Pour passer de la fiction et du rêve à la réalité, il faut des pionniers pour explorer de nouveaux domaines. C’est sans doute pour cela que la « réalité utopique » de la Blue Train Historic Race a germé dans l’imagination fertile de Luc Royer, chef de cordée de Chilkoot “La Compagnie des Pionniers“. Nous sommes dans le magasin Golden Cycles à Golfe Juan et ce défi insensé va prendre forme dans quelques heures. Les 19 inscrits arrivent avec leurs vélos … Quelles sont les forces en présence ?
En observant les préparatifs des concurrents du remake version vélo de la Blue Train Race, je ne peux pas m’empêcher de penser à un super bouquin de Tom McNab que j’avais adoré : la Grande Course de Flanaghan. Ce roman d’aventure avait pour cadre une course à pied qui traversait le territoire américain. Comme par hasard, les dates de ces deux défis sont contemporaines. C’est le 12 mars 1930 que Woolf Barnato s’élance de Cannes pour battre à la course, avec sa Bentley, le train Bleu entre Cannes et Londres, et c’est le 21 mars 1931, dans le stade de Los Angeles que Douglas Fairbanks donnait le départ de la course à pied Trans-America où 2000 athlètes, dont 121 femmes, venus de soixante pays du monde, s’élançaient en direction de l’est. Quelle belle époque ! …
Ils ont osé !
Comme dans le roman de McNab, j’aimerais illustrer cet article par quelques portraits de cyclistes qui se sont regroupés le 13 mars chez Golden Cycles à Golfe Juan, en vue du départ de la première Blue Train Historic Race, qui va opposer, dans un combat chevaleresque, des cyclistes chevauchant des vélos musculaires (normaux enfin presque) à d’autres cyclistes (qui malgré l’aide du moteur le sont aussi) chevauchant des vélos équipés d’une assistance électrique.
Luc Royer, il a osé une nouvelle fois un truc que personne n’avait encore eu le culot d’organiser. Dans ce contexte particulier de cette pandémie sanitaire, les 19 inscrits sont tous là, dans ce beau magasin de Golden Cycles. Bien sûr tous ces cyclistes sont des gars rodés aux longues aventures à vélo. Mais le défi était aussi qu’ils osent être ici, pour montrer leur ouverture d’esprit cycliste face à ceux qui insultent le VAE.
Ils ont osé comme Laurent Boursette, récent vainqueur de la Biking Man à Oman où il a battu le record de l’épreuve en 43h36 pour 1036 km et 9000 m de D+ en février dernier. Cette fois il va rouler sur un vélo électrique Agree de la marque CUBE. « Je viens retrouver ici des températures un peu plus normales que celles d’Oman. J’ai pris un vélo électrique car c’est un challenge que j’avais envie de tenter. Cela m’aurait moins intéressé de faire une énième course après ce que j’ai connu sur le Biking Man. Le faire en électrique donne un peu de piment à ma participation. »
Thomas Dupin qui fait partie de l’élite de cette petite communauté de l’Ultra. « Je serais en musculaire sur mon habituel Origine GT32. Ma stratégie est simple et c’est l’avantage du musculaire : j’avance et je me m’arrête pas, sauf que là il y aura les pauses obligatoires d’une heure à chaque CP ».
Il y a également Jean-Yves Couput que vous connaissez certainement si vous flânez sur différents groupes facebook sur lesquels il exprime son goût pour l’innovation. Comme un rugbyman, Jean-Yves pratique le contre-pied qui nous permet d’éviter les vieilles certitudes cyclistes qui ont la peau dure. « Le moteur de cette Race est celui de mon progrès personnel et celui du progrès technologique … Ce sont pour moi les deux promesses de la BTHR. Côté assistance électrique, nous allons apprendre plus en 3/4 jours que tout ce qui n’est aujourd’hui que le fruit d’opinions, et j’espère que les constructeurs de système vont s’appuyer sur nos retours pour alimenter leurs futures évolutions. Poids, autonomie, temps de charge, répartition des masses, possibilités de personnalisation de l’assistance, ergonomie des commandes, …»
Patrick Gilles sera le pilote officiel de la marque Origine sur un vélo de gravel le Graxx. Que vient faire ce vélo dans ce challenge sur ce long ruban de bitume ? « Oui c’est une peu paradoxal d’utiliser une vélo de gravel sur une épreuve totalement sur route, mais c’est un peu un pari pour montrer la polyvalence de vélo équipé pour la circonstance de bonnes roues route. Je pense être à armes égales avec les autres vélos présents sur cette race. Après pour ce qui est de la confrontation avec les vélos électriques je ne sais pas …“
Gérard Rotshi est un pilier du Chilkoot Club. Il aime entrer dans les rêves de Luc Royer. « Je ne suis pas un vrai cycliste et je découvre l’ultra depuis 2 ans. J’ai préféré m’inscrire avec mon BMC Road Machine dans la catégorie musculaire. Je pense qu’un électrique aurait été un handicap pour moi. Par contre je suis heureux de rouler avec des compagnons qui vont les utiliser, c’est de la connaissance, des rencontres des instants de partage, et peut-être qu’un jour j’y viendrais. »
David Helleboid travaille chez Decathlon, il aurait aimé venir avec le Triban cadre titane que la marque “Blue” compte bientôt proposer, mais le Corona virus a bloqué la production italienne et le vélo n’est pas arrivé à temps. « J’ai été attiré par cette aventure que propose Luc. Je suis passionné depuis longtemps par l’ultra distance et j’ai trouvé cette confrontation musculaire/électrique intéressante. Avec les brutes qui sont ici au départ je prévois de ne pas arriver en tête … »
Arnaud Manzanini est un spécialiste de l’Ultra. Il l’a prouvé notamment sur la Race Across America (RAAM) une épreuve impressionnante dont il est un des rares cyclistes français à avoir terminé. Cette fois, sur cette Blue Train Historic Race, il va découvrir l’ultra sans assistance en posant sur son superbe vélo Héroïn des sacoche de bikepacking. « Cette année j’ai orienté ma saison sur le Bikepacking longue distance et quand Luc m’a envoyé cette invitation j’ai trouvé que c’était l’occasion de commencer l’année de cette manière là. Je trouve excellente l’idée de mélanger des vélos musculaires et électriques. Nous allons pouvoir observer les stratégies. »
Laurent Dalou est un habitué des “Chilkootteries” et sa présence ici est cette fois un peu particulière. « Je veux aller jusqu’au bout à Londres, si les conditions sanitaires le permettent, pour aller là-bas embrasser mon fils. Côté électrique j’ai un petite expérience en la matière, car en 2015 j’avais fait le Sun Trip en vélo solaire, mais là je tente le challenge de faire cette BTHR en musculaire. »
Pierre-Arnaud La Magnan, cycliste émérite et patron de Chiru Bikes, dont vous avez pu suivre le nombreuses aventure sur notre site a décidé cette fois de tenter un nouveau challenge, mais sur un électrique.« Cette course est un peu un laboratoire et j’ai décidé de venir avec un Kunlun que j’ai équipé pour la circonstance d’un moteur moyeux pour me rendre compte de ce que peux apporter cette assistance sur ce type de challenge. Je souhaite notamment voir si cet équipement apporte le confort et l’agrément que l’on peut attendre sur ce type d’épreuve ou si, au contraire, c’est pénible d’avoir à gérer la recharge que l’on doit faire assez souvent. » Pierre-Arnaud n’est pas venu seul il est avec Joachim Mendler qui luis sera sur un Kunlun musculaire.
Jean Lin Spiet a créé l’étonnement en se présentant avec son vélo Pechtregon équipé d’une fourche “truss” que l’on ne voit pas couramment sur un vélo de longue distance.« Mon objectif cette année est de faire la Trans American Bike Race de 6800 km en juin prochain et cette BTHR va m’y préparer. Je suis là aussi pour un autre challenge : celui de collecter des fonds pour une cagnotte via le Téléthon pour aider mon neveu atteint d’une maladie rare. »
Un parc vélo très disparate
C’est rare au départ d’un épreuve de voir autant de différence entre les machines … Il y a bien sûr les dispositifs électriques et le grand écart entre le superbe Specialized Creo de Jean-Yves Couput et le proto Chiru Kunlun bricolé par le génial Pierre-Arnaud Le Magnan.
D’un côté un “Eco Système” abouti et de l’autre un défi technologique basé sur un moteur suisse Maxon, issu de l’industrie spatiale, implémenté pour la circonstance sur un vélo Kunlun.
Il y a également les petits trucs et les choix ergonomiques de chacun … Le bikepacking en ultra distance oblige les cyclistes à réfléchir au confort, aux aspect pratiques et ergonomiques. Le poste de pilotage est le reflet de ces choix individuels …
L’éclairage est un point essentiel pour la vie et la survie du cycliste lancé sur les routes. Les roues avec moyeux dynamos ont remplacé la bonne vieille dynamo d’antan. Certains utilisent encore des batteries mais c’est plus rare dans le milieu aguerri des bikepackers longue distance.
La petite sonnette … détail penserons certains. Pas sûr … un petit tintement vaut mieux qu’un grand boum lorsque le cycliste silencieux traverse une ville ou un village.
Les sacoches de Bikepacking ont révolutionné le voyage à vélo. Elles se scratchent facilement sur le vélo. Le fameux système Tailfin dont on vous avait parlé sur Bike Café a été choisi pour 3 des participants. Posé dans l’axe, plus stable que la sacoche de selle, s’ouvrant par le haut ce sac reposant sur un arceau carbone au design élégant est à mon sens l’avenir du Bikepacker performant. Le seul inconvénient reste le prix.
Et la selle ? … Des heures assis sur quelques centimètres carrés ça peut vous dégouter du vélo définitivement si il n’y a pas harmonie entre votre périnée et vos ischions et bout de cuir ou autre matière plus ou moins synthétique, reposant sur des rails en acier, carbone, titane, … et censée vous permettre de rester assis longtemps.
La pompe … voilà un accessoire qui a bien progressé en taille et efficacité. On crève de moins en moins surtout quand on roule tubeless mais il faut prévoir.
Qui de Look, Spé, Cube, Cannondale, Chiru va proposer le meilleur compromis pour une pratique combinant Ultra et Sport ?
Quel musculeux cyclistes saura emmener son vélo “musculaire” à bon port avant les autres ? …
On le saura lundi …
Magnifique “papier” Pat’,
Malgré une conclusion qui n’était pas celle souhaitée, mais cependant la meilleure et la plus raisonnable étant donné les circonstances, nous avons à-Paris sur nos vélos à assistance en 36 heures bien plus que l’expérience cumulée au cours de ces 18 derniers mois.
Je peux personnellement affirmer que le VAE à de beaux jours devant lui, et je me tiens à la disposition des constructeurs pour parler de tout ceci, s’ils en manifestent l’intérêt.
Car je tiens à le dire, j’ai été extrêmement déçu par l’attitude de ces derniers, qui, bien qu’ils se posent beaucoup de questions sur l’usage sportif de ces machines, n’ont pas daigné aligner leur vélos sur cette épreuve d’un nouveau genre, hormis la marque Look.
Pire, ils ont même refusé d’envoyer à l’organisateur des chargeurs de batterie à mettre à disposition des concurrents sur les CP.
Lorsque j’ai appris ceci, je suis resté sans voix…
Fichue épidémie 🙁
Personnellement j’utilise depuis un peu plus d’un an un vélo que j’ai électrifié et grace à ça j’ai parcouru plus de 1800 km après 35 ans sans avoir fait de vélo et grace au moteur d’assistance petit à petit ma santé s’améliore.
Auparavant sans moteur j’avais essayé et au bout de 900 mètres (!!!) j’étais cuite au point d’avoir mis 2 jours à me remettre !
Alors le VAE c’est l’avenir de celles et ceux qui n’ont pas les moyens physique du tout musculaire.
De mon coté, petit à petit je diminue l’assistance à des endroits où j’en utilisais plus voir nettement plus. 🙂