Les vélocistes traditionnels, comme beaucoup de commerces de détail, se meurent étouffés entre le commerce en ligne et la grande distribution. En lisant récemment un article financier sur le sujet, qui avait des allures de faire part de décès, je me suis fait cette réflexion : est-ce que les “cafés vélo” peuvent apporter la caféine qui manque à ce commerce de proximité ? … Est-ce que l’accueil et le service peuvent créer une dynamique communautaire pour relancer ce commerce ? Difficile aujourd’hui, pour la boutique du coin de la rue, de lutter contre la vente en ligne sur Internet. Difficile pour le vélociste, qui devra commander un vélo pour le besoin précis d’un client, de lutter contre la livraison d’un vélo “sorti de carton” prêt à rouler. Nous en avions parlé avec Christian Stoltz qui a créé le Hangar du cycles (voir l’article) qui souffre comme d’autres de ce contexte. Les journées sont longues pour un artisan du cycle qui s’attache à fournir à son client le meilleur vélo pour lui. Le client, souvent ingrat, regarde juste le prix oubliant au passage le service, le coût d’un pas de porte et tous les frais que doit assumer un commerce physique. Un vélo ça s’entretient, il faut aussi y penser pour la suite …
La révolution internet
En boutique le chiffre d’affaires se répartit généralement entre 20 à 30 % pour les pièces et accessoires et 50 % pour la vente des vélos, le reste étant du service. Pour la partie pièces et équipements c’est devenu impossible de lutter contre Amazon, Ali express, Deporvillage et bon nombre d’autres sites spécialisés qui offrent des prix très bas avec souvent des frais de livraison gratuits. Face à cette lutte inégale, le petit commerce est obligé de diminuer ses stocks qui se vident moins vite et là encore c’est la double peine. Une commande peut prendre quatre jours pour arriver en boutique de sorte que le client finit par faire ses achats en ligne. Il se précipitera sur son clavier pour la trouver sur internet, choisir sa couleur, le nouveau modèle, le meilleur prix, … pour se faire livrer au plus tôt chez lui sans avoir à se déplacer au magasin. Ce cercle vicieux contribue à tuer le commerce de détail classique.
Pour les vélos c’est pareil, il faut avoir la “carte” pour représenter une grande marque qui par sa notoriété et sa puissance marketing attirera chez vous le client. C’est pas simple à obtenir pour les petites surfaces qui n’ont pas le volume. Les “bike store” des grandes marques, avec leurs “show rooms” aguicheurs, attirent plus que le choix sur un catalogue présenté sur un comptoir suivi d’un délai de livraison trop long … Certaines marques heureusement ont un réseau de distribution qui soutient ce commerce de détail. C’est une chance pour des gens comme Christian et d’autres qui vont pouvoir travailler sur la base de “kit cadre” ou de vélos complets pour offrir des solutions à la carte à des clients plus exigeants et plus patients.
Autre période, autre temps …
Notre époque, que certains sociologues ont qualifié de “post industrielle”, nous fait évoluer dans un système socio-économique complexe. Le fonctionnement en réseaux, sur le mode “horizontal”, a remplacé le schéma “pyramidal” plus ancien. Nous l’avons vécu dans l’informatique et l’apport d’internet est le parfait exemple de cette ouverture. Ces nouveaux systèmes, qui ont bouleversé les modèles du commerce classique, peuvent également devenir des atouts. Les gens aiment le vélo, qui évoque l’enfance et la liberté. Ils ont envie d’en parler … Il me suffit d’aller au marché faire mes courses avec mon vieux “biclou” pour être abordé par l’un ou l’autre qui me dira “C’est quoi votre vélo …” … “Moi j’ai eu un Manufrance …” et l’échange est parti.
Les “cafés vélo” …
Pour résister à la dépersonnalisation du commerce distant il faut créer des “communautés”. Les “Bike Cafés”, populaires en Grande-Bretagne et dans les pays du Benelux, font école en France. Ce n’est pas faute d’en parler sur notre site 😉 … Autour d’un projet basé sur l’accueil et le service, ils créent une base cohérente avec une clientèle nouvelle, attirée par la convivialité et le partage. Une fidélisation s’installe au travers de cette proximité et la clientèle se développe grâce à cette relation durable.
On y vient le midi pour déjeuner vite fait comme dans la “zone ravito” d’Eric à Brest, chez “Jour de vélo”, où Olivier nous reçoit pour une pause déjeuner à midi dans une petite rue parisienne, chez Philippe à Poitiers à la “Cyclerie Café”, où on peut manger de bons produits locaux en parlant vélo, … Il y a même des “non cyclistes” qui viennent manger un petit truc chez ces “boutiquiers” d’un nouveau genre. On y voit quelques vélos exposés, on parle de ses projets, … Souvent ces magasins organisent des sorties le dimanche. Ils créent des événements. Des marques choisissent ces lieux pour venir échanger avec les cyclistes. Vous vous avons parlé du Tour de France Cyfac par exemple.
On rêve tous d’avoir ce point de ralliement que serait un café vélo à côté de chez soi. Un endroit où l’on peut venir parler vélo, feuilleter un livre ou un magazine, échanger et parler voyage et aventure, se tenir au courant des nouveautés, … Un vrai lieu de partage et d’échange : un lieu symbole de la vraie vie, pas celle du web … Un lieu où l’on pourra vous proposer un vélo “pour vous” et pas pour un segment de marché. Votre vélo, même si il porte la même marque que d’autres sur son cadre, pourra être différent de celui de votre voisin.
Internet, qui a tué et tue encore le commerce de détail, est aussi l’arme que doivent utiliser ceux qui “résistent”. Ils se retrouvent et se connectent avec ces nouveaux lieux d’échanges et de commerce. Lorsque vous sortez du magasin vous serez toujours en lien avec vos amis de votre café vélo via Strava, Facebook, … les échanges vont se poursuivre via la communauté dans le monde virtuel.
Ces “bike cafés” sont devenus l’antithèse de la boutique de vélo à l’ancienne où vous étiez reçu par un mutique mécano/vendeur rouleur lui-même qui, lorsqu’il vous parlait, c’était uniquement pour évoquer ses exploits anciens : lorsqu’il était champion. J’ai même l’impression que dans ces cafés vélos nos bécanes ont du plaisir à y venir … Elles aussi rencontrent là d’autres vélos. Et si ça se trouve elles discutent entre-elles de leurs dernières améliorations. “Et bien moi mon cycliste vient de m’offrir des beaux Compass … c’est une douceur : j’adore ! …“, explique un Genesis Croix de fer à un Fuji qui lui répond “Et moi tu as vu cette nouvelle selle, depuis que je l’ai on fait plus de kilomètres …“
Il y a ou il y aura bientôt un Bike Café à côté de chez vous … Voici la liste que nous avons constituée et qui n’est sans doute pas exhaustive …
(Photo de couverture : Get Lost à Lille)
Il me semble qu’il faudrait ajouter la récente boutique Cycles Victor à Levallois dans le 92. Café, réparation/optimisation toutes marques et une spécialité : les cadres sur mesure des artisans européens en neuf ou occasion. J’y ai vu deux CMT, un Alex Moulton, un Andouard, un Seven…
Vous êtes sur qu’il ne s’agit que de caféine ?
Effectivement faut voir 😉 …