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Le détour du 26 pouces, épisode 1/3 : Rien ne se perd, tout se transforme

On lit régulièrement dans la presse vélo des articles sur le retour du 26 pouces. Dans le jargon du journalisme, on nomme “serpents de mer” ce genre de thématiques récurrentes. À Bike Café, nous ne considérons pas du tout que les 26 pouces soient de retour, pour la bonne et simple raison qu’ils n’ont jamais disparu de nos rues et de nos garages !
Certes, les années 90 sont loin, quand les “petites roues” équipaient 100% des VTT. Les mountain bikes d’aujourd’hui et le diamètre de leurs roues ont beaucoup changé… mais les 26 pouces ont la peau dure et n’en finissent pas de faire parler d’eux. Pourquoi ? Comment ? Dans cette série de l’été, partons donc à la rencontre de quelques-uns de ces cyclistes qui délaissent les grandes roues et leurs itinéraires de route, de gravel ou de “Twenty Niner”, pour un détour et un tour de 26 pouces.

Fred
Frédéric Paulet peaufine le réglage des vitesses d’un Muddy Fox Seeker – photo Dan de Rosilles
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Le détour du 26 pouces (épisode 1) : Rien ne se perd, tout se transforme

Le VTT 26 pouces est partout. Ce qui était il y a 30 ans un vélo parfois haut-de-gamme réservé à l’élite des cyclistes tout-terrain, est désormais un biclou de seconde ou de troisième main, cantonné à des déplacements urbains et des tâches subalternes. C’est le véhicule de base des collégiens et des étudiants, des ouvriers agricoles, des vélotafeurs, parfois abandonné à son triste sort, sans selle et sans roue avant, quand il a été laissé trop longtemps attaché à un lampadaire.
Mais les disgrâces du 26 pouces sont aussi ses qualités, pour le plus grand plaisir de géniaux créatifs, qui savent transformer et valoriser ce vélo pratique, polyvalent et protéiforme.

Caminade, les ingénieurs

Caminade
Geoffrey nous présente non sans fierté un 26 pouces transformé en vélo cargo – photo Dan de Rosilles

À chacun son cargo bike – Brice, le fondateur de Caminade, la marque de vélo Catalane et militante sise à Ille-Sur-Tet, à côté de Perpignan, en est persuadé : on vit une époque particulièrement déraisonnable. Dans une fuite en avant toute entière consacrée à l’ultra-consommation et au gaspillage des ressources, notre société ne pourra plus, dans un avenir très proche, se survivre à elle-même sans remettre fondamentalement en question l’ensemble de ses paradigmes. La disparition – programmée – de la voiture, la sur-utilisation suicidaire des énergies fossiles et la passion des déplacements longue distance devraient logiquement laisser place sans tarder à l’humble usage du vélo utilitaire.

Encore faut-il pouvoir disposer de moyens de transport pratiques et à la portée de tout le monde. “ On a tous un vieux VTT dans le garage” rappelle Brice. D’où l’idée d’inventer un cargo “Low Tech” qui se greffe tout simplement et en quelques minutes à la place de la fourche d’origine de n’importe quel 26 pouces. Le bureau d’étude de Caminade l’a fait ; Geoffrey nous le présente à deux pas de la Fàbrica Vélo, dans une ruelle du bourg. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire ingénieux, pourquoi faire polluant quand on peut faire doux et durable ?

Frédéric, le docteur

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Frédéric et son Cannondale CAAD5 utilitaire – photo Dan de Rosilles

Éthique, résilience et décroissance – Désireux de vivre et travailler en adéquation avec ses convictions, Frédéric a stoppé son activité de vélociste commerçant pour installer son atelier-laboratoire dans une grange haut-perchée en Lozère, au dessus du lac de Villefort, au cœur des Cévennes. Il y développe une économie solidaire, un atelier de mécanique vélo et du tournage sur bois. Ce virtuose du montage de roues et de l’adaptation de pièces de seconde main remonte et réinvente avec minutie et virtuosité des vélos de voyage, des destriers pour la course longue distance et des cargos électrifiés par ses soins, pour de chanceux cyclistes triés sur le volet. Il préfère soigner, réparer et réassembler plutôt que vendre du neuf et du prêt-à-rouler.

Pour le 26” que Anne lui a demandé de remettre en service, il a combiné des pièces d’occasion (à l’instar des poignées de frein à tirage variable : long pour le V-Brake à l’avant, court pour le U-Brake à l’arrière) et des pièces neuves, comme les roues 26” à freinage sur jante Mavic Crossride UB 26, que Mavic continue de produire pour répondre à une demande incessante. Il est vrai que si l’on trouve facilement des cadres anciens en bon état, les roues d’époque ont souvent beaucoup souffert.

Frédéric a aussi sauvé du naufrage, pour son usage personnel, un Cannondale CAAD5 en aluminium qu’il utilise pour descendre faire ses courses à Villefort. Ce “26 puces”, condamné à une mort certaine à cause d’une patte arrière cassée, est désormais incapable d’accueillir un dérailleur et une attache rapide. Qu’à cela ne tienne ! Un moyeu Alfine de récupération, avec son axe boulonné et ses vitesses intégrées, a redonné une nouvelle vie au CAAD5.

Akim, le customizeur

Akim
Akim, le fondateur de granplato.cc et son GT Outpost de 1994 — photo Dan de Rosilles

Élégance et belles pièces – Akim est graphiste, musicien, et pilote de pignon fixe. Il est aussi connu pour être l’infatigable animateur du très célèbre rendez-vous “Le Mardi, C’est Fixie” qui réunit chaque semaine depuis 7 saisons à Arles des cyclistes buveurs de bières artisanales et amateurs de convivialité. Non content de s’adonner au pignon fixe (breakless s’il vous plaît, sinon rien), Akim s’est pris de passion pour les 26 pouces, qu’il traque inlassablement sur les internets et dans les vide-greniers.

Talentueux mécanicien et esthète, il a créé Granplato, un site web où l’on peut acheter les 26 pouces qu’il “Recycle, Rebuilt, Ressurect” en ”Néo-Rétro Commuter Bikes”, aussi efficaces en ville pour transporter des pizzas que pour enfiler les singletracks comme des perles dans les Alpilles. Sa signature : des peintures d’origine lustrées avec amour, des pneus-ballons surdimmensionnés, des transmissions mono-plateau “wide-narrow”. Les 26 pouces qu’il a déjà “repimpés” sont visibles sur le blog de Granplato ; de belles pièces détachées sont aussi disponibles au détail.

Son savoir-faire en matière de customisation s’inscrit dans la même veine que ce qu’il démontre dans sa musique et ses travaux graphiques : un sens aigu de la mesure et de l’équilibre, une bonne dose de créativité et le respect de ce qui a fait date, de ce qui a existé, a marqué une génération, et perdurera comme un classique, une référence.

Dans le deuxième épisode, il sera question de nostalgie, d’addiction, d’itinéraires et de petits détails qui font la différence. Ne le ratez pas !

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Dan De Rosilles
Dan De Rosilleshttps://www.strava.com/athletes/5149425
Dan de Rosilles quadrille sans relâche les routes et les chemins d’Occitanie, entre Cévennes et Camargue. Traceur passionné d’itinéraires de route et de gravel, il administre plusieurs clubs Strava : Arles Gravel, Mi-Fixe-Mi-Gravel, Cyclistes Arlésiens Longue Distance (CALD) et Arelate Denta Rota Fixa. Il aime le pignon fixe, la longue distance, le bikepacking, la pêche à la mouche, le saucisson et les bières artisanales. Ses textes et ses photos sont publiés régulièrement sur Bike Café et plus ponctuellement dans la presse papier.

6 COMMENTAIRES

  1. Très intéressant article sur de belles initiatives.
    Malheureusement bcp trop rare sur bike café qui ressemble plus désormais à un dépliant publicitaire qu’à un site sur la pratique du gravel.
    Pour un article sur le réemploi, il y en a 50 qui servent la soupe aux vendeurs de produits neufs. Faut bien manger n’est ce pas ?

    • Tout à fait, il faut bien vivre. J’ai créé Bike Café début 2016 sans pub et avec toutes les dépenses : déplacements, hébergements, abonnements, … à ma charge. En 2021 nous sommes passés en société avec tous les frais que vous pouvez j’espère comprendre. Je ne sais pas comment de votre côté vous financez vos dépenses, mais pour nous il était vital de passer comme tous les médias à un mode plus “commercial”. Nos articles annoncent parfaitement si ils sont financés ou si il s’agit de diffusion de communiqués. Je pense et d’ailleurs vous le remarquez, nous produisons un bon nombre d’articles originaux et absolument pas rémunérés. Ce matin par exemple nous avons publié un sujet très intéressant sur le 26 pouces 😉 Pas vraiment pub… Je vous rassure on ne vit pas dans l’opulence et lorsque nous avons payé chaque mois tout ce que nous devons, on ne peut pas vraiment”mettre de côté”. L’autre méthode pour vivre et financer notre travail serait de faire payer nos lecteurs …

  2. Les VTT 26 pouces en bon état se font déjà rares (et souvent chers) sur Leboncoin. Merci d’éviter ce genre d’article qui pourrait conduire à une explosion de la côte.

    Blague à part, je viens de rénover un petit VTT 26 en single-speed sur bases Leboncoin X AliExpress. Ça fait un petit gravel pour le prix d’une cassette 11V… En terme de rendement, c’est pas le top mais en terme d’amusement…
    Ces vieux vélos sont aussi parfait pour le vélotaf vu le prix dérisoire et la durabilité des pièces d’usure…

  3. Belle initiative de parler de ces 26 pouces oubliés dans nos greniers qui peuvent revivre à peu de frais et nous permettre de s’amuser sans dépenser des sommes folles et céder aux sirènes du marketing . Pour quelques dizaines d’euros on peut se trouver un bike unique pour rouler sur tous les terrains . Question subsidiaire : quelle est la fiabilité des pièces détachées achetées sur Ali express ?

  4. Commentaire très personnel et amical.
    Un grand merci à toute la sympathique équipe de Bike Café même si de « source bien informée » elle aurait vendue son âme aux diables du marketing et de la finance internationale.
    D’autant que j’ai eu le plaisir de croiser la route de Patrick, dont je me sens plus proche en âge (désolé Patrick), lors du Roc d’Azur 2021 et le Nature is Bike d’Angers.
    Ces quelques mots bien sincères et sans larmoiements excessifs car vous m’avez aidé à supporter sur 2022 et 2023 deux chirurgies lourdes, six mois de chimiothérapie et quinze très longs mois de privation de vélo.
    Cette « mésaventure à l’insu de mon plein gré », j’ai pu encore une fois la supporter en partie grâce à l’équipe Bike Café et ses articles approfondis et bien travaillés.
    Abonné depuis déjà plusieurs années j’attendais avec impatience vos articles le lundi matin.
    Continuez comme ça.
    Cordialement et peut-être sur le Roc d’Azur début octobre.

  5. Ça me fait penser que j’ai un vieux Rockrider 300 (acheté 15€ sur LBC) dont seuls le cadre, la fourche et les freins sont récupérables.

    J’ai aussi une roue avec un Nexus 7 et tout son accastillage (commandes… achetés 80€ sur LBC),
    des bons pneus Schwalbe en 1.75″,
    une roue avant double paroi (45€),
    il ne me reste qu’à trouver un pédalier où je pourrais monter un plateau de 34 ou 36 dents (par chez moi c’est jamais plat, c’est pas les alpes mais c’est toujours pentu),
    reste à trouver aussi un p’ti porte bagage (pour le coté pratique),
    acheter un JdP neuf et il sera reparti pour une nouvelle vie d’utilitaire,

    d’ailleurs je monterai peut-être un moteur roue avant pour prêter ce chouette biclou à des miennes copines dont les genoux et les jarrets ne sont pas au mieux 🙂

    Budget total (sans moteur) moins de 200€
    sinon ajouter 200€ pour le moteur et sa batterie 🙂

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