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La Race Across France en immersion avec Patrick Gilles

Texte Patrick Gilles. Photos : Patrick Gilles et Quentin Iglésis.

La RAF, acronyme de la Race Across France, et version française de la célèbre RAAM (Race Across America), vient de se conclure il y a quelques jours.

870 cyclistes s’étaient donnés rendez-vous, à Mandelieu-la-Napoule, le vendredi 23 juillet au soir (4 fois plus qu’en 2020) pour tenter de devenir « finisher » d’un des 4 formats proposés. Ils étaient au final 650 sur la ligne de départ, en raison de défections liées aux contraintes sanitaires. Ce nombre important témoigne de l’engouement croissant pour les pratiques longues distances ou « ultra-cycling », avec un « nom » fort, tel que la RAF.

Plusieurs formules d’ultra-cycling étaient proposées sur cette FAF 2021 :

  • 300 km avec une arrivée au sommet du géant de Provence, solo ou par équipes (2, 3 ou 4 sans assistance)
  • 500 km avec une arrivée à Saint-Jean-en-Royans dans le Vercors
  • 1100 km avec une fin de parcours sur les bords du lac d’Annecy à Doussard
  • Et enfin la formule « reine »,  2500 km avec une arrivée au Touquet-Plage sur la Côte d’Opale.
  • Toutes les courses étaient réalisables en solo ou par équipes (2, 3 ou 4 sans assistance).

Parmi ces concurrents, à noter la présence de plus de 120 femmes au départ, preuve de l’intérêt grandissant des femmes pour l’ultra (nous avions, dans le même esprit, traité de l’initiative sympathique réalisée par Élisabeth Lavaill « 200 nanas pour 200 km »).

Sur l’épreuve de 2500 km, le spécialiste de la discipline Patrick Gilles (2ème de la RAF 2020 sur le format 1100 km), avait coché la date de l’épreuve phare sur son calendrier. Il nous raconte son périple.

Partir dans l’inconnu

6 jours, 22 heures et quelques minutes m’auront été nécessaires pour rallier Mandelieu-La-Napoule (06) au Touquet (62) à l’occasion de ma 4ème participation à la Race Across France. Après m’être aligné 3 fois sur le 1100 km, j’avais décidé cette année de franchir le pas pour aller voir ce qu’il y avait après Doussard…

Habitué des épreuves “courtes”, n’excédant pas 1000 à 1200 km, en matière de longues distances, j’avais à cœur d’aller au delà de ce qui est ma zone de confort. J’ai longuement hésité avant de me décider à m’inscrire sur ce parcours de 2500 km craignant ne pas être à la hauteur d’un tel challenge. Mais c’est aussi cette part d’inconnu qui me motivait. Je devais en effet tout revoir par rapport à mes habitudes, qu’il s’agisse de la gestion du sommeil, de l’alimentation, de l’équipement. Je redevenais un novice, moi qui suis souvent considéré comme un vieux routard des longues distances.

Ma principale source d’inquiétude était le mental car il ne suffit pas de pédaler plusieurs jours de suite pour parcourir une telle distance. Tant de choses peuvent se passer, et le mental ne doit pas lâcher pour pouvoir faire face aux imprévus, à la fatigue, à la lassitude tout comme aux incidents et aux aléas de la météo.

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
Le grand départ de la RAF, une des épreuves d’ultra-cycling les plus difficiles en France. Photo : Patrick Gilles.

Je me suis donc élancé de Mandelieu le vendredi 23 juillet à 20h37, avec comme principal objectif d’aller au bout sans viser d’objectif trop ambitieux et surtout, sans que cet objectif ne se transforme en obsession. Parcourir la distance dans un délais de 7 jours maximum me semblait être dans mes cordes. J’avais donc soigneusement préparé une feuille de route pour atteindre les plages du Touquet au plus tard le vendredi 30 juillet avant 20h37. L’estimation la plus optimiste, sur le papier, situant mon arrivée sur les coups de midi. J’arriverai finalement à 18h45.

Mais pour en arriver là, tant de choses se sont passées…

La traversée des Alpes : km 0 > km 1100

Je n’aurais pas la prétention de dire que la traversée des Alpes a été une formalité, mais pour avoir pris part 3 fois à la RAF 1100, je connaissais parfaitement le parcours et je savais comment le gérer. Fidèle à une stratégie qui s’était avérée payante en 2020, j’ai effectué un premier secteur de 600 km jusqu’à Saint Nizier du Moucherote, où Laurent Boursette m’a accueilli pour une première pause sommeil de 4 heures. Cela m’a permis de repartir relativement frais, pour enchaîner les cols de l’Alpe d’Huez et de Sarenne, avant de poursuivre en direction du Galibier. Ces 3 difficultés vont se passer sans souci particulier. Le prochain objectif étant alors le col de l’Iseran, que je vais décider de passer de nuit après une pause à la base de vie chez Up Guides à Val Cenis. L’Iseran est assurément un grand moment de ma RAF. Une ascension au coeur de la nuit, seul au monde, isolé dans ma bulle. Je n’ai plus aucune notion du temps, je me sens ailleurs…

Passé l’Iseran, il ne reste plus que le Cormet de Roselend, les Saisies et la Colombière pour en finir avec les Alpes. Si les 2 premiers cols passent plutôt bien, je connais une première défaillance dans la Colombière. La fatigue m’a rattrapée, j’avance péniblement et les kilomètres me paraissent interminables. L’homme au marteau cher à Jean Yves Couput m’a frappé !

La descente jusqu’au lac d’Annecy, pour rejoindre la base de vie de Doussard, va me permettre de me refaire la cerise. Je profite de cette base de vie sur laquelle je retrouve ma fille, qui est dans le staff de la RAF ainsi que Pascal et Vanessa Bride. Je vais pouvoir renouveler mon équipement en vue de la seconde partie de l’épreuve. Jean-Yves Couput, le « papa » de l’Omomarto est également là et le fait de discuter avec lui et les autres participants me fait du bien et me régénère. Je décide alors de repartir pour Aix-les-Bains où j’ai prévu de passer une nuit à l’hôtel pour récupérer de la traversée des Alpes et repartir comme un homme neuf…

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
A Doussard (km 1100), Patrick a retrouvé sa fille qui l’a soutenu et encouragé durant tout le parcours. Photo : Patrick Gilles.

La chevauchée fantastique : km 1100 > km 1800 km

Cette nuit va être bénéfique et lorsque je repars à 5 heures du matin d’Aix-les-Bains, je sens immédiatement que les jambes sont au rendez-vous. Je m’accorde une pause petit-déjeuner après le col du Chat chez mon amie Anne-Fred. Celui-ci sera gargantuesque à l’image de l’omelette que Jonathan, son compagnon, me prépare !

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
Une bonne nuitée et çà repart ! Photo : Patrick Gilles.

Je repars gonflé à bloc, parfaitement rassasié et engage une folle remontée qui va me permettre d’entre-voir les portes du top 10. Pendant près de 30 heures, je roule avec euphorie. Rien ne semble difficile, ni les routes casses pattes du Charolais, pas plus que la pluie qui finit par me rattraper. Les kilomètres défilent et rien ne semble vouloir arrêter cette marche en avant dans laquelle je me suis engagé depuis Aix-les-Bains.

Je plonge dans une nouvelle nuit, au cours de laquelle je n’éprouve pas le besoin de dormir, et au petit matin du mercredi je suis à Gien. Tout me semble être passé si vite. Le château de Chambord se profile déjà à l’horizon. Je le passe en compagnie de Romain Debroucke, avec qui je poursuis ma route jusqu’aux portes de Blois.

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
Passage près de La Loire, Patrick enchaîne les kilomètres et a bouclé environ 2/3 du parcours. Photo : Patrick Gilles.

Le trou noir

C’est là que le cours de ma RAF va radicalement changer. Porté par l’euphorie dans laquelle je suis depuis plus de 30 heures, je laisse de côté ma feuille de route et continue à progresser alors que les premiers signes de fatigue commencent à se faire ressentir. Ma progression devient plus heurtée et je sens que je commence à manquer de lucidité. Je n’ai plus vraiment d’objectif à court terme. Je sais qu’il faut pourtant que je trouve un point de chute pour refaire un cycle de sommeil mais je continue à avancer de manière désordonnée.

Je commence à gamberger sérieusement et éprouve le sentiment d’être pris dans un engrenage dont je ne sais comment sortir. Le mental est sur le point de me lâcher.

« Je ne sais plus vraiment pourquoi je continue à pédaler, des idées noires me traversent l’esprit, je suis en colère contre moi-même, contre cette chaleur qui m’écrase, contre les automobilistes, contre ces villages sans vie. Bref, je suis en passe de tomber au fond du trou. »

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
Symbole d’un moment très dur dans la course, Patrick a touché le fond mais a su se remobiliser pour rebondir. Photo : Patrick Gilles.

C’est à ma fille et à ma femme que je vais devoir mon salut. Elles m’indiquent en effet qu’il y a un hôtel dans le village où je me trouve et me poussent à aller demander si une chambre est disponible pour au moins passer la nuit. Bingo ! Le réceptionniste me trouve une chambre. Ma RAF est en sursis. Je me douche, refais le point sur la situation et descends dîner pour reprendre des forces. Progressivement, une nouvelle dynamique se dessine. Une bonne nuit d’au moins 6 heures devrait me permettre de repartir tout en gardant comme objectif de terminer en moins de 7 jours.

Un nouveau départ : km 1800 – km 2600

Jeudi 29 juillet, à 4h30 mon téléphone me réveille. Je sors péniblement du lit en ayant l’impression d’être raide comme un poteau. Je me prépare mécaniquement, rallume mes lampes et me voilà reparti avec comme premier objectif le Mont Saint-Michel.

La mise en route est un peu laborieuse, mais progressivement, alors que le jour commence doucement à se lever je retrouve des sensations meilleures et surtout, une envie d’aller de l’avant sans commune mesure avec le trou noir que j’ai connu la veille. Je me concentre sur le seul et unique objectif qui est d’arriver au Touquet où Coralie et Delphine ont prévu de me retrouver.

« Les kilomètres s’enchaînent et me voici à Fougères. Le Mont Saint Michel n’est plus très loin et avec lui, le cap des 2000 kms sera passé. C’est toute la démesure de ce genre d’épreuve mais le fait de me dire qu’il reste moins de 500 kms me redonne de l’énergie ! »

J’entame la dernière ligne droite de l’épreuve. Je suis à nouveau sur un bon rythme, j’ai retrouvé le plaisir de pédaler et rien ne peut désormais plus m’arrêter. En fin d’après-midi j’ai le plaisir de partager quelques kilomètres en compagnie de Alain Laumaillé du Team Cyclosportissimo venu à ma rencontre en tant que local de l’étape puis je poursuis ma route et retrouve Sébastien Saint Jalm et Victor Lablond avec lesquels nous faisons une pause Mc Do avant d’entamer la dernière nuit de cette RAF 2021.

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
Petite pause chez l’enseigne au M doré pour recharger les batteries. Patrick roule alors avec Sébastien Saint Jalm et Victor Lablond. Photo : Patrick Gilles.

Avec Sébastien, nous décidons de dormir à Omaha Beach où la terrasse d’un café nous apportera le minimum de confort. La pause sera courte, 1h30 tout au plus mais suffisante pour repartir vers l’avant en direction notamment de Pégasus Bridge puis de Deauville que nous atteignons au petit matin. Le franchissement du Pont de Normandie balayé par un violent vent qui vient de la droite sera un moment stressant mais en même temps impressionnant.

Passé cet obstacle, il ne reste plus qu’à aller chercher les dernières bosses du Boulonnais et l’on pourra alors enfin entrer dans les 100 derniers kilomètres. Bien que casse-pattes, j’apprécie cette traversée du Boulonnais et ce relief tout en douceur. Les bosses ne sont pas très longues, tout au plus 3 kms et sans excès en termes de pourcentage. Cette fois, le Touquet se rapproche, et je vais terminer quasiment en roue libre. La course défile depuis le début, je repasse par diverses émotions et les larmes coulent sur mes joues. 10, puis 5 et enfin un dernier kilomètre me sépare de l’arrivée. J’ai du mal à réaliser ce qu’il m’arrive lorsque je tombe dans les bras de Delphine. 

« C’est à la fois si long et si court. Il est 18h45 et l’objectif de mettre moins de 7 jours est atteint malgré mon trou d’air du mercredi. » 

Un bonheur immense m’envahit progressivement. Cette folle aventure est terminée et j’ai l’impression qu’elle n’aura duré que 3 jours. Le premier pour traverser les Alpes, le second pour rallier Blois et effectuer une incroyable remontée au classement puis un troisième jour pour gérer la fin de parcours en remettant les pieds sur terre.

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
Avec Arnaud Manzanini, à gauche, l’organisateur de l’événement et détenteur du record de la RAM avec assistance. Photo : Patrick Gilles.

Remerciements 

Je dois la réussite de mon objectif à Delphine et Coralie bien évidemment car elles m’ont tiré d’affaires lorsque je m’enfonçais et parce qu’elles m’ont permis de préparer cet objectif, comme je le souhaitais. Trouver le bon équilibre entre une pratique sportive qui demande beaucoup de temps et la vie de famille est essentiel et je tiens à le préserver.

La réussite d’un tel objectif est également liée aux multiples soutiens et encouragements que j’ai eu tout au long de ma progression. Je garde précieusement le souvenir de ces petits mots et toutes ces marques d’attention.

Enfin, je ne peux conclure sans remercier une fois encore la marque Origine dont je suis ambassadeur pour la confiance qu’il m’accorde. Pour la 4ème fois, j’ai pris le départ de la RAF avec un vélo Origine en ayant une confiance absolue. Pour cette édition 2021, je disposais d’un GTR Evo équipé de roues Prymahl, montées avec un moyeu dynamo Son Deluxe. Le comportement de l’ensemble a été exemplaire et parfaitement adapté à mon profil de cycliste.

Race Across France RAF ultra-cycling route Patrick Gilles
This is the end ! Patrick Gilles a mis un peu moins de 7 jours pour boucler les 2.500 kms de la Race Across France ! Photo : Patrick Gilles.

Un mot également pour saluer la marque Ozio dont les cuissards Gran Fondo se sont une encore révélés être d’un confort exceptionnel sur une telle distance.

Pour en finir, je voudrais dédier cette RAF à 2 personnes. À mon papa tout d’abord : il a été omniprésent tout au long de ma progression et a été ma force. Dominique Bard a également été mon moteur. J’admire sa force et son courage et qui plus est, il m’a été d’un précieux secours la veille du départ pour régler un étrier récalcitrant… 

Reste maintenant à savourer tout ceci et à commencer à envisager de nouvelles aventures…

Je rappelle par ailleurs que ma participation à la RAF servait d’appui à une collecte en faveur de l’association A Chacun son Everest. Le 18 août, j’irai passer une journée avec les enfants que cette association accompagne après avoir vaincu l’épreuve de la maladie et je compte sur votre générosité pour leur remettre à cette occasion une belle collecte. Merci d’avance pour eux.

Infos classements sur : https://www.raceacrossfrance.cc/

Galerie RAF – ultra cycling

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