La gravelxinoise affiche fièrement ses 4 ans. C’est déjà vieux dans le jeune monde du gravel et cette balade, sur laquelle on regarde plus le paysage que le chrono, atteint sa pleine maturité avec cette année 3 possibilités de parcours :70, 100, 130 km. La gravelxinoise est désormais un rendez-vous incontournable et attendu par les pratiquants d’Ile-de-France, mais pas que car cette année on a pu y rencontrer un “faux” écossais Belge et 2 sudistes venus du Var.
« C’est justement pour satisfaire les participants venus de loin que nous avons créé cette année une distance de 130 km », précise Martial Prévost, traceur des parcours et co-organisateur. Le comptoir du gravel, bien connu sur facebook, est devenu une association pour pérenniser cette organisation. « En effet, nous avons déposé des statuts et créé un bureau pour assoir la gravelxinoise sur des bases saines. Nous avons affiliés l’association à la FFCT pour pouvoir assurer l’épreuve et tranquilliser nos participants », poursuit Martial.
Récit de nos sudistes
Pour sa quatrième édition, la gravelxinoise a offert un baptême bien liquide aux nouveaux venus dans le Vexin, une immersion totale. Un tel évènement gravel, cela s’arrose copieusement ; la pluie était partenaire de la journée, offrant généreusement quelques « gouttes échantillon » en guise de dégustation aux premiers arrivants. Pourtant la veille, de beaux rayons de soleil aux alentours de Cergy nous laissaient entrevoir sa défection.
8 h du matin à Valmondois
Ce dimanche 20 octobre, huit heures du matin, sur les parking sud et nord de la gare de Valmondois, encore plongée dans une pénombre à demi éclairée par des lampadaires anémiques, les participants arrivent de tous les horizons en ordre dispersé.
On se salue par un petit bonjour qui réchauffe la frilosité du matin gris mat. On sort du coffre minutieusement où du porte vélo son futur compagnon aquatique. Les derniers réglages et vérifications de pression des pneumatiques se font dans la bonne humeur, les arguments sur la justification du type de montage fusent de toutes parts, du 700×40 par ici, du 650bx47 par là, en tubeless, en butyl ou latex, tout le monde se fait « chambrer. »
Ça frime grave(l) avec une discussion d’avant départ relatant les atouts d’une veste Goretex prévue pour évacuer la transpiration tout en assurant l’imperméabilité. C’est pas gagné d’avance ! L’ennemi juré étant la boue promise par la pluie nocturne et abondante tombée sur la région, on s’échange nos convictions pour se donner du courage. Il fallait quand même un petit brin de folie doublée de passion pour braver les conditions climatiques…
8 h 15, tout ce beau monde multicolore se dirige devant le stand de l’organisation, la messe n’était pas encore dite mais on se devait d’apporter notre obole, le denier du culte gravel aux maîtres de cérémonie pour assurer la pérennité d’un tel rassemblement qui a nécessité des heures de sacrifices.
La veille en fin d’après midi, j’ai appris par confidence que Martial Prévost, le co -organisateur, était parti couper des branches qui barraient le passage sur le parcours : si cela n’est pas un sacerdoce !
À main levée, les 78 pénitents encore tous « blancs » se déterminaient sur la distance de leur chemin de croix (70, 100, 130 km) évaluant ainsi la durée de leur calvaire annoncé.
Un petit cadeau de bienvenue offert par Boost Cycles, une potion magique pour « booster » la chaîne de transmission, super efficace en situation humide paraît-il, mais à appliquer la veille ! La gentille attention à tester ultérieurement…
8 h 25, le regroupement est assuré, pas de tension particulière, l’esprit gravel est bien là, symbolisé par l’homme en kilt enfourchant un Triban en test, « à fond la forme ». Un écossais sans cornemuse semblant venir des Highlands de France. Les montures à deux roues reluisent de tous leurs éclats, vernies par les gouttes de pluie qui glissent sur leurs cadres. Une pléiade de marques artisanales telles Caminade, Chiru, Noël, Sobres brillent par leur présence ; en matière de titane, d’aluminium, d’acier et de carbone, de géométrie et de périphériques exotiques, tout y était représenté ou expérimenté, tout comme les deux nouveaux modèles Gravel de Décathlon venus tester leur aptitude, en condition extrême, tout comme ce couple à l’amour inoxydable en tandem VTT.
8 h 30, le petit discours de Fabrice Bouscarat relayé par Martial Prévost relatant les consignes de sécurité « bien reçues », et voilà le peloton qui s’enfuit rapidement sur la piste de l’ancienne voie de chemin de fer, aiguillé en direction du Vexin authentique.
La première grimpée est très sélective, les trois groupes s’éclatent dans tous les sens du terme, plus de temps pour la causette ! Il faut rester concentré sur le roulage parfois incertain, contrarié par des souches de bois morts et des cailloux dont la couleur imite parfaitement les feuilles tombées au sol.
A la lueur des lunettes embrumées par l’humidité ambiante , combinée à la chaleur évacuée par l’effort, on devine l’arrière de celui qui est devant, uniquement grâce au feu rouge clignotant installé sur la tige de selle.
Il fallait savoir éviter les branches sur les singles, les chutes sur les dévers prononcés, ne plus penser à la pluie et à la glissade, se concentrer sur les traces GPX pour éviter la déroute, mais surtout apprécier le bonheur d’évoluer ensemble dans un décor naturel très bucolique ; un “délire champêtre” à la Jean-Jacques Rousseau. Les sous bois dégageaient cette odeur particulièrement agréable d’un automne aussi engagé que les traces proposées, une senteur de bois et feuilles mortes, de mousse, aux prémices de champignons. Les campagnes gigantesques reliées par des chemins vicinaux étaient bordées de champs de maïs, mais aussi de chasseurs affublés de chasubles orange qui semblaient faire partie des signaleurs de l’organisation, ils tiraient dans tous les sens. Heureusement, on les avait avisé de notre passage sinon leurs détonations nous auraient détournés du parcours initial.
Un tracteur trop chargé avait déversé des betteraves à sucre sur notre passage, dispersées comme des mines. En guise de réserve de glucides, j’en ai planté une sur le hauban de mon vélo, elle ne m’a pas quitté durant les 80 derniers kilomètres de ce parcours de combattant.
Les petits villages pittoresques du Vexin, les corps de fermes traditionnelles, les beaux petits châteaux croisés, donnent une beauté exceptionnelle à cette belle région qu’on croyait plate, mais in fine, très vallonnée.
Ce fut une journée laborieuse et toutes les portions de pistes ont bien été labourées, sur la ligne d’arrivée, l’équivalent de sable collé sur nos vélos aurait suffit à faire une bonne gâchée de bétonnière.
Malgré des mollets et des visages de ramoneurs, mineurs ou charbonniers, on arborait un beau sourire par la photo traditionnelle. Avec la gravelxinoise 2019 on pourra dire : « Quelque soit la trace parcourue, le niveau de l’eau reçu aura été supérieur au dénivelé perçu. » Mais quelle belle aventure, on a tous vécu… Un grand coup de chapeau breton pour l’organisation sans faille, et un nouveau slogan : « Si tu crains de rouler sous la pluie, viens dans le Vexin, c’est le meilleur des vaccins ! ».
Ce récit est celui vécu “inside” par Bill gravel et Denis, deux amis sudistes qui ont vraiment aimé ce défi.
Un grand merci aux patrons sympathiques Fabrice et Martial, derrière leur comptoir, on sait qu’il y a toujours un des bons coups à boire.
Denis Cauvin