Avertissement :
Dans ce billet nous écrirons allègrement les mots « chier », « merde », « caca », « étron » sans gêne et sans vergogne. Sans même une once de sentiment de culpabilité ou même une sensation de vulgarité. Ce n’est pas de notre faute, mais nous avons lu ce livre « Comment chier dans les bois », on peut donc clamer haut et fort : c’est pas nous qui avons commencé ! Et puis, il nous semble indispensable, de ne pas tourner autour du pot. Parce que partir rouler de longues heures dans la nature signifie aussi toujours une pause popo ou pipi quelque part. Et savoir rouler est une chose, savoir chier dans la nature en est une autre, mais pas aussi éloigné que vous le penseriez au premier abord.
La longue distance ou l’itinérance à vélo ne s’improvise pas. Il faut évidemment s’entraîner à rouler, habituer son corps à ce type d’effort. S’organiser aussi. Trouver les compromis entre voyager léger mais ne rien oublier dans son paquetage. Préparer son itinéraire est aussi une étape importante. À propos d’étapes, certain.e.s choisissent le tout confort, d’autres l’escale rudimentaire. Quels que soient vos choix, à un moment donné il faudra envisager une pause pour soulager vos besoins naturels. C’est comme ça et personne n’y échappera. Autant donc mettre toutes les chances de votre côté pour que ce moment se passe bien, c’est l’objet de ce livre et donc de ce billet.
L’envie qui dépasse le stade de l’envie …
Que le premier (ou la première) qui n’a pas vécu ce moment pénible lève le doigt. Oui je parle de ce moment précis, il est 07 h 20, c’est l’hiver, tu as rendez-vous avec tes potes dans 10 minutes sur la place du village, pour aller rouler 4 ou 5 heures. Vu les températures tu as empilé les couches les unes sur les autres, enfilé tes gants, ajusté le casque, vérifié 10 fois si tu as tout dans les poches dorsales de la veste (gps, pompe, barres énergétiques, papiers d’identités, carte bleue, CAA de rechange, téléphone), tu t’apprêtes à filer à la cave récupérer ton destrier, avec ta démarche de canard. Et soudain, l’envie pressante, l’envie qui dépasse le stade de l’envie, l’envie qui devient un besoin. Et oui, tu hésites une seconde ou deux mais pas trois. Tu te rends bien compte qu’il n’est pas raisonnable de repousser ce moment libératoire à dans 120 km. C’est clair et définitif, il faut que t’ailles chier immédiatement. Tu rouspètes intérieurement en même temps que tu te libères des différentes couches qui composent ta tenue du jour. Tu te poses sur le trône et envoie un message sur le groupe whatsapp de la sortie du jour « En sortant mon vélo j’ai constaté que j’ai crevé, je répare vite fait, j’arrive. Attendez-moi ! ».
Tu rouspètes alors qu’au contraire tu devrais remercier ton corps de te prévenir maintenant plutôt que dans 10 minutes, une fois arrivé sur la place de l’Église. Parce que là il sera trop tard à moins que le bistrot ne soit ouvert et qu’en échange d’un café au comptoir tu ne puisses aller poser ton séant et déposer ton oeuvre dans les latrines du lieu et prétexter auprès des compagnons du jour « désolé, faut vraiment que j’y aille ».
Les quelques princes et princesses que nous comptons dans notre lectorat au Bike Café rougissent, les autres opinent et sourient ; parce que ce moment décrit vous l’avez tous et toutes vécu, peu importe votre lignée.
Aussi je dois vous le confesser, j’envisage de plus en plus de partir sur des épreuves de longue distance, des épreuves « d’ultra » comme on dit dans les milieux autorisés et parmi les nombreuses questions que je me pose, revient souvent celle-là : « Comment vais-je chier pendant ces quelques jours, seul et loin de tout ? ». Si ce questionnement vous semble futile, je vous envie. Il n’empêche que vu le succès éditorial de ce livre (vendu à plus de 3 millions d’exemplaires) il me semble que je ne suis pas le seul à m’interroger à ce sujet. C’est donc plein d’entrain que j’ai lu la prose de Kathleen Meyer.
Les surprises du caca en nature
Première surprise, si vous pensiez que chier est un acte naturel, c’est avant tout un acte environnemental. Ce livre est beaucoup plus technique que je ne l’imaginais. Parce qu’avant de proposer des solutions concrètes à nos petites commissions Kathleen aborde par l’exemple l’impact environnemental de nos milliers de cacas posés dans la nature, nous les trailers, kayakistes, montagnards, cyclistes au long cours.
Et oui Kathleen par exemple nous apprend qu’il faut chier le plus loin possible des cours d’eau (ou plan d’eau), pour éviter que nos excréments ne contaminent à coup de Giardase mais aussi de Cryptosporidium ou encore de Bilharziose l’eau qui finira dans nos robinets. Ils sont dans le coin et quelques précautions s’imposent. L’eau que d’autres en aval pourraient être amené à consommer. L’autrice aussi nous explique (en se passant de schéma) qu’enterrer nos merdes est une bonne idée mais il ne faut pas les enterrer trop profondément (j’y viens plus tard).
Deuxième surprise, si vous pensiez que chier est un acte solitaire, c’est avant tout un acte solidaire. Dans de nombreux lieux (parcs nationaux par exemple) on n’a pas le droit de chier où on veut. Il y a bien sûr le risque de se prendre une amende mais plus fondamentalement, si on part sur une longue distance à vélo et non pas dans une Lancia Stratos, c’est peut-être parce qu’on a quelque part un début de fibre écologique et qu’il serait dommage de tout gâcher avec une merde posée au mauvais endroit.
Le saviez-vous ? un caca posé dans la nature, dans un coin idéal pour une décomposition rapide est un sol un peu sec mais quand même un peu humide aussi (« rapide est ici très relatif : dans les meilleures conditions, une merde humaine met plus d’un an à disparaître » !)
Troisième surprise, adieu certitudes. Bien chier dans la nature demande une organisation et un entraînement de tous les instants. On ne s’impose pas expert ès merde au premier étron posé. Entre trouver le spot, organiser la bonne configuration, à l’abri des regards mais pas à l’abri des intempéries et poser sa crotte sans en laisser sur ses fringues, ses chaussures, ses doigts il y a tout un protocole à suivre et 170 pages ne sont pas de trop. Je vous livre ici un conseil glané au fil de la lecture. Encore une fois, qui dans des toilettes à la turque n’a jamais eu peur de rater le trou ? Hein, qui ? Dans la nature c’est pareil, après avoir creusé son petit trou, comment être certain de bien le viser ? La réponse est en page 38, « Chie d’abord, creuse après »… Malin, non ? Et si vous vous demandez quelle profondeur pour le trou, Kathleen nous l’annonce sans détour, 15/20cm de profondeur. Plus ce n’est pas terrible, moins ce n’est pas mieux. (Nota pour les lecteurs et lectrices : Pensez à emmener votre décimètre la prochaine fois).
Quatrième surprise, chier est un business. Les systèmes de purification de l’eau ont bien été inventé parce q’un jour, quelqu’un à chié dans le cours d’eau. P 52 « d’après le centre fédéral pour le contrôle et la prévention des maladies d’Atlanta, aucune eau de surface dans le monde n’offre la moindre garantie de ne pas porter de microscopiques kystes responsables d’une maladie parasitaire appelée Gardiase. ». Aussi il existe tout un marché du chiotte portable, voire même transportable qui permettra de ramener à la civilisation toutes vos merdes posées pendant votre séjour dans la nature. Ces produits sont surtout intéressants si vous partez en peloton bivouaquer pendant des jours et des jours tous ensemble. Si vous êtes un chieur/une chieuse solitaire, vous n’aurez peut-être pas besoin de tout cet attirail d’autant qu’à vélo, le chiotte transportable n’existe pas vraiment. Notez tout de même, le chiotte de voyage coûte entre $15 et $ 587. Notez aussi que vous pouvez vous construire, moyennant quelques euros, votre propre boite à caca que vous viderez dès votre retour à la civilisation. Un tuto – très bien fait – est proposé pour construire cette petite boite. Un conseil personnel, ne lésinez pas sur l’étanchéité.
Cinquième surprise (mais qui n’en est pas une véritablement), ce passage obligé accroupi ne fait pas de différence en fonction de votre genre. Nous sommes tous à peu près égaux, hommes et femmes. Il est d’ailleurs très difficile (peu d’études sur le sujet) de construire le portrait robot du caca moyen ; p94 « Qui que ce soit qui va aux toilettes entre 3 et 21 fois par semaine est considéré comme normal […] Les hommes […] produisent plus de déjections que les femmes. Un étron typique d’un indien pèse trois fois plus que celui d’un Anglais, alors même qu’en Ouganda (où l’on mange sans doute des briques), sa déjection pèsera jusqu’à cinq fois plus ». Vous voila prévenus. Si l’homme produit plus que la femme, elles ont d’autres contraintes qui rendent l’exercice -faire ce qu’elles ont à faire, dans la nature- plus compliqué. D’abord parce que peu d’entre elles savent pisser debout (il y en a qui y arrive), ensuite parce que les femmes ont en plus besoin de gérer leurs menstruations et le lot de tampons ou serviettes usagées qui vont avec. Kathleen nous apprend par exemple que le tampon usagé brûle mal. Un chapitre entier s’adresse spécifiquement aux femmes, ce même chapitre peut tout à fait être lu par les hommes, ça ne nous fera pas de mal. Et si vous êtes une femme et à la recherche d’un urinoir pour pisser comme papa, faites un tour ici ou là
Sixième et dernière surprise, j’ai cru en lisant ce livre, que plus jamais je ne chierais comme avant. Que définitivement apprendre autant de choses sur les impacts environnementaux et sociétaux de mes merdes allait modifier à jamais ma façon de chier, j’ai même craint un moment, qu’à chaque étron posé j’allais culpabiliser de me libérer. Je vous rassure ce sentiment n’a pas survécu à ce besoin – que j’ai eu dimanche dernier à 07h42 – d’aller chier au chaud casque vissé sur la tête, téléphone dans les mains avec ce message à l’attention de mes compagnons du jour « Je suis 3 à 5 peut-être 8 minutes en retard, je n’ai pas crevé mais c’est tout comme. J’arrive ».
Parce que la meilleure façon de chier dans les bois reste quand même la solution de chier chez soi.
Informations
- Titre : Comment chier dans les bois
- Auteure : Kathleen Meyer
- Editeur : Éditions Edimontagne
- Site web éditeur : http://www.montagne-librairie.com/Comment-Chier-Dans-Les-Bois
- Nombre de pages : 140
- ISBN :
- Date de publication : octobre 2019
- Prix TTC : 12 €
Pitch de l’éditeur
Il y avait urgence à traduire ce livre culte.
« Délire écolo américain ? Le sujet mérite vraiment réflexion, débat et controverse chez tous les promeneurs, randonneurs, guides, organisateurs et justifie vraiment la lecture de ce livre sérieux écrit non sans malice… » Daniel Popp, cofondateur de l’agence Terres d Aventure
« Ceci est le livre sur l’environnement le plus important de la décennie. » W. David Laird, Books of the Southwest
« Le titre indépassable. » Penthouse Magazine
« Partant du principe que « nous ne pouvons y échapper », Kathleen Meyer nous livre cet ouvrage caustique au ton désinvolte. Sérieux et désopilant. Exhaustif et pédagogique. Scatologique et de bon goût. Comment chier dans les bois ? est une petite perle à partager entre initiés le soir au bivouac. Décapant ! » Marc Dozier, Grands Reportages
« Une matière excellente, pertinente et claire. Je rêve que tous les guides de ce genre aient été écrits comme celui-ci. » Patricia Poore, Garbage Magazine
« C’est une chose que nous nous sentons qualifiés de faire, et dont nous ne parlons jamais … Pour une fois voici tous les trucs pour garder nos campements propres tout en restant discrets et confortables. » Outside magazine
« Kathleen Meyer a contribué autant à améliorer notre conscience environnementale qu’à restaurer la respectabilité d’un grand mot si ancien de notre langue. » Franck Graham jr, Audubon Magazine
« Voilà un livre fort bien torché.» Relief, la revue de Chamonix Mont-Blanc
Etrangement, il y a un peu moins de photos que dans les autres articles 😉
Merci pour cette critique littéraire.
Dicton paysan breton : Il n’y a rien de plus fort que l’envie de chier.
L’un des 5 points à maitriser pour le bivouac.
Le mieux de dépôt de la défécation joue un rôle primo dans le temps de la décomposition des excrément
Il faut creuser un trou de chat dans un sol mou, organique il y’a beaucoup de végétation et d’arbustes feuillus, une couche épaisse de humus un peu humide, exposé au soleil. Lorsque on n’a terminé, on recouvre le tout de humus.
Le milieu que je préconise toujours.
Au début de l’été, j’ai fais le test à savoir combien de temps que ça prendrait pour 2 etrons que j’ai defequee dans la nature.
Et bien, cela a pris 15 jours et tout avait complètement disparu, la nature a repris rapidement ses droits.
Bonjour à toutes et à tous.
Je découvre ce billet tardivement et ne résiste pas en tant que cofondateur et l’un des patrons de Terdav, il y’a bien longtemps, sollicité par l’éditeur de ce bouquin, à en faire l’introduction, à vous faire découvrir le texte que j’avais rédigé à cet effet, que je me suis franchement régalé à écrire, qui a été radicalement amputé vu sa longueur.
“Merde”, m’ écrais-je ! Le sable de la dune que je gravissais dissimulait sous son air immaculé un étron mal enterré. Étron ne datant pas de la colonne Leclerc, profondément fiché dans les crans de ma semelle de Pataugas ! “Fait chier”, m’exclamais-je, maudissant son auteur, faute de trouver un bout de bois salvateur pour nettoyer ma chaussure sinistrée de sa malodorante infortune. A son époque, ma vieille cousine, d’un air pincé, aurait dit… “crotte”! Dire qu’il y a 25 ans, j’avais découvert cet endroit vierge de toute trace humaine… Sautillant à cloche pied, en quête d’un caillou pointu, sous l’ombre d’immenses rochers m’évoquant des étrons monstrueux, déposés par des géants jouant au caca Noël, je fis un rapide calcul. En cette période de fin d’année, au cœur du plus beau désert du monde, nous avions croisé 5 autres groupes de voyageurs. Une dizaine de personnes en moyenne… un séjour d’une semaine… une défécation quotidienne… Mon Dieu, à la fin du voyage, 420 étrons allaient “miner” cette belle terre d’aventure, ce sable de paradis que nos successeurs randonneurs ne tarderaient pas à fouler en toute innocence. Avant qu’eux-mêmes, jour après jour, ne s’accroupissent…
Imaginez le tour du Mont Blanc ou des Annapurna cent fois plus fréquentés… 42.000 étrons par semaine… Cacastrophique !
D’ou l’urgence qu’il y avait de traduire en français “Comment chier dans les bois”. Un livre culte aux Etats Unis qui brise le tabou de la merde en “nettoyant” déjà le vocabulaire qui l’entoure de sa connotation machiste et vulgaire. Curieux de voir comment nos mots et nos émois d’enfant autour du pipicacapopo semblent se “salir” avec l’âge. Comme s’il y avait quelque chose à dissimuler, à ne pas dire, autour de l’acte de chier et de pisser prolongeant pourtant naturellement celui de manger et de boire chez tout être humain.
Le problème, c’est que dans les lieux de nature sauvage de notre belle planète, nous nous retrouvons de plus en plus nombreux loin de nos tout à l’égout, à chier et pisser n’importe où et n’importe comment.
Selon l’auteur, outre le désagrément de l’œil, de la narine et de la semelle, nos excréments ne manqueraient pas de propager leurs parasites à la plupart des eaux de surface du globe, dans nos campagnes et nos montagnes, faute d’éducation, de prise de conscience et de matériel adapté.
Délire écolo américain ? Quand vous aurez appris que “creuser son trou” parfois ne suffit pas, l’hypothèse du “ramener tout”, l’inventaire exhaustif des “boites à caca” prévues à cet effet, décrites dans cet ouvrage, peuvent surprendre, voire choquer. Quand nous “inventions” le tourisme d’aventure pédestre au Sahara, n’était-ce pas déjà la réaction de nos chauffeurs, étonnés de me voir leur demander de rapporter à Tamanrasset un grand sac poubelle contenant boites de conserves, plastique et autres déchets ? “Le trésor”, ils appelaient ça ! 26 ans plus tard… la boite à caca ? J’imagine leur tête !
Le sujet mérite vraiment réflexion, débat et controverse chez tous les promeneurs, randonneurs, guides, organisateurs et justifie vraiment la lecture de ce livre “sérieux” écrit non sans malice.
Daniel Popp co-fondateur de l’agence Terres d’Aventure et co-auteur du livre Le désert nu, un marcheur au Sahara (Ed. du Chêne).
Excellent … merci Daniel pour ces précisions dont nous avions besoin 😉