Kona, marque canadienne mythique créée au tout début du VTT dans les années 1980, a également été précurseur dans le segment du gravel et du bikepacking. Elle est présente depuis presque 10 ans dans l’univers du vélo aventure et voyage avec des gravels iconiques comme le Kona Rove ou le Sutra, objet de ce test. La philosophie historique de la marque : des vélos fun à rouler, solides pour partir à l’aventure sereinement et se démarquant quelque peu des standards habituels.
J’ai pu rouler le tout dernier Kona Sutra LTD pendant près de 4 mois et plus de 2000 kms sur des trips bikepacking mais aussi sur mes sorties habituelles. Voyons si ce Sutra LTD, que l’on pourrait catégoriser dans le segment monstercross, et qui oscille entre le gravel et le VTT de par ses caractéristiques, respecte l’ADN de la marque.
Un peu d’histoire
« La plus petite des grandes marques de vélos », comme aime à se définir Kona, est née en 1985. Deux passionnés de vélo, Dan Gerhard et Jacob Heilbron, collègues dans un magasin de vélo dans le North-shore au Canada, une des Mecque du VTT, mûrissent le projet de créer leur marque de vélo. C’est le début de l’apparition du VTT ou plutôt Mountain Bike sur ce continent. En 1988 ils créent la marque Cascade qui, pour des raisons de « copyright », deviendra très rapidement Kona. Pourquoi Kona ? Simplement car les deux associés sont envoûtés par l’île d’Hawaï et Kona est la partie la plus ensoleillée de l’île. Ils donneront ensuite aux vélos des noms de volcans Hawaïen ou en rapport avec ces volcans. Les premiers VTT deviennent rapidement mythiques : Le Fire Mountain, Le Lava Dome ou encore le Hei-Hei. Des noms qui sonnent bien aux oreilles des passionnés et pratiquants VTT de la première heure dont je fais partie et qui chérissent ces modèles iconiques de l’époque. Mais pourquoi me direz-vous ? Kona a eu depuis sa création une philosophie bien à elle qu’elle a su conserver au fil du temps : proposer des vélos sérieux mais fun, qui se démarque quelque peu de la concurrence et avec un rapport qualité/prix intéressant. La marque est un des précurseurs du fameux « sloping » en VTT versus la géométrie « droite » de l’époque venant plus de la route. Ce sloping, qui permet plus de maniabilité et d’aisance sur le vélo, se retrouve sur de nombreux modèles de la marque. Les bikepackers, dividers et adeptes du singlespeed ont aussi élevé au rang d’icône le Kona Unit, un VTT en acier au rapport qualité/prix/plaisir très attractif.
La société est toujours indépendante et à taille humaine, Kona Europe employant une cinquantaine de salariés, ce qui lui confère une certaine réactivité et proximité avec ses revendeurs.
Après ce moment revival, place à la présentation.
Kona Sutra LTD, un parfait profil d’aventurier…
Nous évoquerons les caractéristiques techniques en second lieu pour une fois. Car ce qui ressort de ce Sutra LTD c’est d’abord une expérience différenciante des gravels actuels plus classiques. N’y allons pas par quatre chemins. Ce Kona est un parfait compagnon d’aventures pour les trips au long cours bien chargés. Mais pas que, nous allons le voir.
Ses atouts ? Niveau confort, un cadre et une fourche acier, une géométrie stable, rassurante et confortable typée VTT, des roues de 29 pouces équipées ici de série de pneus en 2.25 et un cintre ultra-large.
Un confort digne de l’iconique Citroën Traction qui, en raison de ses excellentes caractéristiques de conduite, était populairement connue sous le nom de « berline préférée des gangsters ». Avec son centre de gravité bas, sa voie large et son empattement long, la légende dit qu’elle était la voiture idéale pour s’enfuir – ses nombreuses apparitions dans des films, notamment policiers, semblent le prouver. De là à dire que vous allez braquer la banque avec le Sutra que vous pourrez équiper avec de grandes sacoches grâce à ses nombreux inserts il n’y a qu’un pas…Mais vous braquerez plutôt la superette à l’arrêt ravito…
…mais avec une bonne dose de fun aussi.
Kona, respectant l’esprit de son ADN, a su rendre ce Sutra également très fun. Ses atouts à ce niveau ? Une géométrie sloping avec un top-tube assez long, une potence courte (40 mm sur ce vélo test), un mono-plateau, une tige de selle télescopique et un cintre large. Parfait s’amuser sur des terrains ludiques voire engagés.
A le décrire ci-dessus, vous vous dites, c’est un croisement entre un VTT et un gravel. Alors pourquoi ne pas prendre un VTT ? Ne manque que la fourche télescopique…L’éternelle question ou remarque récurrente plutôt qui revient inlassablement sur ce type de test et de vélo typé monstercross. Mais ce Kona n’est pas un VTT. Il a les atouts d’un VTT dans une certaine mesure, mais aussi les atouts d’un gravel qui lui permettront d’aller plus loin et plus vite.
Seconde question justement : et l’ajout d’une fourche télescopique tant qu’on y est ? Pourquoi pas pour ceux désirant encore plus engager dans le technique et habitant une région accidentée. Il était d’ailleurs question que je l’équipe de la sorte mais malheureusement l’ajout de la fourche n’a pu se réaliser. Mais déjà, avec ces roues au profil large, ses pneus généreux et sa fourche acier, il permet de nombreuses excentricités sans trop se poser de questions.
Bref, vous l’aurez compris, amateurs de voyage à vélo dans un confort limousine et amateur de gravel ludique, ce Kona Sutra LTD est fait pour vous. Chasseur de grammes ou plutôt kilogrammes à la recherche d’une position race pour faire péter les chronos, passez votre chemin !
Cette remarque est cependant à pondérer car au final le rendement n’est vraiment pas ridicule. J’ai pu le tester en deux montes de pneus. Les pneus d’origine Recon Race de Maxxis en 2.25 pouces sont un parfait compromis entre accroche et rendement. Ils permettent de ne pas être trop collés à la route et apportent un sacré confort.
J’ai pu ensuite monter des Schwalbe Overland en 50 mm soit environ 1.95 pouces avec un profil plus roulant. On gagne évidement en rendement mais on perd un poil en confort. Ce peut être cependant une bonne option pour ceux désirant gagner un peu en rendement et vitesse.
Passons aux caractéristiques qui vont aider à comprendre ces constatations terrain.
Une géométrie « à part »
Pour choisir votre taille, reportez-vous au tableau indicatif fourni par Kona et recoupez les infos avec votre revendeur. Certes le top-tube est long, mais compensé par une potence courte sur ce modèle test. Pour ma part, étant entre deux tailles, j’ai pris la plus grande pour une fois (taille 52). J’étais parfaitement posé dessus avec une position confortable relevée. Comme dit plus haut le sloping est prononcé avec un tube de selle très court.
La douille de direction est généreuse à 140 mm, tout comme le stack. Le confort avant tout.
Le boitier de pédalier est positionné haut. L’empattement est logiquement élevé avec des bases longues à 445 mm, un top-tube conséquent et un déport de fourche de 55 mm mais un angle de direction plutôt « fermé » à 69,5°.
Une géométrie plutôt à part donc qui colle parfaitement au programme du vélo.
Un cadre et une fourche acier à toute épreuve
Cadre et fourche sont en acier Cromoly Butted. Pas d’informations sur la provenance des tubes « Made in Kona ». La finition est très correcte au niveau des soudures. Du bon boulot !
La peinture pailletée scintille au soleil. Le vert anglais nommé Gloss Metallic Dragonfly est sobre. Il fait assez peu ressortir les inscriptions Kona « Charcoal & Nimbus Decals » sauf en plein soleil.
Le Sutra LTD est également proposé dans une couleur « cuivrée » plus originale et voyante.
Les composants et périphériques
Kona propose un montage plutôt cohérent. Le groupe est un Sram Rival Hydro monté en mono-plateau Sram NX. Le plateau d’origine est un 36 dents couplé avec une cassette 11/42. A titre personnel j’aurais aimé une cassette un poil plus grosse et polyvalente. Car bien chargé dans les pentes du Massif Central et du Cantal, il a fallu s’employer un peu pour gravir les pentes raides de ces beaux massifs exigeants en pleine canicule. Mais c’est passé ! Ces critères dépendront donc de votre région et de votre programme.
Le fonctionnement du groupe a été irréprochable même si j’aurais toujours du mal à me faire à ce « Double Tap » Sram qui parfois fait baisser une vitesse plutôt que la monter si on est pas attentif…Enervant, surtout en pleine montée.
Notez une patte de dérailleur fusible. Une seconde dans la trousse à outil sera, comme de coutume, indispensable lors d’un voyage au long cours.
Les disques sont montés en 180 mm avant / arrière. Je pense que ce choix comporte deux raisons : d’abord logiquement pour pouvoir mieux arrêter l’engin, son pilote et le chargement. Plutôt une bonne option pour éviter la surchauffe…Mais aussi pour palier un temps soit peu à un système de freinage que j’ai trouvé perfectible et peu endurant. Il a été plutôt bon au début du test mais s’est étiolé au fur et à mesure. Un changement de plaquettes aurait pu certainement régler l’affaire pour retrouver le mordant d’origine. Un point positif est l’ergonomie de la manette qui conviendra au plus grand nombre et qui permet une excellente prise en main, la garde étant réglable.
Le train roulant est à l’image du cadre, du fiable et éprouvé, avec des jantes WTB KOM Team i27 TCS compatible tubeless, des moyeux Formula et des rayons stainless. De largeur généreuse à 27 mm elles accueilleront donc parfaitement des pneus également de taille respectable. Si vous désirez aller au-delà de 2.25 mm ce sera possible.
Pas de format boost mais du standard 142×12 mm arrière et 12×100 mm avant.
En découle des bases asymétriques et un boitier de pédalier de 73 mm. Notons que ce dernier est à visser, un bon point pour l’entretien tout comme le passage en externe de toutes les gaines sauf celle de la tige de selle télescopique.
Cette dernière est une Tranz-X qui a une plage de réglage manuelle de 3 cm. Choisissez bien la taille de votre vélo en prenant en compte votre sortie de selle et son enfoncement maximum. Ces 3 cm laisse une certaine marge pour s’adapter à la majorité des cas.
Son fonctionnement a été sans reproche même si très peu utilisée. Il conviendra de bien serrer le collier haut qui a eu tendance à se desserrer au fil du temps.
Elle peut cependant être un frein à l’utilisation d’une sacoche de selle. Il faudra donc choisir des modèles de sacoches compatibles. Pour ma part, j’ai pu l’utiliser avec ma sacoche Revelate Design pris directement sur un support fixé sous la selle. J’ai positionné une protection à base de chambre à air recyclée pour serrer le scratch dessus. Et j’ai évité de l’utiliser chargée de la sorte…
Les composants sont des composants maison, potence, collier de selle, cintre. J’ai cependant eu droit sur mon modèle test à un cintre Ritchey parfait pour ce programme. Avec les pénuries actuelles, les composants peuvent quelque peu varier de temps en temps, cela devient monnaie courante. La selle WTB Volt m’a parfaitement convenu, il est vrai que j’utilise déjà habituellement une selle WTB de même largeur .
Vous pourrez l’équiper évidemment de porte-bagage et garde-boue si besoin.
Le poids n’est pas une surprise. Ce sutra en taille 52 a été pesé à 13,16 kgs sans pédales ni accessoires.
Au niveau tarif, les modèles 2023 s’affichent à 2899 €. Une augmentation significative par rapport à 2002 (+300 € soit 11,5%) qui suit malheureusement la courbe générale des augmentations des prix du marché. Pour ce tarif vous aurez un gravel fiable, durable et qui vous emmènera loin durant de longues années.
Et si vous voulez un gravel plus sportif ou conventionnel vous pourrez vous orienter vers le Kona Libre en aluminium ou carbone ou le Kona Rove en acier ou aluminium. De très bon choix également.
Conclusion
Ce Sutra est très attachant et un modèle à part dans l’univers du gravel. Il sera un parfait compagnon d’aventures à vélos aussi bien lointaines que quotidiennes. Laurent qui avait testé également un monster cross, le Sauvage Le Monstre arrivait à la conclusion que le monster tirait très bien son épingle du jeu y compris sur la route et qu’il était une créature attachante. Toute proportion gardée car le montage, la géométrie et le poids sont assez différents, et que le Sutra est plus orienté voyage, il n’en demeure pas moins que mon avis est similaire. J’ai pris énormément de plaisir à rouler ce gravel, particulièrement lors de mes trips bikepacking. Un vélo, fiable et fun, à l’image de la marque.
Toutes les infos sur le site Kona
J’ai acheté un VTT en 92 4300 Francs, full rigide comme ce KOna, full Reynolds 531, équipé en Deore LX complet, groupe juste sous le top de l’époque Deore XT. Le huat de gamme de l’époque. Il fallait 13 h de travail au SMIC pour se payer mon vélo.
Ce Kona en tube Chromoly, butted de source inconnue, sans équipement particulier du même poids que mon VTT (avec pédales, le mien) coûte 263 heures de SMIC actuel.
CQFD.
Mon vélo est fiable, attachant et très polyvalent.
Kona est une marque FUN et ça, ça vaut de doubler le prix (130 h de SMIC pour une marque FUN).
CF discussion sur le prix des vélos Gravel.
Ca coûte cher en marketing pour que les gens paient des sommes élevées pour le marketing …
Les gens sont devenus fous.
Il fallait lire “Il fallait 130 h de travail au SMIC pour se payer mon vélo” (et non pas 13h).
Désolé pour la faute de frappe (pas possible de modifier un post sur Bike Café).
Merci du commentaire, Vincent. Et oui, pas la peine de dépenser une fortune pour rouler avec un vélo qui donne du plaisir et que l’on pourra garder dans le temps grâce à des composants fiables. Sportivement, Matthieu
Je roule en Rove DL, et même conclusion, peut être pas le plus léger/rapide, mais quel plaisir à rouler, chaque sortie je me fais la même réflexion, et c’est bien ça l’essentiel !
Merci pour cet essai très complet qui me confirme dans mes choix.
Super vélo qui m’emmène confortablement et efficacement depuis un an. Il permet sans problème de suivre de petits singletracks vosgiens ou les routes et gros chemins qu’il faut prendre pour les atteindre.
Il est beau, un peu lourd (16kg et qques en équipement voyage, avec sacoches selle et guidon, porte-bagages avant et arrière, pédales), il est fait pour rouler au train avec une bonne inertie une fois lancé. L’équipement est très bien, sauf la tige de selle qui glisse dans le cadre et s’écrase quand on la serre suffisamment (je l’ai remplacée par une tige Spé), et la démultiplication insuffisante pour mes 61 ans (je vais monter un plateau de 34 ou 32).
Pour conclure, j’ai accepté de perdre 2 ou 3 km/h en vitesse moyenne, et le LTD est parfait pour des petits tours bien techniques et explosifs, mais aussi pour des virées plus longues en mode voyage. En gros, pour tout ce que je demande à un vélo de trekking/gravel.
Et pour ce qui concerne les fameux vélos de “dans le temps”, j’ai un Sunn Revolt II de 1994, payé en francs et en solde deux fois plus cher à l’époque.
La géométrie des cadres de l’époque est quand même très radicale. Je le modifie depuis quelques années pour une utilisation trekking/gravel en ajoutant des réhausses partout où c’est possible, mais il faut bien se rendre à l’évidence, que cela reste de la bidouille et moins confortable qu’une géométrie actuelle et que cela finit par revenir cher.
Ceci dit, mon Sunn pèse 3 kg de moins avec le même équipement que le LTD, le cadre en Fuji SL est nettement plus nerveux et me permet de rouler en moyenne plus vite en fournissant le même effort, mais il est certainement moins solide, n’a pas d’oeillet de fixation, est en 26 pouces…
Bref, c’est plus ce que c’était au niveau de la qualité des tubes et des cadres, mais j’ai quand même décidé d’investir dans un LTD.
Et pour ce qui concerne les fameux vélos de “dans le temps”, j’ai un Sunn Revolt II de 1994, payé en solde et en francs deux fois plus cher à l’époque.
La géométrie des cadres de l’époque était quand même très radicale. Je le modifie depuis quelques années pour une utilisation trekking/gravel en ajoutant des réhausses partout où c’est possible, mais il faut bien se rendre à l’évidence, que cela reste de la bidouille, nettement moins confortable qu’une géométrie actuelle et que cela finit par revenir cher.
Ceci dit, mon Sunn pèse 3 kg de moins avec le même équipement que le LTD, le cadre en Fuji SL est vraiment plus nerveux et me permet de rouler en moyenne plus vite en fournissant le même effort, mais il est certainement moins solide, n’a pas d’oeillet de fixation, est en 26 pouces…
Bref, ce n’est plus ce que c’était au niveau de la qualité des tubes et des cadres, mais j’ai quand même décidé d’investir dans un LTD.
Oui les standards actuels sont quand même appréciables niveau confort. Pour avoir eu et roulé avec le Sunn 5003R très longtemps et encore récemment en VTT, c’est une autre époque. Cordialement.
Bonjour, merci de ton témoignage Rémi. Le Sutra est effectivement parfait pour ce programme. Cordialement.
Salut,
il ne faut surtout pas se tromper d’époque ou de combat ! L’énergie pas chère, la pollution sans se poser de question et les rapports de salaires entre la France et les pays où sont délocalisées les productions des années 90, ce n’est pas une très bonne chose … Sauf pour les appétits consuméristes de certains.
À savoir qu’il faut 300 heures de salaire d’ouvrier pour se payer une bicyclette de sécurité en 1900, période à laquelle le vélo commence à être populaire.
Cette estimation est sur le prix moyen d’une bicyclette (fabriquée en France, composants compris) ! Ce prix moyen est estimé à 465 euros en France en 2023 (non fabriquée en France). On ne parle donc pas du moyen-haut de gamme de l’époque. Les vélos sont terriblement moins chers… Mais notre volonté d’avoir plus fait que l’on regrette l’esclavage, ou la pollution sans rien regarder pour produire …
On a vraiment l’habitude d’avoir beaucoup pour pas grand-chose ! Bref, les commentaires regrettant les bas prix des années 90 sont assez ignobles sur l’équité et l’empathie humaine à bien y regarder.
Je viens d’acquérir ce vélo (version 2022) et je le trouve excellent. Je lui ai trouvé une béquille ce qui n’était pas facile car pas prévu pour ça. C’est la première fois que je roule avec un guidon de gravel et lorsque je m’appuie sur les cocottes, position idéale pour le confort, je ressens une légère douleur à l’intérieur de mes mains proche des poignets, certainement je dois faire un réglage pour trouver la bonne position de ces cocottes.