À la rédaction de Bike Café nous sommes attentifs lorsqu’une marque de référence dans le domaine des vêtements de vélo s’intéresse au gravel. Aussi avons-nous bondi sur l’occasion de tester les toutes nouvelles tenues “Gravel Dirty Roads” conçues par Sportful, déclinées pour les hommes et les femmes. Voici donc notre test, que nous avons mené en couple – une fois n’est pas costume…
La marque italienne, installée au pied des Dolomites et dont la réputation dans le monde du vélo et du ski n’est plus à faire, propose deux collections gravel, une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Premier constat : alors que la gamme Giara, moins chère et plus classique, est proposée simultanément aux hommes et aux femmes, le haut de gamme Supergiara conçu pour les compétitions et les cyclistes de haut niveau est réservé aux hommes (même si un cuissard à bretelles Supergiara est aussi proposé aux femmes).
La gamme Giara est donc, comme son nom et ses tarifs l’indiquent a priori, un cran en dessous de la gamme Supergiara. Le jersey Supergiara, conçu comme “la cape des super-héros du gravel, le maillot de gravel ultime sans perte inutile de watts, pour (être) prêt à (se) rendre à toute allure à la Dirty Kanza” ne concernerait-il donc que les hommes ?
Allons expliquer ça à Lael Wilcox, Alison Tetrick ou Alexandera Houchin… Du point de vue de l’image, nous voici assez mal partis. Pour ce qui est de la technicité et de l’usage, reste à vérifier durant ce test la pertinence et la réalité de cette disparité de traitement.
Lors du déballage des articles surviennent les premières surprises. Les pièces, constituées de tissus de densités, de matières, de teintes différentes, sont hyper originales et assez luxueuses. C’est une débauche de moirés, de filets, de transparences, d’effets de coupe. Dans la gamme Supergiara, les tissus sont hyper fins et paraissent d’emblée bien fragiles pour un usage “Dirty Roads”.
Une débauche de détails et d’équipements nous attendent aussi bien sur les cuissards que sur les jerseys : logos et bandes réfléchissants, tissus techniques… Les jerseys sont équipés de généreuses poches dorsales et d’une poche latérale zippée. Sur les cuissards, les fameuses poches cargo latérales et dorsales désormais incontournables, des picots antidérapants à l’intérieur au bas des jambes… Il est clair que l’équipe recherche et développement de chez Sportful a beaucoup investit sur ces produits.
À l’essayage, la mauvaise surprise vient de l’exiguïté des cuissards. Nous avons bien sûr été très attentifs au guide des tailles proposé par la marque, chaque fabricant et chaque série ayant des spécificités dans ce domaine. Mais là c’est fit, hyper fit, plus que fit. Pourtant, en ce début d’été, même si nous ne sommes pas encore au summum de notre silhouette la plus affûtée (confinement de printemps oblige), nous n’en sommes pas loin quand même.
Entrons dans les détails (des tailles). Pour ce qui est des jersey tout va bien, en sachant que les coupes Supergiara et Giara n’ont rien à voir. Le jersey Giara est de forme assez classique et taille normalement. Le jersey Supergiara lui propose une coupe “seconde peau”, assez proche d’un vêtement de chrono et des manches très longues qui descendent jusqu’au coude (ce qui est plutôt réussi esthétiquement). Mais les tailles, dans les deux cas, correspondent tout à fait à ce que nous portons habituellement.
Pour ce qui est des cuissards Supergiara en revanche, tout se complique. Que ce soit le modèle homme ou le modèle femme, tout est hyper étroit, trop étroit, à l’enfilage les coutures craquent, au bord de la rupture. Les bretelles peu confortables tirent les épaules vers le bas (même en position de recherche de vitesse, les mains en bas du cintre sur le vélo), les coutures à l’intérieur de la cuisse agressent la peau. Sur le modèle homme, la compression au niveau de l’appareil génital rend le cuissard tout à fait inconfortable. Même effet avec les chaussettes Supergiara, manifestement taillées pour des mollets de hérons cendrés.
Bon il arrive que des équipements neufs soient compressifs au premier essai, puis se révèlent à l’usage et dans le temps bien plus adaptés qu’ils n’y paraissaient au premier abord. Reste donc à tester dans la durée ces produits Sportful. D’autant plus que notre méfiance est également titillée par la finesse des tissus du jersey homme et des chaussettes. Vont-ils résister à un usage gravel ? Le terrain nous le dira !
Ce que révèlent très vite les premiers tests en gravel, c’est l’étrange positionnement de la marque sur ce secteur. On peut lire sur le site de Sportful : “Peut-être que le gravel n’existe pas. Il y a tellement d’interprétations différentes de ce concept qu’il n’y a pas d’intérêt à essayer de le définir”. Avec la gamme Supergiara, la marque se positionne clairement sur une niche masculine, de compétiteurs, qui ne mettrons le pied à terre qu’une fois la course finie. Mais si vous ne roulez, comme moi, “que” 15000 km/an, que vous ne mesurez pas 1,90m pour 58kg (je fais 1,72m pour 64 kg) et que vos parcours gravel vous obligent, ne serais-ce que ponctuellement, à marcher dans la nature ou à emprunter un singletrack où des branches giflent au passage, cette gamme n’est pas faite pour vous.
Après seulement une sortie de shooting et quelques pas dans des avoines folles, les chaussettes (aussi bien les Supergiara que les Mate Women) présentent des accros. À presque 30€ la paire à usage unique, il faut vraiment considérer son achat… “Sortez, explorez, prenez des risques, salissez-vous, amusez-vous : c’est pour ces motivations qu’a été conçue notre gamme Dirty Roads” nous annonce Sportful. Désolé, mais avec la gamme Supergiara, ça fait cher l’amusement.
Puisque nous n’avons pas les moyens d’amener de si belles pièces en gravel tel que nous “l’interprétons”, reste à vérifier si ces produits – de haute qualité et technicité par ailleurs – ne peuvent pas entrer dans notre garde-robe pour des usages alternatifs à ceux pour lesquels ils ont été originellement conçus. Je décide donc de porter la tenue Supergiara pour un road trip de 3 jours et 600 km en pignon fixe dans le massif central.
Le bilan est très intéressant. Sur route en longue distance, avec de forts écarts de température (de 12 le matin en haut des cols à 35°C à midi dans la garrigue gardoise), le jersey s’est imposé comme polyvalent, technique, confortable. Je n’ai eu qu’à rajouter un gilet sans manches pour les longues descentes et les moments les plus frais. Bien sûr, il s’agit d’un mesh qui n’a pas particulièrement de propriétés antibactériennes, mais j’ai pu le laver à chaque étape et il sèche à la vitesse de l’éclair.
Ces 600 km m’ont, par contre, confirmé que le cuissard n’était pas à la hauteur. Bien sûr la peau fait son office (en pignon fixe on pédale en permanence, avec une haute fréquence et une mauvaise peau ne pardonne pas), mais elle n’a rien d’extraordinaire, en dehors du fait qu’elle sèche vite (ce qui est un plus sur des sorties de plusieurs jours). Mais la compression au niveau des parties génitales a vraiment été désagréable, sans amélioration après plusieurs jours de selle. Les coutures à l’intérieur des cuisses sont trop présentes et ne se font jamais oublier. Enfin, le “tissu hautement élastique et résistant aux abrasions et aux chutes” crisse en permanence au contact de la selle.
Je ne dirai pas que ce cuissard a gâché mon road trip, mais il n’a pas réussi à se faire oublier pendant 600 km… la répétition des mouvements et les heures de selles n’y ont rien fait, le bougre ne s’est pas détendu d’un millimètre. Je ne peux donc que vous conseiller d’essayer d’abord d’autres modèles de la marque… ou d’aller voir ailleurs.
Reste la très belle surprise du jersey Giara, au dire de Anne : “ce jersey de couleur claire est agréable les jours de forte chaleur, il y a beaucoup de poches et elles sont très accessibles. La coupe est confortable et laisse l’espace de porter une sous-couche ; le tissu a l’air solide, je peux recommander sans aucun doute ce jersey pour des sorties gravel, mais aussi pour la route, surtout en longue distance”.
Bon, ce n’est pas la première fois qu’un produit de moyenne gamme se révèle plus intéressant et versatile que son grand frère ; ainsi le jersey Giara remporte nos suffrages, au détriment du Supergiara, magnifique certes, mais plus cher et moins polyvalent.
En ce qui concerne la gamme Supergiara, finalement le jersey a trouvé chez nous tout son intérêt hors de l’usage auquel il était initialement destiné, mais là aussi ce genre de choses arrivent fréquemment, et cela justifie pleinement les tests de terrain que nous menons “in vivo”.
Quand au point faible de la gamme, les cuissards, nous nous perdons en conjectures. Quelle mouche a piqué l’équipe de concepteurs de Sportful ? Certes, l’imagerie publicitaire des marques de vêtements de vélo sollicite des mannequins particulièrement grands et élancés, mais dans la vraie vie, les consommateurs, compétiteurs ou non, n’ont pas tous des corps de guerriers Massaï, loin s’en faut.
Ce que nous avons testé
Homme :
Supergiara Bibshort 139,90€
Supergiara Jersey 99,90€
Supergiara Socks 27,90€
Femme :
Supergiara Bibshort W 139,90€
Giara W Jersey 84,90€
Mate W Socks 14,90€
On a aimé :
+ L’originalité et la qualité des textiles, les coupe des jerseys Supergiara et Giara
+ le jersey Giara
+ La profusion des équipements
+ La rapidité de séchage
+ Les poches cargo des cuissards
On n’a pas aimé :
– Le positionnement “gravel compétition” de la gamme Supergiara
– La fragilité des textiles (chaussettes et jersey Supergiara)
– Les tailles, les coupes et l’inconfort des cuissards Supergiara
– La disparité entre la gamme homme et la gamme femme
Quel bel article et quel beau couple !