trois ou quatre ans pour le savoir !
La selle 3D, une tendance bien installée
Rails titane ou carbone, coques monobloc, lignes pures et design futuriste, ces nouvelles selles 3D ont tout pour séduire un public de cyclistes intensifs, exigeants et prêt à dépenser beaucoup pour leur passion.
Même s’il existe encore peu de modèles disponibles, que toutes les grandes marques n’ont pas franchi le cap et que les prix sont encore très élevés, nul doute que les selles 3D ont un bel avenir devant elles. Les techniques de fabrication se démocratisent et les prix suivront. Cette technologie permet de produire des selles plus durables et plus confortables, pour le plus grand bonheur des cyclistes intensifs qui passent de longues heures sur leur selle et tous ceux qui ont du mal à trouver le modèle le plus adapté à leur postérieur.