Chaque semaine, un billet d’humeur par un·e de nos rédacteur·rices. Aujourd’hui, Patrick.
Photo Patrick VDB : L’esprit gravel plane sur les marches de Notre Dame des Anges dans les Maures en 2016, pour Pierre et moi. Avec le premier gravel Giant Revolt et le CrossHill historique de Lapierre. Une première aventure en bikepacking entre Aix et Fréjus.
J’ai fait mes débuts en gravel en 2015, 10 ans déjà ! En roulant sur un Giant Anyroad, j’ai découvert des joies simples, découvrant sans limite (ou presque) un territoire où je venais d’installer ma nouvelle vie. Les pistes et les petites routes de la montagne Sainte Victoire m’attiraient, j’avais trouvé avec ce vélo le moyen de les sillonner. Le VTT ne m’a jamais emballé, trop lourd, trop compliqué et peu d’attirance pour l’esthétique de ces machines. J’en ai possédé un lorsque je pratiquais le Trail Running, mais c’était un moyen de soulager ma charge d’entraînement en course à pied, tout en restant en nature. Le vélo de route que j’avais à l’époque, chaussé de pneus de 25 sur de fragiles roues, n’osait pas s’aventurer en dehors des routes bitumées et bien lisses. Ce gravel est arrivé à point nommé : un territoire vierge pour moi devant mes roues, un outil pour le découvrir et un esprit d’aventure qui m’y a poussé. L’esprit gravel m’a immédiatement habité. Cette sorte de “Sainte Trinité” gravelistique devenait ma nouvelle religion. Le père étant le créateur de ce beau territoire, le fils le moyen d’aller le découvrir et l’esprit en serait la façon de vivre librement cette découverte.
Lorsqu’en 2016 les réseaux sociaux se sont enflammés sur le phénomène gravel, certains se sont moqués de mon évocation un peu mystique pour tenter d’analyser ce phénomène. La formule « Esprit es-tu là ? », ça évoque un peu trop les tables qui tournent, lors de séances occultes. Les pragmatiques du vélo basique, VTT ou route, casque enfoncé jusqu’aux yeux, m’ont « trollé » sur les réseaux. La moquerie est souvent un réflexe, pour repousser l’idée de voir s’effondrer ses convictions. Comment oser, en matière de vélo, employer ce terme qui touche à la perception, l’affectivité, l’intuition, la pensée, le jugement, la morale ? Dans un monde vélo où il était habituel, depuis des décennies, de faire rentrer dans des “cases” des pratiques bien acquises, l’esprit n’est peut-être pas de mise. De toute évidence, le gravel était un intrus. À plus forte raison, l’esprit qui l’habitait n’avait rien à faire dans la réalité du monde cycliste.
J’ai fait la sourde oreille aux mises en garde, cultivant cet esprit – sans doute en moi – celui du gamin frondeur qui justement n’admet pas ce qui est établi ou conventionnel. C’est aussi l’esprit de curiosité, qui me pousse à tenter un chemin, sans savoir où il mène. C’est parfois une impasse, mais c’est souvent une formidable découverte sur le vélo, comme dans la vie.
Sur Bike Café, mes amis et moi, nous nous sommes mis à écrire pour partager avec vous cet esprit, qui est toujours vivace. Le gravel s’est installé commercialement et il s’est même segmenté : rando, aventure, race… Malgré ça, il garde un esprit partagé par ces différentes pratiques : un gravel reste un gravel, qu’il file comme l’éclair ou musarde sur les chemins. Il y a bien des déclarations que j’entends parfois, pour annoncer la mort du gravel qui ne serait qu’un vélo d’endurance route Allroad pour certains ou encore un VTT léger pour d’autres. Soit, il y a d’énormes ressemblances, je suis le premier à l’admettre, mais voilà l’esprit gravel est toujours là, il reste unique et raconte l’histoire de ce vélo qui a fait sauter les clivages.
Retrouvez l’intégralité de notre rubrique “Comme un lundi” en cliquant >ICI<
Tout à fait d’accord surtout quand on voit des rando. permanentes commes les Super Randonnées qui commencent à avoir des versions gravel : https://www.superrandonnees.fr/sr-en-france