Le voilà donc le Factor LS. Je l’attendais depuis un certain moment. J’étais impatient de le découvrir pour être honnête. Je me doute bien qu’une entreprise qui a plus de 25 années d’expérience dans le carbone, et dans le fabrication de vélo en particulier, produise un très bon vélo. Toutefois, j’aime soumettre mon imagination à une réalité. C’est chose faite avec cet essai, et ma participation à la Gravel Grinder Hutchinson de 100 km de Vélo en Grand.
Je reçois le vélo mercredi 15 septembre. Baptiste, un mécanicien m’aide à le monter. Je reçois un WhatsApp de Vivien (le directeur commercial de Dagg qui distribue Factor) : “Tu n’as plus qu’à installer ta selle et tes pédales et c’est tout bon !“. Bingo … Je le prends à Longchamp pour faire quelques tours sans GPS, pour m’assurer de la position avec les pneus Goodyear Connector Ultimate de 40 mm, montés en tubeless. Premier tour de piste : je baisse un chouïa la selle et l’avance un poil. C’est parti. Un tour plus loin je prends la roue d’un gars qui s’entraîne. Nous sommes sans problème à 35 km/h. Tout roule comme sur des roulettes. Je finirai cette première prise de contact après 5 tours avalés bien rapidement et prometteurs pour la suite. Premières impressions : c’est rigide, ça encaisse et c’est fait pour faire la course. Je refais deux petites sessions, avant la course de gravel à Vélo en Grand. J’ai hâte.
À l’épreuve de la course
Lever 5h15 dimanche matin. Petit déjeuner ; la course commence à 8h. Je prends une banane et du pain complet une grosse heure avant de partir. Allez go ! Je suis devant avec Richard pour les photos. Nous accélérons, le vélo réagit instantanément.
Quelques kilomètres avalés rapidement pour s’échauffer et le premier chemin de gros gravier pointe son nez. Les Connector tubeless à gonflés à 2,5bars font le job : du moelleux et du grip. Le vélo encaisse. Première descente mains en bas du cintre, des rigoles très profondes me font dérailler : je suis en GRX mécanique mono plateau. Je remets la chaîne et repars aussitôt. Je relance, la sensation est identique : le vélo accélère et ne dilue pas les watts. C’est clair. Quelques encablures plus loin, rebelote : une montée bien raide et courte permet de mettre à l’épreuve la boîte de pédalier : rien ne bouge, je n’ai plus qu’à bien jouer sur les vitesses pour enchaîner. Je crois que j’ai bien compris.
Les bases courtes (420 mm) accentuent le peps du vélo. Le vélo est stable : chute de boîtier de pédalier de 76 mm (cette valeur se retrouve chez d’autres marques), chasse au sol de 60 mm c’est dans la moyenne basse. Le stack est le reach ne changent pas beaucoup de mon vélo de course, en revanche c’est une taille en dessous de mon habitude : je roule sur un 56 en route et celui-ci est un 54 avec une entretoise de 2 cm et une potence de 120 mm (1 cm de trop pour moi). Je me sens bien dessus et je trouve facilement mes repères. Une longue ligne droite suivie d’une descente avec quelques beaux virages me donnent l’occasion de tester sa stabilité : c’est un rail en ligne droite avec beaucoup de vitesse. Je retrouverai ce feeling et l’envie d’avancer sur les chemins de halage sur les 8/10 derniers kilomètres. Les coudes sur le cintre, les mains devant les cocottes et c’est parti. Ce vélo est fait pour faire la course. J’en aurai l’expérience. Je fais la course avec un vélo électrique et son ami en Cannondale. J’attaque dans un faux plat montant en cadence, pour travailler avec le cadre. Le vélo est rigide et répond spontanément. J’arrive en tête en haut. Travailler en cadence et avoir des vitesses bien étalonnées. Pas de doute ce vélo aime faire la course, et c’est d’ailleurs la promesse de la marque.
Je reviens sur la géométrie. BMC et Chiru ont lancé une tendance inspirée des VTT : long et haut, avec une potence courte et une bonne chasse au sol. S’en est suivi le Diverge de Specialized : boite de pédalier rabaissée (pour compenser la hauteur des pneus et ainsi pouvoir remonter sur le vélo plus facilement (puisque votre hauteur de selle baisse d’autant par rapport à la boite de pédalier), empattement plus long pour la stabilité et pouvoir passer des pneus plus larges à l’arrière, chasse au sol augmentée à l’avant pour la stabilité. Ici l’inspiration est clairement celle de la compétition. Les reach de la gamme course (O2 et Ostro en tête) sont d’ailleurs les mêmes. Seuls les stacks ont pris 2 cm. On obtient une position plus haute. Je ne me suis pas senti non plus dans une position de pur coursier. La hauteur du boîtier de pédalier joue (un peu sur la stabilité du vélo) mais surtout sur sa capacité à prendre des virages serrés (un vélo de cyclocross a un chute de boitier de pédalier par rapport à la hauteur des roues de l’ordre de 60mm). Une chute de boîtier importante permet aussi de mettre le pied plus facilement à terre et de regrimper dessus après le franchissement d’un obstacle. Ici à 76 mm pas de soucis je descendais et remontais facilement lors des franchissements. Ici encore le vélo est fait pour ne pas s’arrêter. Le cadre pèse 950 grammes. Une petite impulsion et le vélo décolle sans problème au dessus d’un trottoir, d’une rigole ou un tronc d’arbre. L’atterrissage se fait sans problème, les 2,5 bars dans les pneus de 40mm y contribuant largement. Les ingénieurs de chez Factor connaissent très bien leur domaine : le carbone. Le LS est plus résistant que le 02. C’est un mélange de 65% de 24 Ton fiber, 30% de 30T et 5% de 40T. Concrètement plus le chiffre devant le « T » est bas, moins le carbone est flexible, plus résistant et lourd. Ce qui veut donc dire qu’un cadre VAM chez Factor est plus léger, plus confortable et un peu moins résistant aux impacts. En revanche pour différencier le LS et le 02, les sensations de pilotage sont pratiquement les mêmes selon Factor. Voilà pour les explications sur le carbone.
Équipements plutôt race
Les équipements : nous retrouvons sur LS 4 fixations dont une pour une sacoche de top tube. En dessous nous retrouvons classiquement 3 supports pour les bidons. Le 3ème étant sous le tube diagonal. L’autre point important est la présence de fixation pour des gardes-boue avant et arrière. Compte tenu du côté compact du cadre pour partir en bikepacking, il faudra prévoir de voyager avec une sacoche à l’arrière du vélo. Un moyeux dynamo est envisageable, avec un montage extérieur des câbles. C’est moins beau mais ça passe. À mon sens le voyage longue distance n’est pas son terrain de jeu favori. Les courses sur la journée sont faites pour lui. Il est taillé pour ça : se cramer les poumons pendant un temps, mais pas deux jours consécutifs. Comprenez moi bien : il n’y rechignera pas, le vélo est léger et solide. La position est confortable.
Repartons sur les graviers. Sur le parcours, une belle grimpette rendue laborieuse par de l’herbe qui cache généreusement de jolis trous éparpillés. Je crois que je n’ai jamais autant maudit cette herbe. Je n’avance pas vite, je bute sur les trous qui effectuent un remarquable travail de sape, tant physique que psychologique. Du 5 étoiles. Je leur en donnerais du 5 étoiles… Bref je n’avance pas vite et là je ressens clairement le vélo : il n’est pas le plus confortable dans les mauvais sentiers bien cassants. Je suis en 40mm tubeless. Je suis sûr qu’une taille de plus ne m’aurait pas fait de mal (le vélo accepte des pneus de 43mm mesurés max). C’est le second apprentissage sur ce cadre. Pour le rendre encore plus polyvalent, j’irais chercher la taille max concernant une utilisation gravel technique : gros pierriers, racines à répétition, etc.
Avant ce maudit sentier, nous avons avalé des portions sur le bitume à 35-40 km/h sans problème et les derniers chemins de halage me prouveront encore qu’il s’agit bien d’un vélo pour faire la course et se marrer avec les copains.
Lundi matin, retour à la réalité. J’ai quelques escaliers à monter pour me rendre au boulot. Je sens mes cuisses me chatouiller, un peu en souvenir de la course de dimanche. Je me console car Antoine, avec son Dilecta cadre acier, me confirme qu’il ressent cette même sensation. Nous n’y sommes pas allés de mains mortes et nous en avons bien profité.
Mardi, séances de technique de pédalage au programme à Longchamp. Les traces sont sur mon profil Strava. Cette fois-ci j’ai installé mes pédales Assioma. Mercredi, c’est tout en décontraction : en dessous de 95rpm et 150 pulsions cardiaques max (ou presque). Jeudi : repos. Vendredi boulot : j’ai troqué les roues de gravel pour des profil de 45 mm à boyaux. Ce sont mes roues de route. Le vélo tourne, les accélérations sont bien présentes, ma cassette est plus petite et mieux étagée que celle de gravel. C’est parti pour la dernière facette du vélo. J’enchaîne les tours à Longchamp sans difficulté. Je cherche un peu mes rapports. Le grand plateau me manque. Je n’aime pas tirer un petit pignon, même si le développement est quasi suffisant (en dessous de 40 km/h), je n’aime pas musculairement la sensation de labourer les champs.
Chacun son style. Le vélo suit sans aucun problème. Dans le long faux plat montant de 300 m, je peux monter en force, en cadence, faire un sprint les 50 derniers mètres le vélo est bien présent. Aucun problème. Ma limite est vraiment ce fichu développement. Affaire personnelle, j’en conviens. Je n’ai pas de col à monter dans mon coin de région parisienne. Les relances sont appuyées il ne perd pas sa ligne, la boite ne bouge pas. Dès que je passe en cadence, je sens mes jambes respirer un peu. En mode chrono, les avants-bras sur le cintre, le vélo file. Un sprint pour jouer la pancarte ? il faut mieux mouliner un peu, prendre de la vitesse et ensuite descendre si besoin. Dans ce cas il faut soit avoir les watts, soit passer en cadence. C’est assez grisant d’avoir un vélo stable qui répond à la moindre sollicitation et capable de jouer la gagne sur une pancarte ou la ligne d’arrivée.
Il ne fait aucun doute que ce vélo a été conçu pour rouler bien et fort. Si vous cherchez un vélo de rando, passez votre chemin ce n’est pas par ici que ça se passe. Si vous cherchez un vélo au caractère bien trempé, très bien fini, solide et pour faire du sport engagé vous êtes au bon endroit. Concevez bien votre projet côté développement et roues et vous aurez un vélo prêt à tout.
Est ce que je l’emmènerais en vacances pour prendre des cols et tracer dans les bois ? oui les yeux fermés avec 2 paires de roues. Et encore un profil de 35 mm monté en tubeless avec des pneus de 38-40mm de large doit faire l’affaire. Aucun doute.
Les anglais ont une expression que j’aime bien « Jack of all trades » : bon à tout faire, notre couteau suisse.
LS is more.
Prix : 7160 €