Si vous lisez assidument les articles de Bike Café, vous avez sûrement noté qu’en ce mois de mai 2023 avait lieu un festival gravel en Catalogne, “Mussara Hunting Dogs”, aka “les chiens de chasse à la musaraigne”. Effectivement, nous avions annoncé ce festival, qui apparaissait également dans le calendrier de notre nouvelle rubrique événements.
Mais il ne suffisait pas de l’annoncer, il fallait aussi y participer, pour vivre cette expérience de l’intérieur et rendre-compte à nos lecteurs de la réalité de ce week-end absolument sportif et possiblement festif…
En route En piste, sur les traces de la musaraigne
En route non, à vélo sur les pistes de gravel oui, pour rejoindre le site du festival !
Effectivement, j’ai eu la chance de pouvoir profiter de cinq belles journées de vélo sur chemins et petites routes pour me rendre sur place au guidon de ma Salamandre, accompagné de joyeux copains qui, comme moi, étaient curieux de s’immerger dans le monde merveilleux du gravel catalan.
Nous avons réalisé le trajet en quatre étapes d’une centaine de kilomètres chacune, le cinquième jour étant réservé à “traîner” autour du site pour profiter des pistes qui quadrillent cette belle région de gravel.
Le premier jour, une trace de Arles à Montpellier assez surréaliste dans le Gard nous a permis de frôler l’usine Royal Canin d’Aimargues et d’y humer l’air embaumé par la délicieuse odeur des croquettes pour chien tout justes sorties du four. Tiens, des chiens… c’est dans la thématique !
Le lendemain, la trace de Montpellier à Capestang, bordée de coquelicots et surplombée par un ciel gris et finement pluvieux, nous a fait d’autant plus apprécier l’hospitalière halte-ravito du Lidl de Béziers.
La nuit à la belle étoile (enfin !) dans la cour du Château de Capestang a été aussi un moment fort de cette étape. Comme quoi, à vélo, on ne rigole pas qu’en pédalant !
La troisième journée a fait la part belle au Canal du Midi et aux Corbières, pour terminer en beauté dans l’excellente micro-brasserie l’Art de la Joie à Rivesaltes.
Enfin, la quatrième journée de voyage nous a fait quitter l’Aude pour entrer en Pays Catalan, encore sur le territoire français mais déjà tellement ailleurs… La traversée des Albères au milieu des chênes-liège et le passage de la frontière par l’Eurovélo 8 est un grand classique, mais toujours un plaisir !
Le cinquième jour, titré “flemme en Catalogne”, nous a permis d’arriver tranquillement après plein de détours inutiles mais très réjouissants au camping “La Ballena Alegre”, épicentre du festival. Ce fut une bien belle trace, la Catalogne espagnole est si proche de chez nous, n’hésitez pas à vous y rendre à vélo lors de vos prochaines vacances !
La Ballena Alegre
L’organisation “Mussara” a choisi comme site le camping “La Ballena Alegre” (aka “La Baleine Joyeuse”), l’un des plus réputés campings de la Costa Brava, comme camp de base. Entre chiens de chasse, musaraigne et baleine, c’est un étrange bestiaire qui était convoqué pour l’occasion… On était pas si loin de l’Arche de Noé, puisque la pluie s’est largement invitée pendant ce week-end. Pas le Déluge certes, mais des épisodes pluvieux ponctuels assortis d’une tramontane violente ; pas de quoi profiter de la mer ou des nombreuses piscines du camping, pas de quoi non plus favoriser la convivialité et les rencontres entre cyclistes, ce qui est pourtant le principal enjeu pour un festival réussi !
Une équipe accueillante et bien organisée
C’est Julián Velasco, responsable du Département Marketing de Mussara, qui m’a accueilli tout sourire et m’a donné les informations dont j’avais besoin pour couvrir l’événement. Mussara est un organisateur chevronné d’événements sportifs en Espagne, dont le marathon et le semi-marathon de Barcelone. Ils organisent chaque année plusieurs événements cyclistes, et espèrent créer avec ce festival un moment fort et régulier de convivialité autour du gravel en Catalogne.
“Nous expérimentons pas mal de choses sur cette deuxième édition” me confie Julián, “car la première s’est déroulée dans les conditions très particulières des restrictions sanitaires dues à la pandémie” poursuit-il. “Nous espérons, avec en particulier un concert, un cours de yoga, une sortie famille pour les débutants et les enfants, un ride nocturne, créer au fil des éditions une véritable communauté gravel ici, un peu à l’image des festivals qui existent aux U.S.A”.
Située juste en face du camping, la pelouse qui accueille la ligne de départ et d’arrivée des différents circuits proposés est parsemée de chaises longues et de poufs, comme on en voit désormais régulièrement sur les aires conviviales des événements vélo. Des oriflammes publicitaires, deux podiums et quelques stands bâchés, dont un atelier de mécanique, encadrent la scène. Rien d’exceptionnel ou d’inédit donc, mais un cadre de qualité, perturbé par une météo qui alterne éclaircies et petites giboulées. On attend les participants, reste à voir si les objectifs avancés par Julián se confirmeront ou pas.
Le “tout-voiture”
En début de soirée, les participants commencent à affluer. Après avoir pris leurs quartiers au camping, ils viennent chercher leurs dossards. La plupart d’entre eux arrivent en voiture. C’est ballot, car la ligne de train locale, la R11, qui relie Barcelone à la frontière française, ne passe qu’à une quinzaine de kilomètres du camping. Les (mauvaises) habitudes ont la peau dure, et l’accès au festival par des moyens de déplacements durables est sans doute un enjeu environnemental majeur à valoriser dans la communication du festival pour les prochaines éditions…
Le “tout-plastique”
Un autre facteur environnemental manifestement négligé par l’organisation est l’omniprésence du plastique. Avec le dossard, sont remis à chaque participant des “goodies”, dont plusieurs sacs en fibre synthétique bleue à l’effigie de la Mussara, assez laids, contenant… un autre sac bleu en synthétique (j’en ai ainsi obtenu quatre en étant inscrit à deux parcours !) et une paire de pantoufles jetables, telles qu’on les trouve dans certains hôtels. J’avoue ne pas bien comprendre l’intérêt de tels “cadeaux”. Si on ajoute les plateaux en plastique et les emballages utilisés lors des deux “pasta parties”, on peut considérer que Mussara Hunting dogs ne remportera pas la palme du festival éco-responsable, alors qu’actuellement des dispositifs gouvernementaux et européens (dont des aides financières) encouragent festivals et manifestations sportives à s’inscrire dans les chartes limitant leur impact écologique.
Trop pâle
Autre déception, l’absence de bonnes bières. La Catalogne est pourtant l’un des plus beaux creuset d’IPA artisanales d’Europe, mais c’est des Heineken qui nous attendaient chaque jour à l’arrivée… Quel dommage ! Heureusement, la “paletilla” (épaule de porc ibérique) découpée à la demande et la “borratxa de vi” (gourde en peau de chèvre qui garde le vin bien frais) à certains ravitos ont redonné un peu de couleur gastronomique locale à cet événement. Une excellente “botifarra” (saucisse de porc grillée) a aussi été servie à l’arrivée du parcours de 130 km, et a, par son authenticité catalane, rehaussé de couleur locale un événement jusque là un peu trop standardisé.
Trop fort
Pour en finir avec les aspects qui m’ont déçu, je dois parler de la désastreuse ambiance sonore. Effectivement, la ligne d’arrivée était équipée d’une sono criarde et d’un speaker qui ne l’était pas moins, les décibels ne permettant pas d’apprécier la quiétude du lieu et de discuter convenablement avec les autres participants. J’attribue cet univers sonore contre-productif à la culture “course à pieds – événements sportifs de masse” qui est l’ADN de Mussara ; si on ajoute à ce tableau sonore le concert du samedi soir, animé par ce qui est sans doute le pire groupe de hard-rock/baloche que la Catalogne n’ait jamais commis, je dirais sans hésiter que le registre sonore de ce festival était complètement raté et inapproprié, du moins dans l’idée que je me fais de ce que doit être une ambiance sonore propice à la détente et à la rencontre, telle que je me l’imagine être dans un festival digne de ce nom.
Les belles personnes
Malgré ces quelques désagréments, le week-end s’annonçait néanmoins prometteur… Plusieurs centaines de cyclistes étaient présents, tous souriants et sympathiques et le camping proposait une logistique parfaite pour braver la météo de demi-saison. On a noté parmi les participants la présence d’une quinzaine de français (dont plusieurs lecteurs de Bike Café !), beaucoup de femmes en comparaison de ce qu’on peut observer dans la plupart des événements en France et de très beaux vélos, majoritairement en carbone, principalement typés “gravel race” avec des pneus plutôt fins (35-40 mm). L’ambiance fut sympathique, même si la barrière de la langue ne nous a pas permis de converser avec tout le monde, nous nous sommes sentis à l’aise au sein des cyclistes présents.
Les belles traces
J’ai roulé le 80 km du samedi et le 130 du dimanche. À chaque fois, les parcours étaient parfaitement tracés, très roulants, avec une bonne alternances de surfaces : petites routes, chemins agricoles, digues, pistes forestières, zones urbaines et même quelques monotraces. Les vues étaient superbes et les points de ravitaillement, situés dans des villages charmants ou à des points-de-vue surplombants, avaient été habilement choisis et répartis sur les différents parcours.
Le 80 km du samedi se déroulait dans la venteuse plaine d’Empúries que je connais déjà bien. Ce vaste territoire est plat, mais balayé ce jour-là par un fort vent de nord-ouest, ce qui a renforcé le pittoresque des paysages et a donné un relief plus sportif à un parcours soudain devenu exigeant.
Le 130 km du dimanche a été pour moi l’occasion de découvrir le Cap de Creus, un endroit magnifique où je retournerai absolument. Les pistes typées DFCI surplombent Cadaques et Roses et offrent des panoramas grandioses sur la mer. C’est sur ce parcours que les plus compétiteurs se sont donnés à fond, il y avait visiblement des costauds et des costaudes venu(e)s pour en découdre !
Vous pouvez télécharger les traces qui nous ont été proposées pendant ce week-end de gravel intensif sur mon compte Openrunner, ici pour le 80 km du samedi matin, ici pour le ride nocturne du samedi soir et là pour le 130 du dimanche.
Un bilan positif
Si l’état d’esprit de cet événement catalan ne correspondait pas complètement à l’idée que je me fais de ce que peut (pourrait) être un festival gravel, et les petits détails qui peuvent transformer un beau week-end sportif en festival communautaire et inoubliable, je tire un bilan globalement positif de cette expérience, grâce à l’accueil et au professionnalisme de l’équipe organisatrice, la qualité des parcours, le potentiel de la région et la diversité des propositions. On peut par exemple souligner le succès du cours de yoga, du parcours nocturne et surtout celui du “family ride”, finalement beaucoup plus original et inattendu qu’il n’y paraît.
La qualité de ces propositions cyclistes, la trop brève mais bien réelle présence de produits locaux aux ravitaillements, le choix des villages pour les pauses, le professionnalisme de l’organisation, l’affluence de plusieurs centaines de participants (et de leurs familles pour certains d’entre eux), laissent présager d’un bel avenir pour cet événement qui trouve toute sa place dans le calendrier des week-ends à cocher pour l’année prochaine.
Mais de mon point de vue, on peut aller plus loin et améliorer ce week-end mi-sportif, mi-festif. Nul doute qu’une double IPA Quer Circus à la tireuse et un concert de Coetus le samedi soir auraient été pour moi un souvenir inoubliable, mais je ne peux préjuger des préférences alcooliques et musicales de l’immense majorité de cyclistes espagnols pour qui cet événement a été prioritairement conçu…
Toujours est-il que ce projet “Mussara Hunting Dogs” est en bonne voie et mérite vraiment le détour, je ne peux que vous conseiller de vous y rendre l’année prochaine… Reste que, pour qu’il devienne véritablement un “festival”, il faudra qu’il s’ancre plus encore dans le territoire et s’appuie sur des acteurs locaux, pour souligner les atouts de la région catalane et ses particularismes culturels. Cela permettrait à l’organisation de proposer une prestation tout aussi professionnelle, mais moins formatée, plus authentique, plus originale, pour créer chez les participants la surprise et l’émotion, deux sentiments propices à l’échange, la rencontre, la convivialité.
Allez, un peu de Coetus pour finir !
Salut !
J’en reviens également. Très beau parcours. Ravito à améliorer, jambon et vin…c’est un peu bof au milieu de l’effort. Séjourner au camping a été parfait. Pas d’accord avec Dan, le groupe de rock était génial !
Ah ah, les goûts et les couleurs !
Merci pour ton retour
Merci pour les traces que j’irai faire. Par contre sur le fait d’y arriver en voiture, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir y arriver en vélo, en partant plusieurs jours avant
Bonjour Régis,
Comme expliqué dans l’article, j’évoque la possibilité d’y aller en train. La gare la plus proche est à moins de 15km du site du festival.
Merci de nous lire,
Dan
Bonsoir Dan, La trace 80 km faites aujourd’hui (sans vent). Un régal ! Une multitude de paysages magnifiques.
Et depuis la lecture de l’article, Coetus est dans ma playlist. Merci.
Merci pour ton retour Régis !