photo d’en-tête : @Spotzle
Deuxième constructeur mondial de vélo, mais encore assez peu connu chez nous, Merida souhaite se développer en France avec une gamme route, VTT, e-bikes, junior et ville. Au Bike Café nous nous sommes attachés à tester le Silex, le vélo de gravel du fabriquant Taïwanais. C’est dans les vignes vallonnées de l’Auxerrois, que nous avons chevauché une monture qui, malgré son coût modeste, présente bien des qualités.
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600 ou 300 ?
Sur la même base (cadre et fourche sont rigoureusement identiques), Merida propose deux versions de son Silex, le 600 et le 300. Au 600, de couleur bleu métallisé, un pédalier et une cassette Apex originaux, un freinage à disques hydraulique associé à un procédé “maison” de refroidissement des disques, des roues Fulcrum Racing.
Au 300, de couleur vert métallisé, un pédalier FSA et une cassette Sunrace, un freinage à disque à câbles Tektro Spyre et des roues génériques, sans doute un peu plus lourdes que celles du modèle supérieur. Pour le reste, c’est bonnet-blanc, blanc-bonnet : même cadre en aluminium, même fourche carbone, même transmission Sram Apex, même cintre, même selle. La première chose frappante, est le prix contenu de ces deux modèles. Pour ce test, mon choix se porte sur le plus modeste, avec ses freins à câble, sa transmission premier prix et ses roues génériques. Quitte à tester un vélo au prix vraiment abordable, autant tester le moins cher des deux ! Essayons donc le 300-vert-pomme-acidulé-métal-Renault-12, qui est proposé à 1399€, le 600-bleu-électrique-safre-métal-Renault-16 coûtant quant à lui 1899€.
Belle (et pluvieuse) Bourgogne
Merida nous a invité, en compagnie d’un large panel de journalistes de la presse vélo française, à tester le vélo dans les vignobles de Coulanges-la-Vineuse, au sud d’Auxerre. La zone, très vallonnée, se prête à merveille au gravel : chemins de vignes aux granulats plus ou moins gros et agressifs, sous-bois terreux ou recouverts de feuilles, petites routes aux virages traitres et sablonneux, nids de poules, raidillons… un terrain de jeu idéal pour tester un gravel. La météo, vraiment mauvaise, ne nous a pas permis de tester le vélo plus qu’une demi-journée, mais nous avons pu l’éprouver dans toutes les situations que l’on rencontre sur ce type de pratique. Pour couronner le tout, le vélo était monté en chambre à air, avec des pneus de 28… Les Pirelli Cinturato vont se révéler excellents de précision, de motricité et d’accroche pendant ce test, mais en gravel, une section de 28 est, disons… un minimum. Tant mieux, nous n’en jugerons que mieux les qualités intrinsèques de confort du vélo.
Pour commencer, un peu de dissection
Avant le test, penchons-nous un peu sur l’animal. Je suis tout de suite attiré par les inserts, très visibles, de chaque côté de la fourche. Je n’en crois pas mes yeux ! Enfin un fabriquant qui a compris la nécessité d’équiper, de série, nos vélos de gravel de fourches polyvalentes ! Grâce à ces inserts, on peut rajouter deux bidons supplémentaires à l’avant lorsqu’on s’embarque pour des longues distances en autonomie en été ou lorsque le bikepacking empêche d’installer des bidons dans le cadre. On peut aussi s’en servir pour installer un porte-bagage avant et des sacoches en mode touring/voyage, ou des “cages” qui permettrons d’y sangler sacs étanches, tentes, duvets… lors de raids tout-terrain.
Des inserts sont aussi présents sous le cadre (pour l’installation d’un bidon porte-outils par exemple), où Merida a eu la bonne idée de faire disparaître le câblage dans le tube diagonal, pour un rendu plus net et une installation de packs de bikepacking plus aisée. L’intention voyage/longue distance se précise…
Pour contenir le prix du Silex 300, Merida a opté pour des roues “maison”, un freinage à câbles et a rogné sur l’Apex : un pédalier FSA et une cassette Sunrace hybrident la transmission d’entrée de gamme de Sram, ce qui alourdit peut-être un peu le vélo, mais ne devrait pas nuire à la fiabilité de l’ensemble. Je n’ai malheureusement pas pu comparer la progressivité et l’efficacité du freinage entre la version câble et hydraulique, ni peser les deux vélos pour comparer le poids total, mais on peut préjuger qu’avec ses roues Fulcrum le 600 doit être plus léger et mieux relancer que le 300. Mais très honnêtement, je ne suis pas sûr que la différence soit flagrante.
De plus, avec les 17 mm intérieur des jantes Merida Comp SL sur le 300 et les 19 mm intérieur des roues Fulcrum Racing 700 DB du modèle 600, les montes de pneus larges (40 mm par exemple) ne seront pas optimum, et ce dans les deux cas. C’est plutôt en faisant évoluer ultérieurement le vélo en le dotant de jantes plus larges que la différence se fera vraiment. Sans avoir pu essayer le 600, je reste donc curieux de savoir si le Silex 300 fait des étincelles, c’est le moment d’aller rouler.
Prise en main, premières impressions
Le premier contact avec un vélo se fait toujours par les mains, les pieds, puis les fesses. En ce qui concerne les pieds, nous n’en parlerons pas car les pédales SPD ne sont pas ici à l’étude. Pour ce qui est du cintre et de la selle, par contre, j’avoue que j’ai tout de suite adopté ces périphériques estampillés Merida.
La selle et le cintre sont bien dessinés, sobres, et bien pensés pour le gravel. Il pourraient sans honte équiper des vélos de catégorie supérieure. Bravo aux designers et développeurs qui ont pensé et réalisé ces produits.
Pour ce qui est de l’aspect du vélo dans son ensemble, j’avoue que je ne suis pas convaincu de prime abord. Parce que j’ai un a priori sur l’aluminium : mes dernières expériences sur des cadres en alu, qui datent d’il y a quelques années, me laissent le souvenir de vélos inertes, à la fois mollassons et inconfortables. Mais aussi parce que, visuellement, le vélo n’est pas franchement gracieux, avec ses soudures grossières, sa peinture métallisée clinquante, son tube de direction qui n’a une forme que parce que tous les autres tubes arrivent là, son sloop extrême, ses haubans sinueux, le tout donnant au vélo un aspect indéfinissable, genre “vilain petit canard un peu gauche et maladroit”.
J’enfourche l’engin pour tester la hauteur de selle et le désenclenchement des pédales, en tournant dans la cour du domaine viticole qui nous sert de base pendant ce test et, dès les premiers tours de pédales, je suis surpris de la prise en main, tout à fait intuitive, et du bon comportement du vélo à faible allure, réactif et adroit pour virevolter dans un espace aussi réduit. Certes, je ressens aussi qu’on est haut sur le vélo, exactement comme sur mon pignon fixe. Est-ce parce que, là aussi, le boîtier de pédalier est plus haut que la norme ? Je ne sais, mais si cette sensation peu dérouter certains, j’en ai l’habitude, et la suite montrera que ce ressenti passe très vite au second plan, grâce au comportement exemplaire et très sécurisant du vélo.
Pilotage
Puisque le parcours est court et les pneus rapides, autant y aller à fond ! J’enchaîne les secteurs de route et de piste en essayant de pousser le vélo dans ses retranchements.
Après une crevaison à l’avant, par pincement dans les deux premiers kilomètres (et oui, du 28 avec chambres quand même…), je réduis légèrement la cadence sur les passages les plus caillouteux, mais en relançant dès que l’opportunité se présente : raidillons, passages en sous bois, virages tendus… Sur les portions de route descendantes et dans les longues lignes droites de chemin blanc, je fais monter le cardio soit en danseuse, soit collé à la selle, les mains en bas ou en haut du cintre, en moulinant ou en amenant le braquet le plus gros possible… Bref, j’essaie d’éprouver le vélo et son équipement à son maximum, dans les scénarios les plus divers.
Après une bonne heure à haut régime, je dois me rendre à l’évidence : j’atteins mon maximum, mais pas celui du vélo… Irréprochable dans toutes les situations, il me bluffe de fiabilité, de nervosité et de stabilité. Les roues et les freins font le job. Les pneus Pirelli Cinturato sont excellents (nous en ferons vraisemblablement un test détaillé dès cet automne). La fourche filtre très bien, mais ne fléchit pas lorsqu’on décompresse sur l’avant pour avaler des creux en descente. Seule, la transmission Apex montre ses limites quand on la martyrise en montée, mais je ne saurais dire si c’est un problème de réglage, de manque de cohésion entre le dérailleur Apex et la cassette Sunrace ou un manque de rigidité en situation extrême au niveau du pédalier FSA.
À mon avis, en l’état, ce vélo peut aller vite sur route et sur chemin, est tout à fait confortable pour rouler (très) longtemps et peut donc aisément s’adapter à un usage route/endurance, vélotaf, ou touring. Si on peut passer outre son aspect un peu cheap dû à des soudures grossières et une peinture clinquante, à un prix très abordable on disposera immédiatement d’un vélo polyvalent et très efficace, facile à entretenir (le freinage à câbles n’y étant pas pour rien). Dans un deuxième temps, pour le faire évoluer, il faudra changer les roues pour des jantes plus larges, investir dans une cassette plus légère… La seule intervention immédiatement après l’achat consistera, pour tous ceux qui roulent longtemps, parfois chargés et/ ou dans des zones à fort dénivelé et caillouteuses, en un changement de plateau, 36 ou 38 dents : Le 44 dents imposé par Sram à tous les fabricants pour les gravels mono plateau restant l’un des plus grands mystères que nous réserve le marketing industriel.
Ce qu’on aime :
• Le comportement du vélo : vif, sécurisant, confortable, assez précis pour un vélo en aluminium, même si de ce point de vue il est moins adroit que des vélos haut-de-gamme en carbone ou en acier.
• La qualité de filtration du cadre et de la fourche. Malgré l’utilisation de l’aluminium, le vélo est surprenant de confort, même avec des pneus de 28 mm sur des chemins caillouteux.
• Les inserts sous le cadre et sur la fourche (pour un troisième bidon porte-outils sous le cadre et des porte-bidons supplémentaires ou des cages sur la fourche) pour un usage longue distance / voyage.
• Le passage des câbles en interne.
• Le cintre et la selle, sobres et parfaitement adaptés à la pratique du gravel.
Ce qu’on regrette :
• Les soudures industrielles. Mais à ce prix-là …
• La couleur bleue du 600. J’ai rarement vu aussi laid ! (le vert flashy du 300 est plus rigolo).
• Le plateau 44 dents de série (qu’on remplacera par un 38 ou 36 dents selon les dénivelés qu’on pratique).
• L’étroitesse des jantes tubeless, qui auraient mérité 2 ou 3 mm de largeur supplémentaire pour mieux accueillir des montes des “gros” pneus (35 à 40 mm).
Souvent les constructeurs équipent leurs vélos avec des gantes étroites pour contenir la largeur des pneus quand ceux-ci passent trop près des bases au niveau de la boite de pédalier.
Est-ce le cas sur ce modèle ?
Malheureusement je n’ai pas pu vérifier la “clearance” du vélo faute de temps et de matériel, mais sur le site du fabricant il est annoncé à 700X42c avec des pneus “typés route”
Je suis d’accord sur le petit problème que pose le plateau de 44T pour un mode randonnée. J’envisage de faire la traversée des Grandes Alpes de Thonon à Menton en bikepacking et je vais passer avec un 38T.
Pour le reste l’essai est également conforme à mes propres impressions, ce qui fait du Mérida Silex 300 un achat hautement recommandable pour qui recherche un Gravel très polyvalent “fitness-rando-chemin-route” dans un esprit sport & confort, à un prix contenu.
Merci Alex pour ce retour.