Autant je suis archi-partisan du gras en ce qui concerne l’alimentation du cycliste, autant j’ai une profonde aversion pour cette substance dès qu’on s’en sert pour enduire chaîne, pignons et plateaux de nos roulantes machines. Si vous suivez mes publications sur ce site, vous savez sans doute que j’ai depuis pas mal de temps déjà éliminé toute matière grasse pour la lubrification et l’entretien des transmissions de mes vélos et que je suis passé à la cire. Même si cette matière simple et naturelle, produite pas les abeilles, n’est pas la plus fréquemment utilisée pour fabriquer des lubrifiants pour chaînes, il existe plusieurs marques qui proposent des solutions à base de cire ; aussi, je me devais de tester La Pedro’s Ice Wax 2.0 (traduisez : la version 2 de la cire glacée de Pedro – quel nom mystérieux et poétique n’est-ce-pas?) et vous faire un compte-rendu circonstancié de cette ̶c̶u̶r̶i̶e̶u̶s̶e̶ cireuse expérience.
L’histoire de Pedro’s commence à la fin des années 80 sur la côte ouest des États-Unis, ou deux colocataires Bruce Fina et Andrew Herrick, férus de mountain bike et insatisfaits des produits qu’ils trouvaient pour lubrifier leurs chaînes, mettent au point un lubrifiant révolutionnaire appelé “Syn Lube”, qui fait ses preuves durant de longues courses dans des conditions boueuses. Dans les années suivantes, les deux entrepreneurs accompagnent le boum du VTT en développant plusieurs lubrifiants pour toutes les conditions météo et une petite gamme d’accessoires fabriqués à partir de plastiques recyclés. Ainsi, Pedro’s s’est fait un nom dans le monde du VTT pour la qualité de ses produits et son image cool et décontractée.
Aujourd’hui, nous allons tester leur “Ice Wax”, un lubrifiant à base de cire naturelle pour conditions sèches. Pedro’s annonce que la formule biodégradable contient une base détergente sans solvant qui pénètre et élimine la saleté et la crasse pendant l’application. Cette base s’évapore ensuite en laissant un revêtement de cire sèche semi-solide sur les surfaces de la chaîne qui offre une excellente lubrification et protection efficace contre l’usure. Bien qu’il soit conçu pour des conditions sèches, le film de cire reste efficace même au contact de l’eau, lors de traversées de flaques d’eau ou de cours d’eau par exemple. Bon, au delà de l’effet d’annonce, il est temps de prendre Pedro’s au pied de la lettre et d’aller vérifier par nous-même si la réalité est en phase avec la communication de la marque.
Pour un test grandeur nature et en conditions sèche, j’ai choisi la Corse et un parcours de 600km en bikepacking. Cette trace sur routes et chemins poussiéreux, à fort dénivelé et sous un soleil ardent, devrait me permettre de pousser la cire de Pedro dans ses derniers retranchements, surtout qu’un vélo chargé sur des terrains à forts pourcentages garantit de mettre la transmission dans des contraintes extrêmes.
Mais avant de partir, il faut appliquer correctement le produit. Comme à chaque fois avec la cire, le secret consiste à démarrer d’une chaîne parfaitement propre et surtout absolument exempte de gras. Si votre chaîne et neuve, ou que vous utilisez des lubrifiants gras, vous devrez en passer par l’étape fastidieuse mais indispensable du dégraissage de la chaîne, mais aussi de la cassette, des plateaux, des galets du dérailleur… Pour ce faire, je vous conseille la méthode suivante, en 4 étapes :
- Nettoyage à haute pression (directement sur le vélo) avec de l’eau chaude savonneuse – bien entendu, on veillera à bien orienter le jet à la verticale, pour éviter d’envoyer de l’eau dans les roulements des roues et du pédalier,
- démontage, bain de WD40, brossage et essuyage des différentes pièces grasses (à renouveler si nécessaire),
- Bain dans de l’eau (très) chaude et détergent,
- Rinçage à l’eau claire et séchage méticuleux au chiffon propre.
Certes, c’est fastidieux, mais c’est une fois pour toute, la motivation est là quand on sait que, plus jamais du gras ne sera déposé sur les différentes parties de notre transmission ; le jeu en vaut ̶l̶a̶ ̶c̶h̶a̶n̶d̶e̶l̶l̶e̶ la cire.
Pour les autres, ceux qui sont déjà, comme moi, passés à la cire, il n’y a rien de particulier à faire, sinon que pour ce test j’ai préféré partir d’une situation “neutre” (entendez que j’ai enlevé toute trace de cire d’autres marques avant d’appliquer la cire Pedro).
Ce qui m’a le plus surpris lors de la première application, c’est que le bec très fin du flacon (bien pratique et précis pour déposer le produit au centre de la chaîne) laisse s’écouler une cire très liquide, bien plus liquide que celle que j’utilise habituellement. Bien entendu, on veillera à bien secouer le flacon avant usage, sinon on déposerait sur la chaîne plus de solvant que de cire. Mais même en secouant le flacon longuement, la cire Pedro reste très liquide et il faut bien maîtriser la pression sur le flacon au risque d’user plus de produit que nécessaire, celui-ci se répandant en grosses gouttes sur le sol.
J’ai l’habitude de changer les vitesses pendant l’application de la cire en tournant les pédales pour une répartition la plus uniforme possible sur la chaîne certes, mais aussi sur tous les pignons et les plateaux. Cette consigne n’est pas donnée dans les modes d’emploi, mais je la préconise. Ensuite, il ne reste plus qu’à essuyer la chaîne avec un chiffon pour ôter l’excédent et terminer de l’étaler, puis laisser sécher – idéalement toute la nuit si vous avez le temps. J’ai pu remarquer que le séchage rapide au soleil, à utiliser quand on n’a pas pu ou su anticiper, donne un film moins bien réparti et moins durable que celui obtenu après un séchage lent.
Lors de l’application, la cire Pedro est blanc jaunâtre, mais après séchage, le film est absolument transparent. À l’usage, la transmission est absolument fluide et silencieuse, un vrai bonheur lubrifié et filant. Comme le film est sec, la poussière et les petits gravillons ne viennent pas s’amalgamer sur la chaîne, contrairement à celles sur lesquelles on utilise un produit gras. Cela permet de conserver une chaine plus propre et plus belle plus longtemps, et surtout de la garantir d’une usure prématurée due à l’abrasion des minuscules graviers qui restent habituellement amalgamés sur les chaînes grasses. Lors de ce séjour en Corse, malgré une trace empruntant des routes parfois mal ou peu goudronnées et des DFCI, ma chaîne est restée plutôt propre pendant 600 km et 6 jours de vélo.
Du point de vue de la durabilité, la cire Pedro se comporte comme toutes les autres cires que j’ai pu tester avant. Par action mécanique, le film de cire s’écaille et est peu à peu repoussé hors des zones de contact entre la chaîne et les dents, sous la forme de petits conglomérats et/ou copeaux noirâtres qui finissent par se détacher et tomber de la chaîne. On a vu que la cire Pedro est particulièrement fine et fluide lorsqu’elle est liquide, plus que les autres produits que j’ai pu tester avant. On peut donc observer logiquement que le film de cire sèche est lui aussi plus fin, il a tendance à disparaître un peu plus vite que celui d’autres marques, mais laisse aussi la chaîne plus propre visuellement car les conglomérats sont plus petits et se détachent plus vite. Lors de ce road trip en Corse, je n’ai refait qu’une seule application, après environ 450 km de vélo.
Comme avec toutes les cires, il faut toujours partir avec un mini-flacon dans la trousse à outil car il est très difficile d’évaluer à l’avance la durabilité du film : la température ambiante, l’humidité de l’air, les passages dans l’eau et la façon de forcer sur les pédales ont un effet direct sur la tenue du film de cire, mais il est impossible de prédire à l’avance combien de temps il va tenir. Généralement, il se dégrade d’un coup, on entend alors de petits grincements et la chaîne est soudainement moins fluide, on comprend vite qu’il va falloir re-cirer la chaîne pour la sortie suivante. Lorsqu’on considère que la transmission n’est plus assez fluide mais qu’il reste encore beaucoup de kilomètres à parcourir, il est inutile de s’arrêter pour remettre de la cire : cela aurait pour effet de créer un film peu résistant et qui produirait des conglomérats très vite. Il vaut mieux asperger le pédalier avec son bidon tout en roulant. Cela garantit de retrouver presque instantanément une excellente fluidité pour quelques dizaines de kilomètres supplémentaires.
Avec le recul de plusieurs mois d’usages sur route et en gravel, en vélo à vitesses et en pignon fixe sur plusieurs milliers de kilomètres, je peux dire que la Pedro’s Ice Wax 2.0 est un excellent produit, efficace et adapté à mes pratiques. Sans suivre le fabricant sur les qualités miracles du solvant censé nettoyer la chaîne lors de l’application (je n’ai rien constaté de tel en ce qui me concerne), j’ai plutôt constaté que la cire Pedro s’amalgame moins et que les copeaux se détachent plus facilement. J’ai apprécié la finesse du bec du flacon pour une application dosée et précise, l’excellent rendement de mes transmissions (rendement qu’on peut même réactiver d’une giclette de bidon lorsque le film commence à s’user).
Matthieu Amielh, notre rédacteur en chef, qui a lui aussi testé et apprécié ce produit, insiste sur les qualités écologique de la Pedro’s Ice Wax, qui ne contient pas de solvants ou produits chimiques. La fluidité du produit, plus liquide et plus fin que ceux proposés par ses concurrents directs, présente à mon avis des avantages et des inconvénients : la chaîne sera plus propre et plus facile à nettoyer ; par contre, la tenue du film sur la chaîne est sans doute moins durable et à contenance égale, le flacon de Pedro’s Ice Wax 2.0 durera moins longtemps que celui d’un produit plus épais et plus visqueux.
Bonjour Dan,
Merci pour cet article ! Je ne connaissais absolument pas cette méthode de lubrification.
Ça a l’air efficace et l’argument d’arrêter les dégraissages (salissants et fastidieux) me plaît.
Que se passe-t-il si l’on doit laver le vélo à grande eau (ex : après une sortie bien boueuse) ? Il faut simplement repasser une couche de cire ?
Merci et au plaisir de se voir sur les via gardoises
Bonjour Paul,
Lorsque tu laves le vélo à grande eau sans viser particulièrement la chaîne (c’est inutile puisqu’elle est propre), souvent il n’est pas nécessaire de recharger en cire. En fait ça dépend, comme je l’explique dans l’article, avec la cire il faut recharger… quand il n’y en a plus.
À bientôt à vélo,
Dan
Je suis tenté de tester la cire, n’ayant pour le moment utilisé que du lubrifiant “gras”. J’habite le long de l’océan et le sable fait que je passe beaucoup de temps à nettoyer ma transmission…
Est-ce que le côté non salissant/collant s’applique à toutes les cires ? Difficile de trouver des différences entre produits en se fiant aux fiches techniques et discours marketing.
Bonjour Alex,
La réponse est oui, dans la mesure où il s’agit à chaque fois d’un film qui, une fois sec, est non collant. La différence entre les marques tient plutôt à la viscosité du produit au moment de l’application.
Bonjour Dan,
J’en profite pour faire un retour d’expérience sur l’utilisation d’une cire
J’utilise la cire Squirt depuis 2 ans, sur un vélo de ville, un gravel et un vtt (je fais 6000km/an) et j’habite en Belgique, donc climat régulièrement humide
Dan, tu avais fait un article sur ce produit il y a 2 ans environ (?)
Il faut bien nettoyer la chaîne au white spirit avant le premier “cirage”, essuyer la chaîne après chaque sortie avec un chiffon sec, bien recharger, laisser sécher. J’en remet avant d’aller rouler et c’est vraiment nickel, les grains de sable et cailloux n’adhèrent pas à la chaîne et aux pignons !
Et tu trouves Squirt chez Décath, il y a un flacon hiver et un flacon été, mais je n’ai pas vu de différence au niveau viscosité ou adhérence entre les 2 produits
Merci Dan et Bike café pour la qualité des articles
Francis
Merci Francis pour ton retour
Oui j’ai testé Squirt Lube pour Bike Café au printemps 2019. C’est un lubrifiant quasi équivalent. je dirais que Squirt Lube est plus épais à l’application, dure peut-être un peu plus longtemps mais les copeaux ont tendance à s’accumuler. Le Ice Wax de Pedro’s est plus liquide, dure moins longtemps et laisse la chaîne plus propre. Difficile de dire lequel est meilleur que l’autre ; il s’agit de deux très bons produits aux caractéristiques légèrement différentes.
Salut,
Merci pour le test. J’ai bien envie de comparer avec le Squirt. Je me suis mis à la cire grâce à l’article d’il y a 2 ans.
Dans un premier temps j’ai négligé l’étape nettoyage de la transmission, pensant qu’un bon coup eau/liquide vaisselle/grosse brosse suffirait. La transmission s’encrassait vite et l’effet lubrifiant disparaissait au bout de 20 bornes…
Avec le White spirit c’est nickel.
La cire Décath marche bien aussi, le petit flacon est hyper pratique en plus.
Bonjour,
Pour ma part j’utilise le Pedro’s ice wax depuis une dizaine d’années. Je l’ai connu alors que je vivais aux USA. Je trouve également que c’est un excellent produit. Lors de mon denier achat de ice wax il y a moins d’un an, j’ai constaté deux différences par rapport à mon expérience passée : la viscosité a très nettement diminué et lors d’un lavage à l’eau du vélo, le produit se liquéfie très rapidement et la chaîne rejette un jus noir qui oblige à un vrai lavage de celle ci si on ne veut pas en répandre partout. Ce n’était pas le cas avant lorsqu’on lavait en évitant un tant soit peu la chaîne. Avant de trouver du ice wax en France, j’ai testé le squirt et je l’ai trouvé franchement moins bon ; je n’ai jamais terminé le flacon.
Bonjour Philippe,
Merci pour ce retour d’expérience