Le Tour de France inspire les auteurs de bouquins qui, chaque année, réécrivent son histoire. Il a récemment inspiré Jean-Lin et Arnaud qui l’ont effectué façon randonneur. Cette fois, Thierry Saint-Léger (TSL), le plus grand des « Chevaliers » du Pignon Fixe français, s’est réincarné en coureur de 1903, date du tout premier Tour de France. Il a effectué sur ce parcours les mêmes 6 étapes qu’à l’époque, dans un remake hors du commun. Faire 2453 km en pignon fixe 42 x 17 et en totale autonomie relève de l’exploit, vous en conviendrez.
L’exploit
« Le lundi 20 juillet 2020 à 07H48, au bas de la Montée de Borel, un longiligne et solide cycliste rallie Saint-Antoine et les quartiers Nord de Marseille. Il est allé seul à vélo via Toulouse, Bordeaux, Nantes, Paris, Lyon pour boucler ce périple ici à Marseille. Les six étapes du Tour de France 1903 ne l’ont pas effrayé. Il a voyagé d’une traite, dormant dans un bivvy, souvent sur le bord de la route, accompagné sur certains secteurs par quelques courageux cyclistes venus l’encourager », raconte sur sa page facebook Luc Royer, admirateur de ce cycliste hors norme.
Pas de chiffre, pas de moyenne horaire, pas de classement, pas de médaille, pas de selfie … Ce Tour de France en pignon fixe, sur les traces des pionniers de juillet 1903, est un « exploit pour rien », comme on les aime sur Bike Café. Thierry nous a habitué à des défis toujours plus audacieux les uns que les autres, à chaque fois en pignon fixe, dans la plus grande discrétion, sans l’oeil des caméras ni le regard des médias.
Il part sur la route avec très peu. Il ne se sert pas de son GPS, il dort comme il mange de façon frugale. Équipé d’un minimum avec un bivvy, offert par Sport 2000 Mende, sans duvet ni veste chaude, sans produit énergétique, avec sa seule gourde dont il fait le plein aux robinets des cimetières. Il croit aux chiffres et aux symboles : 42×17 son seul et unique braquet est celui qu’utilisait Terront, son dossard 48 et ses horaires de départ 22h48 et d’arrivée 7h48 lui évoquent son cher département de Lozère. Thierry est un cycliste à part dans l’univers du vélo, presque mystique par moment. Il possède une culture vélo énorme, étant capable de dire en passant à un endroit qu’ici en telle année c’est tel ou tel cycliste qui a remporté un sprint que tout le monde aura oublié.
Inspiration
Tous ceux qui connaissent Thierry savent son immense admiration pour Charles Terront, considéré comme le premier champion cycliste français de l’histoire après son succès dans le premier Paris-Brest-Paris en 1891. En 1903 ce grand cycliste félicitait ainsi le vainqueur Maurice Garin : « Vous, les coureurs du Tour, vous êtes des Géants, tu es le premier vainqueur du Tour de France, le pionnier de l’épopée cycliste, tu entres dans l’Histoire. Je t’admire. » Partant de cette déclaration, et de cette simple phrase, Thierry a imaginé ce vagabondage sur les traces des forçats de la route, que son idole Charles Terrot avait ainsi salué en 1903. Un superbe prologue à la Grande Boucle qui aura lieu en septembre au départ de Nice. Thierry n’écrit pas des livres d’histoires : il vit dans l’histoire.
6 étapes
Ils ont fait un bout de route avec lui …
Denis Morino a fait plus qu’un bout de route … « C’est assez déstabilisant, en roulant avec Thierry, de voir que les kilomètres et les heures de selle ne comptent pas pour lui, il appelle ça son fil d’histoire. J’ai vécu de grandes aventures avec lui, et là encore j’étais là juste comme soutien et notamment lorsqu’il s’est endormi dans la descente du col de la République je lui ai dit : là il faut qu’on dorme. C’est compliqué de rouler avec lui : il peut rouler pendant des heures à 30 km/h puis pendant un autre moment à 15 km/h car le rythme lui est dicté par quelque chose qu’il appelle son histoire … ».
Denis a fait 2 gros morceaux avec lui : Marseille – Carcassonne. On s’est arrêté boire un café à Arles chez Dan de Rosilles, qui a roulé avec nous jusqu’à Nîmes. Le final entre Béziers et Carcassonne a été dur avec 70 km/h de vent contraire. Et puis les routes ont bien changé depuis 1903, ce sont maintenant des nationales. La deuxième partie que Denis a faite avec lui à partir de Lyon jusqu’à Aix-en-Provence a été plus dure. Thierry a plus de 2000 km dans les jambes et il rentre dans les 400 derniers kilomètres. « Arrivé à Saint Étienne dans la nuit, il me dit : tu as à manger mon petit Denis ? … Oui bien sûr … Et bien moi je vais m’arrêter pour manger quelque chose. Mais Thierry il est une heure du matin ! … Il me dit : on va trouver. Finalement ça s’est fini dans un Kebab, une rencontre complètement lunaire avec le patron et Thierry ( végétarien depuis 1975) qui est reparti avec une barquette de riz … Voilà c’est Thierry », poursuit Denis. Il fait 4 degrés dans la montée du col de la République, le premier vrai col et le seul de plus de 1000 m que le tour 1903 franchira.
Jean-Lin Spriet a accompagné Thierry sur la partie Val de Loire « La base des exploits de Thierry est de revivre ce que Charles Terront a réalisé. L’admiration pour cet ancien champion l’amènera sans doute à faire un jour le Saint Petersbourg – Paris, que Terront avait fait en 1893… Il a plein d’idées en tête, et pour retracer cet itinéraire il a dû se pencher sur les archives de la BNF pour trouver dans les archives du magazine l’Auto, tous les détails de ce Tour 1903. C’est passionnant de rouler avec lui, on s’est retrouvé du côté d’Angers on a roulé ensemble sur les bords de Loire en passant par Saumur, Tours, … On a roulé de nuit jusqu’à Orléans. J’ai fait 250 km avec Thierry et Pascal Paineau qui nous a rejoint au château de Villandry et qui nous a quitté après Chambord. »
Swanee Ravonison (Fée du vélo) en compagnie de Stéphane Lange « Rouler jusqu’à l’aube, puis continuer pour accompagner Thierry 60 km sur les traces des pionniers a été un bon moment qui a permis à Stéphane d’entrer dans une nouvelle décennie. Bon anniversaire Stéphane ». Les histoires se croisent et s’entre-croisent.
On referme la valise
Les anciens coureurs rangeaient leurs équipements dans une valise, lorsqu’ils venaient sur une épreuve. Le sac de sport n’existait pas, pas plus que les bagages spécialisés pour ranger et protéger les vélos. Comme les coureurs de 1903, Thierry a rangé sa tenue du Tour de France 1903 de TSL dans sa valise.
Il faudra remercier tous ceux qui l’ont aidé, ou fait un geste pour soutenir son exploit presque utopique. Merci à ceux qui ont apporté ce soutien à Thierry en sachant qu’ils n’allaient pas tirer profit de cette « réclame », comme on disait autrefois, mais simplement et symboliquement aider cet homme courageux, tirant son braquet dans les bosses, luttant dans les descentes contre l’emballement que sa roue arrière demandait à ses jambes.
La 4L Chilkoot avec à son volant l’infatigable organisateur et compteur d’histoires Luc Royer. Les sièges de cette 4 L ont permis à Thierry de dormir un peu avant son arrivée à Marseille.
Sport 2000 Mende lui a fourni quelques éléments de bivouac dont un bivvy, Ravito lui a offert une musette, l’Atelier Tuffery lui a brodé la musette (TDF 1903 TSL) et puis Chilkoot a dessiné et offert le maillot blanc et noir exclusif « Héritage Hexagone 1903 » puis donné de son temps pour le relais « live » de communication via Facebook et Instagram, ainsi qu’un support logistique (avec la Renault 4L Chilkoot) de Marseille à Arles et de Lyon à Marseille.
Comme le dit Thierry pour conclure « L’aventure s’achève par le clap d’une valise garnie de rencontres et de partages lors de ce magnifique vagabondage, qui a juste laissé un peu de gomme sur notre hexagone qu’est la France. Allez zou ! » Fixivement…
Wouaou le fixie c’est vraiment un truc énorme, j’en suis absolument incapable et peine à imaginer ce que ça donne sur la route 🙂
bravo tous les dimanches matins je passe respectueusement avec mon LAPIERRE avec du carbone un peu partout deux plateaux à l’avant et encore plus à l’arrière devant la stèle érigé la ou Charly TERRONT s’est arrêté une seule fois lors de son PARSI BREST PARIS.
J’en suis tjrs pas revenu de cet exploit dans mon petit maillot GAUTHIER (moi aussi)
C’est beau l’effort, c’est gratuit, ce n’est que de l’humain
presque de l’art POUR LA BEAUTE DU GESTE merci
Oui quel contraste avec des exploits plus modestes largement scénarisés à la télévision. Dans son cas personne, … seulement quelques copains.
Le col de la république en fixie… ça laisse pantois ! Respect pour ce forçat des temps modernes qui rappelle et fait connaître les épopées cyclistes du début du 20ème.