Vous êtes certainement passé un jour entre Arles et Salon de Provence en empruntant l’autoroute qui traverse cette plaine sédimentaire que l’on appelle “La Crau”. Ce territoire un peu désolé – trait d’union entre les Alpilles et Marseille – n’a peut-être pas éveillé votre intérêt, tant vous étiez concentré sur votre conduite chahutée par le Mistral fréquent par ici.
Pourtant cette plaine méconnue, qui s’est constituée sur le paléo delta asséché de la Durance, est un milieu naturel qui a favorisé la formation d’un écosystème steppique remarquable. La Crau, aux environs d’Arles, a également inspiré Vincent Van Gogh qui en a fait l’un de ses lieux privilégiés où il retrouvait les lignes horizontales de sa Hollande natale.
Vers la fin du XVIème siècle, une partie de cette plaine a été transformée en prairie de fauche, dont le fourrage est réputé pour sa haute valeur nutritive. Cela a permis d’une part, la mise en place d’un système de pastoralisme qui a fait naître le « Foin de Crau » (aujourd’hui A.O.C) et la création d’un lien fonctionnel entre la partie irriguée et la partie restée steppique. Aujourd’hui, on parle de “Crau humide” et irriguée et de “Crau sèche” balayée par le vent. Le XXème siècle a apporté son lot d’évolutions : la plaine va connaître l’intensification de l’artificialisation de son milieu au détriment de la steppe mais aussi des surfaces irriguées. L’urbanisation s’installe avec ses activités économiques (armée, transport, plate-forme logistique, vaste dépôt d’ordures, maraîchage, arboriculture,…).
J’ai survolé souvent ce désert – lors de visites professionnelles à notre établissement installé sur la base d’Istres – sans connaître son histoire. Au travers du hublot de l’avion, c’était la vue de la piste qui captait mon attention. Il aura fallut changer de moyen de transport en passant du Falcon au vélo, pour mieux connaître, vus du sol, ces lieux isolés … et quel sol ! …
Arles Gravel un collectif actif et créatif …
C’est donc en vélo que nous sommes partis à la découverte de ce territoire … Notre choix est bien sûr le vélo de Gravel car il permet cette intrusion dans une nature où l’état du sol sous nos pneus évolue en permanence avec cette fois une difficulté particulière : la confrontation avec les “galets” de la Crau … La Durance a laissé ici, en guise d’héritage, un caillou arrondi qui nous a bien secoué les neurones.
Après le Tour de Camargue, celui de l’étang de Berre c’est à nouveau une excellente initiative proposée par le collectif “Arles Gravel”. Notre “guide”, pour cette sortie, est Dan de Rosilles, qui sait mettre des paroles sur la musique du parcours tracé avec “Kéké de Sausset” et “Ndaref Fameux”. Nous avons bénéficié de ses commentaires éclairés sur tous les lieux traversés : les moutons de Mérinos, les bergeries aux murs en “tapi” (terre et galets, les taureaux de combat, les vaches portugaises, … pour la partie élevage. Les vertus du foin de la Crau, la culture sous les serres à haute pression de Haute Crau, la gestion des canaux d’irrigation, … pour la partie culture. La partie steppe, malgré le vent violent qui rendait inaudible toute conversation, n’a pas échappée à ses explications sur ces fameux tas de cailloux placés sur ordre des occupants allemands lors de la dernière guerre, pour prévenir les atterrissages des forces alliées.
Le parcours …
Départ très symbolique du futur musée de la Fondation Luma, construit par Frank Gehry, pour nous conduire à l’arrivée au musée de l’Arles antique conçu par Henri Ciriani. Le dénivelé s’annonce modeste avec seulement une petite montée sur le plateau sédimentaire de la Crau. La grosse difficulté sera la traversée de la partie “steppe” avec ses champs de galets … On le savait, on était prévenu : on est venu pour cela.
Briefing de départ … Dan nous explique les grandes lignes du parcours … on appuie sur le bouton “start” des GPS : c’est parti …
Km 0 : Départ symbolique choisi par Dan devant la fondation Luma.
Km 4 : On contourne le marais de Beauchamp : attention aux têtes il y a une branche un peu basse. Georges restera accroché par son sac à dos … la tête était passée mais le sac s’est accroché.
Km 6 : Ce sera la seule vraie côte de ce parcours on grimpe au milieu de nombreux Mas pour avoir une vue à notre gauche sur la ville d’Arles que l’on vient de quitter.
Km 15 : Après des “zig” et des “zag” entre les Mas on découvre le château d’eau de Ballarin à l’architecture en nid d’abeilles.
Km 18 : Un troupeau de Mérinos va ralentir notre cadence …
Km 24 : Les serres de Haute Crau utilisent une technique de haute pression qui permet de supprimer les pesticides pour la culture des tomates. Thierry, qui était parmi nous, a rapidement expliqué le système basé sur la géothermie.
Km 27 : Pas très loin de ces serres, vers le Mas de l’Îlon on rencontre les premiers élevage de taureaux … Leurs silhouettes noires apparaissent au milieu des arbres … Ils sont loin on peut rouler tranquille.
Km 28 : Encore un changement de paysage on arrive dans la vallée des Baux … Territoire des pêcheurs semble-t-il, si l’on en croit ce magnifique panneau “Les Fines Gaules de la Vallée des Baux”.
Km 30 : Une passerelle métallique à franchir au-dessus du canal des pompes. Le passage est étroit et glissant.
Km 34 : On arrive à Caphan
Km 42 : Après être passé dans un tunnel sous l’autoroute nous découvrons les énormes bâtiments des plate-formes de transport installées ici dans cette plaine de la Crau qui lâche petit à petit des parts de son territoire sauvage. Plus loin des éoliennes sont animées par un vent qui nous vient aujourd’hui du sud-est.
Km 47 : Nous voilà au hameau de “La Dynamite” et son étang … Un lieu bien nommé puisqu’on y trouve une fabrique d’explosifs Nitrochimie.
Km 50 : En bordure de l’étang des Aulnes, c’est la pause casse-croûte. Il était temps car nous avions faim.
Km 54 : Ça devient sérieux on entre dans le coussoul : un milieu surprenant par la simplicité de son paysage, une immense pelouse à brachypodes rameux, couverte de gros galets … Le vent, qui jusqu’alors nous avait épargné, a sérieusement forci et nous sautons sur les galets de la steppe. On s’arqueboute pour lutter à la fois contre le “mur” que représente ce fort vent de face et pour garder une certaine vitesse permettant de survoler les galets de plus en plus nombreux sous nos roues. On se dit que Paris – Roubaix à côté c’est du gâteau …
Km 56 : On reprend notre souffle avant d’attaquer la suite …
Km 58 : Deux chiens de troupeau sont face à nous et le berger n’est pas content que la présence de nos vélos écarte ses bêtes … Dans un désert on arrive encore à “déranger” …
Km 62 : Un passage très gras en bordure d’un marais. On sera obligé de mettre pied à terre. Les VTT passeront mais les gravel joueront la prudence.
Km 70 : On laisse à gauche les marais du Vigueirat.
Km 76 : On longe un moment le Canal de Arles à Bouc construit autrefois par un ingénieur Néerlandais Jonas Hagerman en 1822. Il était venu apporter sa connaissance des Polders en terre de Crau. Construit sur le tracé approximatif d’un canal gallo-romain, le canal d’Arles à Bouc est certainement l’un des plus célèbres au monde, grâce à Van Gogh.
Km 88 : On emprunte une partie d’un tronçon de la via Rhôna vélo qui sera un trait d’union, lorsqu’elle sera achevée, entre les Alpes suisses et la mer Méditerranée. Nous sommes toujours le long du canal d’Arles à Bouc et on arrive au fameux Pont de Langlois immortalisé par Van Gogh.
Km 91 : Nous voici arrivés au Musée de l’Arles antique qui sera notre point d’arrivée. On retrouve les voitures et on déguste une bonne bière accompagnée des petites spécialités apportées par quelques participants … Fromage et saucisson de Haute-Savoie, quiche aux pignons, … Nous sommes tous heureux de cette belle sortie … Pas une crevaison, beaucoup de boue sur les vélos et de beaux souvenirs.
La vidéo
Le parcours
Sur Openrunner le tracé du jour : http://www.openrunner.com/index.php?id=7039351
À suivre
Suivez les activités d’Arles Gravel :
- Le site : https://arlesgravel.wordpress.com/
- Le club Strava : https://www.strava.com/clubs/153235
Savoir plus
Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur la plaine de la Crau je vous invite à consulter cet article dans Cybergeo : https://cybergeo.revues.org/27356
Merci pour ce récit qui me prépare “Le Grand Panorama” 🙂